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Notre rapport au monde est-il avant tout technique ?

Publié le 08/03/2004

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Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices « pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature. La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature «. « Comme «, car Dieu seul est véritablement maître & possesseur. Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur «), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître «). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation. C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit. Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

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« d'abord été sa démarche essentielle, qu'aujourd'hui encore notre vie sociale gravite autour de lafabrication et de l'utilisation d'instruments artificiels, que les inventions qui jalonnent la route du progrèsen ont aussi tracé la direction.

Nous avons de la peine à nous en apercevoir, parce que lesmodifications de l'humanité retardent d'ordinaire sur les transformations de son outillage.

Nos habitudesindividuelles et mêmes sociales survivent assez longtemps aux circonstances pour lesquelles elles étaientfaites, de sorte que les effets profonds d'une invention se font remarquer lorsque nous en avons déjàperdu la nouveauté.

(...) Dans des milliers d'années, quand le recul du passé n'en laissera plus apercevoirque les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de chose, à supposer qu'ons'en souvienne encore ; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui fontcortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée ; elle servira à définirun âge.

Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous entenions strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristiqueconstante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens [1], mais Homofaber [2].

En définitive, l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est lafaculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d'en varierindéfiniment la fabrication.

» BERGSON, « L'évolution créatrice ». [1] HOMO SAPIENS : L'homme savant.[2] HOMO FABER : L'homme qui fabrique. L'homme doit devenir maître et possesseur de la nature Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de latechnique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la dominationtechnicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sacompréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriationchrétienne de la doctrine d' Aristote . Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée dela vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action,de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent,mais principalement aussi pour la conservation de la santé [...] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative),c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine,elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme onagit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert àl'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair.. »

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