Devoir de Philosophie

La religion comme expression fantastique de l'aliénation économique de l'homme ?

Publié le 15/02/2004

Extrait du document

religion
Elle est l'opium du peuple.L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation, c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l'auréole. » Marx.Marx mène une critique politique de la religion comme idéologie, une critique de son instrumentalisation politique, et notamment de sa fonction d'aliénation : l'homme devient étranger à lui-même, au lieu de réaliser son essence. Mais le matérialisme abstrait et statique de Feuerbach ne lui suffit pas ; Marx veut expliquer pourquoi l'homme s'aliène dans la projection religieuse : c'est parce que sa vie réelle est invivable. Si la religion est une conscience inversée du monde, cette inversion n'est pas due à la conscience elle-même, mais est produite par un monde social qui est lui-même à l'envers. C'est donc en partant de la réalité matérielle que Marx déploie sa critique, et en mettant à jour les contradictions inhérentes aux conditions sociales de vie : son matérialisme est par conséquent concret & dialectique.La religion peut être définie par son effet d'assouplissement de conscience, d'oubli de soi et de sa propre réalité.
religion

« Pour l'homme qui s'est approprier lui-même, pour l'homme qui ne s'est pas perdu à lui-même, pour cet homme en plénitude (plein de lui-même) il n'y a pas d'espace, d'écart à combler.

Dèslors la religion est inutile, elle n'a plus de place.

Elle n'aura à nouveau de la place que si l'homme ai lieu de retrouver sans cesse, se perd à nouveau, laissant dès lors un vide à combler.Cependant l'homme dont on vient de parler avec sa conscience de soi est un homme abstrait.

Ce qui signifie aussi bien l'homme en général, qu'on aurait pu écrire avec un grand H, qu'unhomme non concret.

Le rapport de l'homme et de la religion impose, qu'à l'opposé de l'homme abstrait, on évoque l'homme réel.

Car l'homme, c'est d'emblée un rapport, celui qu'il entretientavec le monde : « l'homme n'est pas installé hors du monde », mai bien au contraire dans le monde.

Ce monde dans lequel l'homme est immergé est son mode.

A tel point qu'il n'y a pas de différence entre l'homme et le monde.

D'où la formule éclatante qui marque l'identité : « l'homme, c'est le monde de l'homme », et qu'on exprimerait peut-être aujourd'hui comme homme/monde.

Mais cette identité n'est pas donnée d'abord, elle est un produit (donc produite dans une histoire), avec ses institutions : la société, l'Etat.Identité (et non opposition) de l'homme et de ses institutions (l'Etat, la société), sans priorité de l'un sur les autres, non par succession, mais plutôt cercle de l'engendrement mutuel : l'hommefait la société, comme la société fait l'homme.

Mais la question n'est pas traitée ici en tant que telle.

Rappelons-nous la thèse de Marx : l'homme fait la religion.

Dès lors, compte tenu de l'identité de l'homme avec l'Etat et la société, la thèse peut, à l'identique se formuler : « l'Etat, la société produisent font] la religion ».

A compléter avec la formulation selon laquelle « la religion est la conscience de soi et de sa valeur de l'homme ».

Dès lors, l'enchaînement des idées est le suivant : puisque la religion est la conscience de soi de l'homme, on peut aussi bien dire que la religion (comme produit) est la conscience (de soi) du monde.Mais , dit Marx , une conscience inversée (une conscience du monde à l'envers).

Une conscience qui n'est pas inversée par elle-même, car la religion n'est rien par elle-même.

Une conscience qui n'est inversée que de dire (à l'endroit) que le monde est « à l'envers ».

Et bien que le terme ne soit pas expressément employé, on a envie de dire que la religion est un reflet, elle est comme un miroir qui reflète.

Image impossible cependant, car l'essentiel n'est pas que la religion soit à l'envers, mais c'est que la société (et l'Etat) le soient : sens dessus dessous.

Un refletd'un monde à l'envers, ne serait-il pas à l'endroit ?A partir de là, Marx , dans une expression toute romantique, et avec une accumulation presque baroque des termes, entreprend de particulariser les mille et un aspects de la religion.

Toujours par rapport au monde, en marquant son aspect théorique (au sens d'abstrait) : « La religion c'est la théorie générale de ce monde » (à l'envers).

Cette théorie n'est pas quelque chose de concret, une simple manière de voir (théorie veut dire aussi contempler, observer...), sans le plein du réel, seulement un vide : le vide de la conscience, définie déjà comme écart.Et Marx de dévaloriser la religion : non pas une encyclopédie, mais seulement un abrégé (« compendium ») ; non pas une logique sous une forme noble, mais seulement sous une forme populaire ; un point d'honneur chevaleresque, mais seulement spiritualiste (et sans doute déjà démodé).Les termes employés pour définir la religion (enthousiasme, sanction morale) expriment a contrario (à l'envers) le monde qu'elle reflète : sans enthousiasme, sans morale, sans honneur.Monde pénible, dont il faut se consoler, monde injustifiable, qu'il faut pourtant justifier.

D'où l'énoncé, non seulement de la définition de la religion, mais de sa fonction sociale,, tout entièretournée vers la réhabilitation d'un monde catastrophique.De même qu'il faut aller au fond des choses pour mener la critique irréligieuse, il faut aller au fond des choses, pour comprendre la fonction de la religion.

« Au fond », parce que la religion elle- même est le fondement, le sol, le point d'appui à partir duquel il est possible d'une part de consoler l'homme et de justifier le monde.Vide, sans contenu, la religion est pourtant une réalisation, une manière pour le réel de s'effectuer, mais sans réalité vraie, puisque Marx le dénonce, cette réalisation est de l'ordre du fantastique, on dirait aujourd'hui fantasmatique ou plus simplement de l'ordre de l'imaginaire, le caractère dérisoire de l'accolement impensable des deux termes contraires : « réalisation fantastique ».

Mais la dimension imaginaire de la religion n'est que la reprise de l'être humain lui aussi en partie imaginaire.

L'homme, autrement dit la société, l'Etat, s'échappe à lui-même, il ne se « possède pas ».

La réalité qui est la sienne n'est pas complète, n'est pas achevée, n'a pas encore atteint sa vérité : « l'être humain ne possède pas de réalité vraie ». Lutter contre la religion en tant que telle ne saurait suffire.

Dès maintenant (« immédiatement », autrement dit sans attendre, sans détour, sans se donner d'autres adversaires) la lutte contre la religion se doit d'être la lutte contre le monde, dont la religion est, mais n'est que l'expression.

A proprement parler il n'y a pas de lutte particulière à mener contre la religion.

Mais, dans undéplacement jusqu'alors jamais revendiqué, il faut porter la lutte contre un monde qui n'a pas atteint sa vérité.

Quel que soit le pittoresque de l'expression, la religion est considérée comme unparfum tout intellectuel, presque immatériel (« l'arôme ») du monde, sans doute selon l'image de l'encens qui, avec la myrrhe et la cinnamome, sont brûlés devant les autels des divinités. 3) La religion est protestation contre la misère réelle de l'homme .

Mais la critique ne vise pas seulement à dévaloriser la religion , en la mettant à la place (la seconde), en décrivant sa double fonction à la fois théorie '‘abstraite) et réalisation (fantastique) de l'homme et de son monde.

Elle vise à passer au crible et à dégager tout ce qui est de l'ordre de la religion.

Le thème du témoignage est repris (« expression de la misère ») mais pourtant la religion est davantage : elle est aussi protestation.

Dans l'absence de réalité de l'être humain, dans sa réalité imaginaire se loge la misère, et cette misère, Marx, par deux fois, la dénonce comme réelle (« expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle »).

L'homme est comme une créature tourmentée sur terre -–ais l'on ne peut manquer de songer aussi aux tourments de l'enfer : malgré ce qu'en dit la religion, l'enfer n'est pas pour l'au-delà, il est déjà dans ce monde.

Le monde est comme un être vivant, mais si bouleversé qu'il a une âme, mais qu'il n'a plus de coeur, ou plutôt c'est parce qu'en réalité le monde d'ici-bas n'a pas de coeur, que la religion estamenée à lui inventer une âme, pour l'au-delà.

Rencontre de l'homme (comme créature) et du monde qui s'actualisent en des situations concrètes, toutes matérielles, et comme telles« dépourvues d'esprit ».

Là encore la religion propose son ersatz : « Elle est l'esprit de situations dépourvues d'esprit. » Mais cette misère réelle est-elle supportable ? Ne faut-il pas lui substituer un bonheur illusoire.

Expression, protestation de la misère, la religion est plus encore assoupissement decette misère.

Endormir la souffrance, endormir la protestation, telle est la fonction narcotique suprême de la religion, résumée dans la célèbre formule : « La religion est l'opium du peuple.

» « Le fondement de la critique irréligieuse est : c'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme.

» Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844. « Qu'est-ce que la religion ? — Un besoin apparu à un stade d'évolution inférieur et dont la classe supérieure s'est servie pour tenir la classe inférieure sous sa domination.

» Strindberg, Petit catéchisme à l'usage de la classe inférieure, 1886.

« Peut-être n'y a-t-il rien de si vénérable dans le christianisme et le bouddhisme que leur art d'enseigner même aux plus humbles à trouver, grâce à la piété, leur place dans un ordreimaginaire et supérieur des choses; ils continuent ainsi de se satisfaire de l'ordre réel qui leur fait la vie si dure, — dureté qui est précisément nécessaire.

» Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, 1886.

« La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, de même qu'elle est l'esprit de situations dépourvues d'esprit.

Elle est l'opium du peuple.

» Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844.La religion, selon Marx, concourt à endormir la conscience politique du peuple, en ce qu'elle lui fait miroiter dans un illusoire au-delà des joies qu'il ne peut trouver ici-bas.

Âme d'un monde sansâme, la religion masque à l'homme sa véritable condition.

.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles