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Repères: RESSEMBLANCE / ANALOGIE

Publié le 01/08/2009

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RESSEMBLANCE/ANALOGIE

Chaïm PERELMAN (1912-1984)

Pour lui conserver sa spécificité, il faut interpréter l'analogie en fonction de son sens étymologique de proportion. Elle diffère de la proportion purement mathématique en ce qu'elle ne pose pas l'égalité de deux relations mais affirme une similitude de rapports. Alors qu'en algèbre on pose a/b = c/d, ce qui permet d'affirmer, par symétrie, c/d = a/b, et d'effectuer sur ces termes des opérations mathématiques qui aboutiront à des équations, comme : ad - cb = 0, dans l'analogie, on affirme que a est à b comme c est à d. Il ne s'agit plus d'une division, mais d'une relation quelconque que l'on assimile à une autre relation. Entre le couple a-b (le thème de l'analogie) et le couple c-d (le phore de l'analogie), on n'affirme pas une égalité symétrique par définition, mais une assimilation, ayant pour but d'éclairer, de structurer et d'évaluer le thème grâce à ce que l'on sait du phore, ce qui implique que le phore relève d'un domaine hétérogène, car mieux connu que celui du thème.

Dans cette perspective, l'analogie relève de la théorie de l'argumentation et non de l'ontologie. Car, dans certains cas, après que l'analogie lui aura permis d'orienter ses investigations, et que celles-ci lui auront permis d'obtenir des résultats expérimentaux, grâce auxquels il structurera le thème de façon indépendante du phore, le savant pourra abandonner l'analogie, comme l'entrepreneur qui démonte un échafaudage après avoir achevé la construction de l'immeuble. C'est ainsi que, l'analogie établie entre le courant électrique et le courant hydraulique ayant orienté les premières expériences dans ce domaine, celui-ci a pu se développer ultérieurement de manière indépendante. Dans d'autres cas, l'analogie sera dépassée, thème et phore étant supprimés tous deux par une loi plus générale. Mais dans les domaines où le recours à des méthodes empiriques est impossible, l'analogie reste inéliminable, et l'argumentation utilisée tendra surtout à la soutenir, à montrer son caractère adéquat.

L'Empire rhétorique. Rhétorique et Argumentation, Paris, Vrin, 2002, p. 145-146.

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