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« Le rôle de l'écrivain […] ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent », écrit Albert Camus dans le Discours de Suède. Selon vous, la seule fonction de la littérature est-elle de se mettre au service d'une cause ?

Publié le 18/09/2010

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histoire

 

 

                Le mot littérature, issu du latin « litteratura « dérivé de « littera «, « la lettre «, apparaît au début du XIIe s avec un sens technique de « chose écrite « puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres «, avant d'atteindre aux XVII-XVIIIe siècles son sens principal d'aujourd'hui : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique ou activité participant à leur élaboration. Albert Camus déclare que « Le rôle de l’écrivain […] ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent « dans son Discours de suède. Ainsi nous pouvons nous demander si la littérature n’est qu’un moyen de se mettre au service d’une cause. Pour cela, nous allons tout d’abord étudier le fait qu’elle puisse avoir pour mission de se mettre au service d’une cause, pour ensuite parler de ses possibles autres fonctions.

 

                Lorsqu’une œuvre présente certaines opinions ou prises de position de son auteur sur un sujet donné, on la dit engagée. Par le biais de son texte, un écrivain engagé peut, par exemple, critiquer et dénoncer certains aspects de la société. Ceux-ci peuvent être d’ordre politique -s’élever contre le régime politique en vigueur-, social -les conditions de vie du peuple- ou encore économique –les inégales répartitions des richesses-. Dans son Candide,  Voltaire dénonce le système monarchique et l’intolérance religieuse de l’époque. C’est aussi le cas d’Emile Zola qui critique violemment les intolérables conditions de travail et de vie des mineurs dans Germinal. La littérature dite engagée permet principalement d’émettre une critique ou une dénonciation plus ou moins déguisée à l’encontre de son époque.

                La littérature engagée peut aussi permettre à son auteur de défendre une question qui lui est chère. Il prend fait et cause pour un sujet plus précis, un fait de société, une injustice, une pratique qui le révoltent. C’est pourquoi, un grand nombre d’auteurs se sont engagés à travers leurs écrits à propos de causes importantes : tels Hugo contre la peine de mort dans Claude Gueux, Alexandre Soljenitsyne dans l’Archipel du Goulag qui traite du système carcéral et de travail forcé mis en place dans l'Union soviétique ou encore Emile Zola dans son célèbre « J’accuse « contre l’antisémitisme. La littérature est un moyen efficace pour que le lecteur prenne conscience des injustices, des inégalités ou des pratiques qui sont relatées dans l’œuvre.

                Mais la littérature engagée a une autre fonction, celle de lutter contre les préjugés, les idées reçues et une certaine forme d’endoctrinement. Cette lutte permet d’ouvrir l’esprit, de développer le sens critique, de remettre en question des choses qui paraissaient être établies et immuables. Dans l’article « agnus scythicus «,  Diderot condamne la crédulité des Hommes. Comme son nom l’indique, le Dictionnaire des idées reçues  de Flaubert est une véritable dénonciation de la bêtise. Cette forme de littérature est très importante car elle s’attaque à un problème de fond.

                Au travers de tous les exemples cités précédemment, nous pouvons affirmer que la littérature est très utile quand elle est au service d’une cause. Cependant, cette seule analyse semble un peu restrictive.

 

                En effet, une autre utilité de la littérature et non la moindre est celle de divertir son lecteur sans que ce terme ait une connotation péjorative.  Les genres qui se rapportent à cette fonction sont les contes merveilleux et fantastiques, les romans de sciences fiction, d’aventures. Ils nous divertissent car ils font appel à notre imaginaire, nous font rêver. Ils peuvent aussi nous faire rire, comme Pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Lewis. Cependant, ces livres, qui, de prime abord semblent uniquement distrayants peuvent posséder une fonction didactique, comme Fables de Jean de La fontaine, qui relate des histoires plaisantes mettant en scène des animaux et comportant une morale explicite ou implicite.

          De même, un roman comme La jument verte de Marcel Aymé, tout en nous amusant, décrit parfaitement le fonctionnement et le mode de pensée d’un village pendant le Second Empire. Une des fonctions des plus importantes de la littérature est celle qui obéit au principe de placere et docere, plaire et instruire.

                La littérature peut aussi être une justification, une explication de la part de son auteur quant à ce qu’il a pu dire, faire, ou tout simplement pour la compréhension de ce  qu’il est. C’est le cas du genre roman autobiographique. Rousseau a écrit les Confessions pour se justifier de ses actes et expliquer sa personnalité. Une autobiographie peut aussi faire office d’exorcisme des problèmes de l’auteur comme c’est le cas dans Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline. Dans ce genre de roman, la fonction d’écrire est surtout utile à l’auteur, tout en restant intéressante pour le lecteur qui sera peut-être plus à même de comprendre l’œuvre de l’écrivain.

                Enfin, la littérature doit donner le goût de la belle écriture. Les mots peuvent ne pas être utiles de par leur sens, mais harmonieux à la vision et à l’oreille au même titre que la musique. C’est le cas essentiellement du genre poétique, puisque le nombre de pieds, de vers, l’assemblage des rimes n’est pas sans rappeler un rythme musical. Par exemple, à la lecture du poème « Invitation au voyage « de Charles Baudelaire nous pouvons voir qu’il est construit comme une chanson puisque « Là, tout n’est qu’ordre et beauté Luxe, calme et volupté. « revient comme un refrain tout au long du poème. Dans un tout autre genre, mais dans le but de faire aimer les mots, Exercices de style de Raymond Queneau, est un modèle du genre. Ce genre littéraire est esthétique, c’est pour cela que nous avons du mal à le classer.

 

                Effectivement, la littérature a une réelle utilité au service d’une cause. Cependant, il est très restrictif de la cantonner à cette seule fonction. En effet, la littérature est faite pour être lue et donc chaque lecteur doit en retirer ce qu’il recherche en fonction du moment où il décide de lire, selon son humeur, son état d’esprit. Il n’est pas toujours prédisposé à s’engager dans une difficulté. La littérature peut être distrayante, instructive, de justification, historique, engagée ou bien même très légère. De même que pour le cinéma ou le théâtre qui doivent proposer un large échantillonnage de sujets ou de formes, la littérature ne peut pas se contenter d’une seule fonction qui est celle d’être utile. Si elle devait n’en avoir qu’une ce serait celle de faire aimer les Belles Lettres.

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