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roman noir américain - littérature.

Publié le 28/04/2013

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roman noir américain - littérature. 1 PRÉSENTATION roman noir américain, genre romanesque apparu aux États-Unis après la Première Guerre mondiale et dont l'objet est la description de comportements humains dans un contexte réaliste et policier, où la violence et l'évocation de l'atmosphère glauque des jungles urbaines priment sur la résolution d'une quelconque énigme. 2 ORIGINES DU ROMAN NOIR AMÉRICAIN Marqué par le cinéma et par le journalisme indépendant, cette nouvelle école se fait d'abord l'écho de la situation politique et sociale des États-Unis d'alors, que la prohibition (1920-1933) a livré au crime, au gangstérisme et à la corruption politique. Si le roman noir américain descend, pour partie, des Dimes Novels, ces magazines bon marché diffusés à la fin du XIXe siècle -- comme les Aventures de Nick Carter (1891), un détective privé inventé par John Russel Coryell, sous le pseudonyme de Bertha M. Clay --, les auteurs abandonnent vite les lois du feuilleton populaire pour se placer dans le sillage des romans réalistes et sociaux de Theodore Dreiser (l'Amérique tragique [An American Tragedy]), de Sinclair Lewis (Babbit, 1922) ou de John Dos Passos (Manhattan Transfer, 1925). Ernest Hemingway s'essaie à son tour à ce genre naissant avec une nouvelle, les Tueurs (The Killers, 1926), et, au fil du temps, c'est toute la littérature américaine contemporaine qui finit par s'inspirer du style (direct) et du discours (social) du roman noir, au cours des années 1920. 3 BLACK MASK ET LA NAISSANCE DU ROMAN POLICIER SOCIAL, OU ROMAN NOIR Directeurs de l'élégante revue Smart Set, fondée en 1890, H. L. Mencken et George Nathan créent le magazine Black Mask (1920), qui publie des nouvelles construites autour d'énigmes policières et des récits de mystère classiques. C'est en 1923 qu'y paraissent les premiers textes hard boiled (« dur à cuire «) qui vont faire la gloire de la revue et la fortune du roman noir américain ; avec tout d'abord les Aventures du détective privé Race Williams, nées sous la plume de Caroll John Dally, puis les nouvelles d'un authentique détective privé : Dashiell Hammett. Ce dernier, sous les pseudonymes de Peter Collinson ou de Mary Jane Hammett, conte les enquêtes d'un détective privé de la Continental OP. La très grande qualité documentaire et stylistique de ses récits le signale très vite à l'attention de la critique. Joseph Shaw prend la direction de Black Mask, qui publie alors de jeunes auteurs représentatifs de cette tendance, dure et descriptive, du roman policier : William Brandon, Paul Cain, Raymond Chandler, Frank Gruber, Horace McCoy et Raoul Whitfield. 4 LES FONDATEURS Dans un style direct, sobre et presque sec, Dashiell Hammett rompt avec le roman à énigme, ce qui lui vaut un bel éloge de Raymond Chandler : « Il a sorti le crime de son vase vénitien et l'a flanqué dans le ruisseau «, qui est une bonne définition de tout un pan du roman noir américain. À ce titre, la publication de la Moisson rouge (Red Harvest, 1927 en feuilleton, 1929 en volume), premier roman de Hammett, fait figure de manifeste. On y découvre une ville américaine gangrenée par la corruption et un détective sans nom qui dresse les bandes de truands les unes contre les autres pour les faire s'entretuer à son profit. Sang maudit (The Dain Curse, 1929) se situe dans la même veine, et le Faucon maltais (The Maltese Falcon, 1930) introduit un personnage de détective cynique et pragmatique, Sam Spade. Le journaliste Donald Henderson Clarke raconte, lui, dans Un nommé Louis Beretti (Louis Beretti, 1929), l'ascension sanglante d'un « bootlegger « (trafiquant d'alcool à l'époque de la prohibition) au sein de la pègre, tandis que William Riley Burnett retrace, en s'inspirant de la vie d'Al Capone, la carrière sanglante d'un petit gangster d'origine italienne dans le Chicago des années 1920, dans le Petit César (Little Caesar, 1929). Le krach de Wall Street, en 1929, et la crise économique qui en résulte provoquent une hausse considérable de la criminalité dans le pays, qui va nourrir ces nouvelles formes de récits d'un discours contestataire. Leurs héros (détectives privés, avocats, journalistes ou truands) apparaissent généralement comme des anarchistes individualistes. Raoul Whitfield illustre ce courant avec Vivement mes pantoufles (Green Ice, 1930) et la Mort du maestro (Death in the Bowl, 1931), de même que Paul Cain avec À tombeau ouvert (Fast One, 1933), tandis que Pincus Jacob Wolfson introduit un romantisme noir et désespéré dans le genre avec À nos amours (Bodies Are Dust, 1931). 5 ROMAN NOIR ET CRITIQUE SOCIALE Certains écrivains, loin de considérer ce genre naissant comme mineur, se lancent dans l'écriture de romans noirs armés d'ambitions littéraires et d'une volonté de réalisme. Ils portent sur l'Amérique de la grande dépression un regard désenchanté. Leurs héros sont le plus souvent des solitaires, des chômeurs, des petits truands minables ou des victimes de la société que la malchance ou la révolte conduit au crime. James Cain brosse un portrait au vitriol de son pays, tout en renouvelant les principes du vaudeville (et du mélodrame) fondé sur le triangle femme, mari, amant, dans Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice, 1934). Don Tracy décrit la manière dont un boxeur déchu devient gangster par amour, dans le désespéré Tous des vendus (Criss Cross, 1934). Horace McCoy, dans On achève bien les chevaux (They Shoot Horses, Dont They ?, 1935), dépeint l'univers impitoyable des marathons de danse, auxquels se pressent, appâtés par le gain, les laissés-pour-compte de la crise économique. Puis dans Un linceul n'a pas de poches (No Pockets in A shroud, 1937), il met en scène un journaliste sans scrupules, qui, par arrivisme, se livre au chantage, et fait alors le constat de la corruption endémique qui sévit autour de lui. Dans Tous des voleurs (Thieves Like Us, 1937), Edward Anderson dénonce, à travers le récit d'une fulgurante histoire d'amour entre deux jeunes hors-la-loi, le néofascisme qui prospère sur le terreau de la dépression économique. Gerald Kersh décrit le calvaire d'un petit voyou sans envergure avec les Forbans de la nuit (Night and the City, 1938). David Goodis écrit à vingt et un ans un roman sur le mal de vivre d'une jeunesse américaine antiraciste et antifasciste, Retour à la vie (Retreat from Oblivion, 1938). En marge de ce courant, l'Anglais James Hadley Chase, enfin, s'infiltre dans cette brèche ouverte en écrivant des romans noirs et tragiques qui passent aux États-Unis pour des modèles : Pas d'orchidées pour Miss Blandish (No Orchids for Miss Blandish, 1939) et Ève (Eva, 1945). 6 ROMAN NOIR ET HUMOUR Une voie ironique, caractérisée par un humour très caustique, s'ouvre avec Jonathan Latimer et son roman Quadrille à la morgue (Lady in The Morgue, 1936). Elle se développe avec l'auteur britannique Peter Cheyney, dont les récits mêlent violence et décontraction autour de personnages cyniques, amateurs de scotch et de jolies femmes, tels l'agent du FBI Lemmy Caution dans Cet homme est dangereux (This Man is Dangerous, 1936), et Slim Callaghan dans Les étoiles se cachent (The Stars are Dark, 1943). La grande révélation de ce versant humoristique du roman hard boiled est Raymond Chandler, à partir de la publication du Grand Sommeil (The Big Sleep), en 1939. Chandler excelle à mettre en scène la désinvolture, incarnée en la personne du détective Philip Marlowe (immortalisé à l'écran par Humphrey Bogart), sans jamais sacrifier son propos, et la dénonciation -- très grinçante -- de la haute société californienne. Écrits à la première personne, ses récits ( Adieu ma jolie, 1940 ; la Grande Fenêtre, 1942 ; la Dame du lac, 1943 ; etc.) composent un cycle d'une grande qualité littéraire, où le personnage du détective privé qui en est le héros s'éloigne des types jusqu'alors façonnés par le roman à énigme ou le roman noir des années 1930. Marlowe est en effet un homme fidèle à une éthique, en dépit des coups de toutes sortes qu'il reçoit ; il est un miroir révélateur de la société américaine ; ses aventures le laissent toujours blessé, écoeuré ou triste, mais son sens moral prime sur tout. Parmi les auteurs américains qui se sont illustrés dans la veine humoristique du hard boiled, on retiendra encore le nom de Frank Gruber, avec Monnaie de singe (The French Key, 1940), roman dans lequel deux trimardeurs victimes de la crise économique jouent les détectives amateurs, et celui de Cleve Adams, avec Après moi, le déluge (Death and The Dawn), qui met en scène le détective cynique, raciste et macho Rex McBride. 7 ESSOR DU THRILLER Le succès de ces auteurs, conjugué à la vogue nouvelle du film noir, conduit les éditeurs à privilégier le roman noir à suspense, ou thriller. Dorothy Belle Hughes réussit à calquer les règles du thriller sur celles du roman classique à énigme dans la Boule bleue (The Blue Marble, 1940), dont l'héroïne est une femme. William O'Farrell introduit dans le roman noir un fantastique teinté d'humour, avec Les carottes sont cuites (Repeat Peformance, 1942). Samuel Fuller compose un thriller diabolique dans le milieu du journalisme -- l'Inexorable Enquête (The Dark Page, 1944) --, et Kenneth Millar signe un récit antinazi sous forme de roman noir -- À la déloyale (The Dark Tunnel, 1944) --, puis soulève un déchaînement de violence dans À feu et à sang (Blue City, 1947), qui dénonce la corruption au sein d'une petite ville. Le même Millar, sous le pseudonyme de Ross Macdonald, écrit ensuite les aventures d'un détective au profil assez semblable à celui de Philip Marlowe, Lew Archer, à partir de Il est passé par ici (The Moving Target, 1949). À côtés de romans noirs atypiques comme Tendre femelle (Deadlier than the Male, 1942), de James Gunn, le genre s'enrichit d'un nouveau courant, qui privilégie une forme d'onirisme fascinant autour de la notion de suspense. William Irish en est le chef de file, avec des nouvelles et des romans qu'il signe de son nom -- La mariée était en noir (The Bride Wore Black, 1940), dont François Truffaut donne une adaptation cinématographique en 1968 --, ou des pseudonymes de Cornell Woolrich -- Retour à Tillary Street (The Black Curtain, 1941) -- et de George Hopley -- les Yeux de la nuit (Night Has a Thousand Eyes, 1945). Dans cette voie au romantisme exaspéré, il faut encore citer des romans comme le Funiculaire des anges (Flight of an Angel, 1946), de Verne Chute, ou les romans de Gerard Butler, Kiss the Blood off my Hands (les Mains pures ou Du sang sur tes mains, 1940) et Mad With Much Heart (1946). 8 L'APRÈS-GUERRE OU L'ÂGE D'OR DU ROMAN NOIR AMÉRICAIN L'après-guerre est une époque faste pour le roman noir, comme pour le roman policier en général. Les pays sortant de l'occupation allemande sont friands de littérature américaine ; le roman noir profite de cet engouement et se diffuse dans le monde entier. Les collections policières se multiplient d'ailleurs un peu partout, particulièrement en France où Marcel Duhamel crée, en 1945, la célèbre « Série noire « chez Gallimard. Aux États-Unis, une nouvelle génération d'auteurs voit le jour. À l'exception de cas particuliers comme le poète Kenneth Fearing -- le Grand Horloger (The Big Clock, 1946) --, nombre d'écrivains se tournent vers ce type de littérature avec l'espoir d'y faire carrière et d'attirer l'attention des producteurs de Hollywood. Chester Himes, qui a purgé une peine de sept ans de prison pour vol, transpose son expérience du racisme dans S'il braille, lâche-le (If He Hollers Let Him Go, 1945), puis aborde le roman noir avec la Croisade de Lee Gordon (Lonely Crusade, 1947) ou la Fin d'un primitif (The Primitive, 1956). Installé en France à partir du milieu des années 1950, il donne naissance à un duo de policiers noirs, Ed Cercueil et Fossoyeur, dans la Reine des pommes (The Five Cornered Square, puis For Love of Imabelle, 1958), premier volet d'une série d'aventures au style percutant. Mickey Spillane n'a pas trente ans lorsqu'il invente, dans J'aurai ta peau (I, the Jury, 1946), son personnage de détective privé brutal et sans scrupules, Mike Hammer. À rebours des héros moralistes du roman noir, le sien n'a pas d'autre éthique que celle d'exécuter lui-même les coupables. Tout repose sur une chasse à l'homme dans un territoire où la boue et le sordide règnent sans partage à tous les niveaux de l'échelle sociale. Ce défenseur du bien a un comportement fasciste ; adorant la violence et le sexe, c'est un justicier sans pitié, un individualiste farouche vouant une haine tenace pour la démocratie. Pourtant, aussi antipathique puisse-t-il paraître, Mike Hammer connaît un succès public immense, comme si ses aventures avaient pu constituer un lieu de défoulement pour la centaine de millions de lecteurs dans le monde. À l'inverse de Spillane, Robert Finnegan (mort prématurément en 1947) est un auteur engagé. Son héros, le reporter Dan Banion, dénonce toutes les formes de fascisme dans Mensonges de femmes ou Tu mens, Beth ! (The Lying Ladies, 1946), les Spaghettis par la racine (The Bandaged Nude, 1946) ou encore Des Monstres à la pelle (Many a Monster, 1948). 9 LA TROISIÈME GÉNÉRATION De nouveaux personnages de détectives privés naissent de l'imagination de nouveaux auteurs, avec plus ou moins de bonheur, au point de provoquer une inflation de romans noirs. Dans toute cette production, on retiendra le nom de Johnny Lindell, héros sympathique des romans de Henry Kane à partir de About Face (Ni vu ni connu, 1947), ainsi que celui de Barry Breed, inventé par Bill Ballinger dans Ne gigote plus (The Body in the Bed, 1948). Ce dernier signe aussi des romans noirs plus personnels, dont le magnifique Version originale (Portrait in Smoke, 1950). Très en marge de ce type de production, Fredric Brown invente deux personnages, le jeune Ed Hunter et son oncle Ambrose, qui enquêtent de concert dans un univers fantasmagorique. Leurs aventures forment un cycle de sept romans, qui commence avec Crime à Chicago (The Fabulous Clipjoint, 1947). Mais le genre « très noir « est surtout illustré par des récits qui tranchent avec les sagas de détectives privés ou d'enquêteurs astucieux. Robert Bloch signe le portrait effrayant d'un psychopathe dans l'Écharpe (The Scarf, 1947) ; Sam Taylor tisse un monde de cauchemar dans Comme un frère (The Man with My Face, 1948), à partir d'une intrigue liée à une histoire de sosie et de perte d'identité ; dans la Peur au ventre (Dreadfull Summit, 1948), Stanley Ellin renouvelle le thème du jeune homme voulant venger l'honneur de son père, en lui conférant une tonalité fortement pathétique ; William McGivern décrit les pulsions de violence et la descente aux enfers d'un individu abject dans Mais la mort va plus vite (But Dead Runs Faster, 1948) ; William Stuart narre le calvaire d'un policier assassin malgré lui dans le remarquable Passage à tabac (Night Cry, 1948). L'auteur majeur de la fin des années 1940 reste cependant Jim Thompson, révélé par Cent mètres de silence (Nothing More Than Murder, 1949). Dans cet ouvrage et ceux qui vont suivre -- le Démon dans ma peau (The Killer inside Me, 1952), Nuit de fureur (Savage Night, 1953), 1275 Âmes (Pop 1280, 1964) --, romans durs et désespérés, d'une force rare, Thomson donne au roman noir un souffle que la production contemporaine avait perdu, et s'affirme comme un écrivain majeur du XXe siècle. Parmi les auteurs américains de romans noirs des années 1950, il faut encore distinguer Thomas Walsh -- Midi, Gare centrale (Nightmare in Manhattan, 1950) --, John Dann MacDonald -- la Foire d'empoigne (The Brass Cupcake, 1950) --, Gil Brewer -- Satan est une femme (Satan is a Woman, 1951) --, Lionel White -- En mangeant de l'herbe (Clean Break, 1955) --, John Mac Partland -- l'OEil du malin (The Face of Evil, 1954) --, Elliot Chaze -- Il gèle en enfer (Black Wings has my Angel, 1953) --, Richard Jessup -- Chanteur de choc (Lowdown, 1958) --, Charles Williams -- Fantasia chez les ploucs (The Diamond Bikini, 1956) --, Ed McBain (alias Evan Hunter) et ses flics de commissariat -- Du balai (Cop Hater, 1956) --, et le ricanant Donald Westlake -- le Zèbre (The Mercenaries, 1960). 10 DÉCLIN ET RENOUVEAU L'essor du roman d'espionnage -- concomitant de la guerre froide -- et du conte fantastique gore, ainsi que le succès de la télévision entraînent une diminution de l'audience, et, par voie de conséquence, de la production, de romans noirs. Certains auteurs émergent toutefois, tels Marc Behm -- Mortelle Randonnée (The Eye of the Beholder, 1980) --, Lawrence Block avec son détective Matt Scudder -- Tuons et créons, c'est l'heure (Time to Murder and Create, 1977) --, Jerome Charyn -- Zyeux bleus (Blue Eyes, 1976) --, James Crumley -- Fausse Piste (The Wrong Case, 1975) --, George V. Higgins -- les Copains d'Eddie Coyle (The Friends of Eddie Coyle, 1973) --, Tony Hillerman -- le Peuple de l'ombre (People of Darkness, 1980) --, Walter Mosley, le Diable en robe bleue (The Devil in Blue Dress, 1990) --, Tom Topor -- l'Orchestre des ombres (Coda, 1984) --, Bill Pronzini -- Qui traque-t-on ? (The Stalker, 1971) --, Dennis Lehane -- Un dernier verre avant la guerre (A Drink Before the War, 1994) --, Michael Connelly -- les Égoûts de Los Angeles (The Black Echo, 1987) --, ou encore George P. Pelecanos -- Le chien qui vendait des chaussures (Shoedog, 1994). Aujourd'hui, James Ellroy est probablement l'un des écrivains américains de romans noirs les plus talentueux. Révélé au cours des années 1980, il est l'auteur de récits violents, sauvages et cruels, politiquement incorrects, qui ont la faveur d'un public séduit par son style direct et son refus absolu du bon goût. Le Dahlia noir (The Black Dahlia, 1987), L. A. Confidential (1990) et American Tabloïd (1995) comptent parmi ses meilleurs ouvrages. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« Dans Tous des voleurs (Thieves Like Us, 1937), Edward Anderson dénonce, à travers le récit d’une fulgurante histoire d’amour entre deux jeunes hors-la-loi, le néofascisme qui prospère sur le terreau de la dépression économique. Gerald Kersh décrit le calvaire d’un petit voyou sans envergure avec les Forbans de la nuit (Night and the City, 1938). David Goodis écrit à vingt et un ans un roman sur le mal de vivre d’une jeunesse américaine antiraciste et antifasciste, Retour à la vie (Retreat from Oblivion, 1938). En marge de ce courant, l’Anglais James Hadley Chase, enfin, s’infiltre dans cette brèche ouverte en écrivant des romans noirs et tragiques qui passent aux États-Unis pour des modèles : Pas d’orchidées pour Miss Blandish (No Orchids for Miss Blandish, 1939) et Ève (Eva, 1945). 6 ROMAN NOIR ET HUMOUR Une voie ironique, caractérisée par un humour très caustique, s’ouvre avec Jonathan Latimer et son roman Quadrille à la morgue (Lady in The Morgue, 1936).

Elle se développe avec l’auteur britannique Peter Cheyney, dont les récits mêlent violence et décontraction autour de personnages cyniques, amateurs de scotch et de jolies femmes, tels l’agent du FBI Lemmy Caution dans Cet homme est dangereux (This Man is Dangerous, 1936), et Slim Callaghan dans Les étoiles se cachent (The Stars are Dark, 1943). La grande révélation de ce versant humoristique du roman hard boiled est Raymond Chandler, à partir de la publication du Grand Sommeil (The Big Sleep), en 1939.

Chandler excelle à mettre en scène la désinvolture, incarnée en la personne du détective Philip Marlowe (immortalisé à l’écran par Humphrey Bogart), sans jamais sacrifier son propos, et la dénonciation — très grinçante — de la haute société californienne.

Écrits à la première personne, ses récits ( Adieu ma jolie, 1940 ; la Grande Fenêtre, 1942 ; la Dame du lac, 1943 ; etc.) composent un cycle d’une grande qualité littéraire, où le personnage du détective privé qui en est le héros s’éloigne des types jusqu’alors façonnés par le roman à énigme ou le roman noir des années 1930. Marlowe est en effet un homme fidèle à une éthique, en dépit des coups de toutes sortes qu’il reçoit ; il est un miroir révélateur de la société américaine ; ses aventures le laissent toujours blessé, écœuré ou triste, mais son sens moral prime sur tout. Parmi les auteurs américains qui se sont illustrés dans la veine humoristique du hard boiled, on retiendra encore le nom de Frank Gruber, avec Monnaie de singe (The French Key, 1940), roman dans lequel deux trimardeurs victimes de la crise économique jouent les détectives amateurs, et celui de Cleve Adams, avec Après moi, le déluge (Death and The Dawn), qui met en scène le détective cynique, raciste et macho Rex McBride. 7 ESSOR DU THRILLER Le succès de ces auteurs, conjugué à la vogue nouvelle du film noir, conduit les éditeurs à privilégier le roman noir à suspense, ou thriller. Dorothy Belle Hughes réussit à calquer les règles du thriller sur celles du roman classique à énigme dans la Boule bleue (The Blue Marble, 1940), dont l’héroïne est une femme.

William O’Farrell introduit dans le roman noir un fantastique teinté d’humour, avec Les carottes sont cuites (Repeat Peformance, 1942).

Samuel Fuller compose un thriller diabolique dans le milieu du journalisme — l’Inexorable Enquête (The Dark Page, 1944) —, et Kenneth Millar signe un récit antinazi sous forme de roman noir — À la déloyale (The Dark Tunnel, 1944) —, puis soulève un déchaînement de violence dans À feu et à sang (Blue City, 1947), qui dénonce la corruption au sein d’une petite ville.

Le même Millar, sous le pseudonyme de Ross Macdonald, écrit ensuite les aventures d’un détective au profil assez semblable à celui de Philip Marlowe, Lew Archer, à partir de Il est passé par ici (The Moving Target, 1949). À côtés de romans noirs atypiques comme Tendre femelle (Deadlier than the Male, 1942), de James Gunn, le genre s’enrichit d’un nouveau courant, qui privilégie une forme d’onirisme fascinant autour de la notion de suspense. William Irish en est le chef de file, avec des nouvelles et des romans qu’il signe de son nom — La mariée était en noir (The Bride Wore Black, 1940), dont François Truffaut donne une adaptation cinématographique en 1968 —, ou des pseudonymes de Cornell Woolrich — Retour à Tillary Street (The Black Curtain, 1941) — et de George Hopley — les Yeux de la nuit (Night Has a Thousand Eyes, 1945). Dans cette voie au romantisme exaspéré, il faut encore citer des romans comme le Funiculaire des anges (Flight of an Angel, 1946), de Verne Chute, ou les romans de Gerard Butler, Kiss the Blood off my Hands (les Mains pures ou Du sang sur tes mains, 1940) et Mad With Much Heart (1946). 8 L’APRÈS-GUERRE OU L’ÂGE D’OR DU ROMAN NOIR AMÉRICAIN L’après-guerre est une époque faste pour le roman noir, comme pour le roman policier en général.

Les pays sortant de l’occupation allemande sont friands de littérature américaine ; le roman noir profite de cet engouement et se diffuse dans le monde entier.

Les collections policières se multiplient d’ailleurs un peu partout, particulièrement en France où Marcel Duhamel crée, en 1945, la célèbre « Série noire » chez Gallimard. Aux États-Unis, une nouvelle génération d’auteurs voit le jour.

À l’exception de cas particuliers comme le poète Kenneth Fearing — le Grand Horloger (The Big Clock, 1946) —, nombre d’écrivains se tournent vers ce type de littérature avec l’espoir d’y faire carrière et d’attirer l’attention des producteurs de Hollywood. Chester Himes, qui a purgé une peine de sept ans de prison pour vol, transpose son expérience du racisme dans S’il braille, lâche-le (If He Hollers Let Him Go, 1945), puis aborde le roman noir avec la Croisade de Lee Gordon (Lonely Crusade, 1947) ou la Fin d’un primitif (The Primitive, 1956).

Installé en France à partir du milieu des années 1950, il donne naissance à un duo de policiers noirs, Ed Cercueil et Fossoyeur, dans la Reine des pommes (The Five Cornered Square, puis For Love of Imabelle, 1958), premier volet d’une série d’aventures au style percutant. Mickey Spillane n’a pas trente ans lorsqu’il invente, dans J’aurai ta peau (I, the Jury, 1946), son personnage de détective privé brutal et sans scrupules, Mike Hammer.

À rebours des héros moralistes du roman noir, le sien n’a pas d’autre éthique que celle d’exécuter lui-même les coupables.

Tout repose sur une chasse à l’homme dans un territoire où la boue et le sordide règnent sans partage à tous les niveaux de l’échelle sociale.

Ce défenseur du bien a un comportement fasciste ; adorant la violence et le sexe, c’est un justicier sans pitié, un individualiste farouche vouant une haine tenace pour la démocratie.

Pourtant, aussi antipathique puisse-t-il paraître, Mike Hammer connaît un succès public immense, comme si ses aventures avaient pu constituer un lieu de défoulement pour la centaine de millions de lecteurs dans le monde. À l’inverse de Spillane, Robert Finnegan (mort prématurément en 1947) est un auteur engagé.

Son héros, le reporter Dan Banion, dénonce toutes les formes de fascisme dans Mensonges de femmes ou Tu mens, Beth ! (The Lying Ladies, 1946), les. »

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