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Rwanda

Publié le 11/04/2013

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1 PRÉSENTATION

Rwanda, en kinyarwanda Rwanda, pays d’Afrique centrale situé au cœur de la région des Grands Lacs africains. Sa capitale est Kigali.

Le Rwanda est bordé au nord par l’Ouganda, à l’est par la Tanzanie, au sud par le Burundi et à l’ouest par la République démocratique du Congo et le lac Kivu. Sa densité de population est l’une des plus fortes du continent africain. C’est l’une des causes du drame humain qu’a vécu le « pays aux mille collines « depuis 1994, marqué par les massacres de plusieurs centaines de milliers de Tutsi et de Hutu.

2 LE PAYS ET SES RESSOURCES
2.1 Relief et hydrographie

Le Rwanda, qui couvre une superficie de 26 338 km², est l’un des plus petits États d’Afrique. Le pays est formé de hauts plateaux situés sur la ligne de partage des eaux des bassins du Nil et du Congo. À l’ouest, un massif montagneux, d’une altitude moyenne de 2 740 m, domine le lac Kivu (1 460 m) et se prolonge au nord par la chaîne volcanique des Virunga dont le point culminant est le volcan Karisimbi (4 507 m). Le plateau central, d’une altitude moyenne de 1 700 m, est traversé de rivières et de ravinements remblayés d’alluvions, qui forment des collines bien découpées. À l’est, en direction de la frontière tanzanienne, savanes, lacs et marais se succèdent le long de la rivière Kagera, qui est la plus importante des sources du Nil.

2.2 Climat

Le climat subéquatorial est tempéré par l’altitude. On distingue deux saisons sèches, l’une courte en janvier, l’autre s’étalant de mai à septembre. Le régime des pluies est irrégulièrement réparti. Les précipitations sont abondantes sur les sommets (plus de 2 000 mm sur la crête Congo-Nil) mais diminuent sur les plateaux orientaux (787 mm).

Les températures moyennes annuelles varient de 19 °C à Kigali à 22,8 °C dans la région du lac Kivu, avec une forte amplitude nocturne en montagne où elles peuvent descendre jusqu’à 0 °C.

2.3 Flore et faune

La forêt primaire, autrefois très étendue, se limite aujourd’hui aux montagnes de l’ouest (avec une végétation qui s'étage avec l'altitude et disparaît au sommet des volcans) et à la région du lac Kivu. Les sols volcaniques sont fertiles. On y trouve des eucalyptus, plantés en grand nombre pour protéger les sols, des acacias dans la savane et des plantations de palmiers à huile. Au nord-ouest, quelques groupes de gorilles des montagnes vivaient encore en liberté sur les pentes des volcans Virunga avant les événements de 1994. À l’est, le parc national de la Kagera abrite de nombreux animaux sauvages : éléphants, hippopotames, crocodiles, léopards, troupeaux de zèbres et d’antilopes.

2.4 Ressources naturelles

Les principales ressources minérales sont la cassitérite (minerai d’étain), le tungstène, le béryl et l’or. D’importantes réserves de gaz naturel dans les profondeurs du lac Kivu devaient faire l’objet d’une exploitation.

3 POPULATION ET SOCIÉTÉ
3.1 Démographie

En 2008, la population du Rwanda était estimée à 10,2 millions d'habitants contre près de 8 millions lors du recensement de 1991. Entre 1993 et 1994, la guerre civile a fait environ huit cent mille morts et jeté hors des frontières deux millions de réfugiés (principalement au Congo et en Tanzanie). On décompte également trois millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

Avant les massacres, la densité de la population du Rwanda était l’une des plus fortes d’Afrique : 301 habitants au km2 en 1991, et près d’un tiers en plus dans les régions de culture. La plupart des Rwandais vivaient en zone rurale dans des fermes individuelles dispersées dans les collines ; le taux d’urbanisation était l’un des plus faibles du monde (5 p. 100). Aujourd’hui, les campagnes sont désertées et la capitale, Kigali, est passée de 130 000 à 250 000 habitants.

La composition de la population rwandaise est semblable à celle du Burundi, « frère jumeau « du Rwanda : cultivateurs hutu (environ 85 p. 100 de la population avant la guerre civile), éleveurs tutsi et Twa, des Pygmées considérés comme les premiers habitants de la région. Le pays, ayant subi de grands mouvements de population depuis l'indépendance (réfugiés tutsi d'abord, puis hutu depuis 1994 avec le retour des Tutsi), l'image de la société rwandaise en a été profondément modifiée. Par voie de conséquence, les statistiques sont à considérer avec prudence.

3.2 Langues et religions

Les langues officielles sont le kinyarwanda (apparenté aux langues bantoues) et le français ; le swahili, la langue véhiculaire de l'Afrique orientale, (voir Afrique, langues d’) et l’anglais sont également parlés. Les chrétiens sont les plus nombreux (catholiques 65 p. 100, protestants 9 p. 100) ; 17 p. 100 de la population adhèrent à des croyances animistes, 9 p. 100 sont des musulmans.

3.3 Éducation

Aucune statistique ne peut rendre compte de la situation actuelle de l’enseignement, qui était autrefois gratuit et officiellement obligatoire pour les enfants âgés de sept à quinze ans. À la fin des années 1980, moins de la moitié de la population adulte était alphabétisée. Le nombre d’enfants scolarisés approchait le million dans le primaire contre à peine vingt mille dans le secondaire. L’université nationale de Butare, inaugurée en 1963, comptait environ mille sept cents étudiants.

3.4 Institutions et vie politique
3.4.1 Historique
3.4.1.1 Le régime hutu du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND)

La Constitution de 1978 prévoit un régime de parti unique sous l’égide du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), à vocation multiethnique mais en réalité dominé par les Hutu. Le pouvoir législatif est exercé par une assemblée élue, le Conseil national du développement (CND), et le pouvoir exécutif est confié à un président assisté d’un Conseil des ministres. Le président de la République rwandaise, le général Juvénal Habyarimana, porté au pouvoir par un coup d’État en 1973, est réélu en 1978, 1983 et 1988.

Tandis que le régime doit faire face à partir de 1990 à une rébellion menée par les troupes du Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par d’anciens exilés tutsi depuis l’Ouganda et soutenu par l’opposition hutu modérée au Rwanda, une nouvelle Constitution est mise en place en 1991. Elle instaure une démocratie pluraliste. Un poste de Premier ministre est créé et le CND est remplacé par une Assemblée nationale de transition.

3.4.1.2 Le génocide rwandais

Un accord sur le partage du pouvoir entre le MRND, le FPR et les partis d’opposition est signé en août 1993 à Arusha (Tanzanie). Mais le Premier ministre, Faustin Twagiramungu, un Hutu modéré, président du principal parti d’opposition, le Mouvement démocratique républicain (MDR), ne parvient pas à former le gouvernement de coalition prévu par ces accords.

Le 6 avril 1994, l’avion transportant les deux présidents (hutu) du Rwanda, Juvénal Habyarimana, et du Burundi, Cyprien Ntavyamira, est abattu alors qu’il s’apprête à atterrir à l’aéroport de Kigali. La mort du président Habyarimana est immédiatement suivie du massacre systématique des populations tutsi et de l’assassinat des Hutu modérés par les milices extrémistes hutu (appelées Interahamwe). Entre avril et juin, les massacres provoquent entre 800 000 et un million de morts. Par la suite, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Boutros Boutros-Ghali, qualifie de génocide le massacre des Tutsi.

3.4.1.3 Le gouvernement de transition du Front patriotique rwandais (FPR)

Après la victoire du FPR sur les Forces armées rwandaises (FAR), un gouvernement de transition est mis en place le 19 juillet 1994. S’inspirant des accords d’Arusha, il exclut toutefois le MRND du fait de sa responsabilité dans le génocide. Largement dominé par le FPR, il possède une forte composante militaire. S’il est présidé par un Hutu modéré du FPR, Pasteur Bizimungu, le nouveau gouvernement est en effet fortement encadré par le général Paul Kagamé, dirigeant de la rébellion tutsi devenu vice-président et ministre de la Défense. L’emprise tutsi s’accentue encore par la suite avec les départs progressifs des Hutu modérés. En mars 2000, le président Pasteur Bizimungu démissionne. Le 17 avril, Paul Kagamé, véritable homme fort du régime, est désigné par le gouvernement et le Parlement pour lui succéder.

3.4.1.4 L’achèvement du processus électoral

Prolongée de quatre ans en 1999, la période de transition politique s’achève en 2003. Le 23 avril 2003, le Parlement rwandais adopte une nouvelle Constitution, approuvée par référendum le 26 mai (plus de 90 p. 100 de « oui «).

L’adoption d’une nouvelle Constitution ouvre la voie à l’organisation d’élections générales au suffrage universel, pour la première fois depuis l’indépendance du pays. Le 25 août 2003, Paul Kagamé est élu président de la République avec 95,05 p. 100 des suffrages. Aux élections législatives du mois d’octobre, la coalition formée autour du FPR remporte 73,78 p .100 des voix, soit 40 sièges à la Chambre des députés. Les partis d’opposition sont le Parti social-démocrate (PSD, 7 sièges) et le Parti libéral (PL, 6 sièges). Le Mouvement démocratique républicain (MDR), principal parti hutu et fer de lance de l’opposition, est dissout pour « divisionnisme ethnique « pendant la campagne électorale.

3.4.2 Organisation des pouvoirs
3.4.2.1 Multipartisme et contrôle des partis

Si elle autorise le multipartisme et instaure le suffrage universel, la nouvelle Constitution vise, pour nombre d’observateurs, à maintenir le FPR au pouvoir et à neutraliser l’opposition. Ainsi, en institutionnalisant le Forum de concertation des partis et des formations politiques (institution informelle créée en 1994 et placée directement sous le contrôle du FPR), la Constitution prévoit l’existence d’un organe susceptible de contrôler les partis. Dans le cadre de la lutte contre l’idéologie du génocide, la Constitution interdit toute opposition « divisionniste «, ce terme désignant toute forme de dérive « ethniste «. Aussi, un parti peut-il être interdit s’il s’identifie à une race, une ethnie, un clan ou une région.

3.4.2.2 Un régime présidentiel fort

La Constitution adoptée en 2003 institue un régime présidentiel fort. Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République, élu au suffrage universel direct pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. Le président de la République nomme le Premier ministre, ainsi que les autres membres du gouvernement, sur proposition du Premier ministre. Les membres du gouvernement sont choisis au sein des partis et formations politiques en tenant compte de la répartition des sièges à la Chambre des députés ; en outre, aucun parti ne peut occuper plus de la moitié des postes gouvernementaux. La règle de fonctionnement du gouvernement est le consensus ; faute de consensus, le président de la République tranche souverainement.

3.4.2.3 Un Parlement bicaméral

La nouvelle Constitution instaure un Parlement bicaméral, constitué d’une Chambre des députés et d’un Sénat. La Chambre des députés est composée de 80 membres, dont 53 sont élus au suffrage universel direct pour cinq ans. Les autres 27 membres ne sont pas élus directement : 24 sièges sont réservés aux femmes, élues par les conseils de districts et de villes ; deux députés sont élus par le Conseil national de la Jeunesse et un député est élu par la Fédération des associations des handicapés.

Le Sénat est composé de 26 membres, dont 12 sont nommés — huit le sont par le président de la République et quatre par le Forum des partis — et 14 sont élus par diverses institutions ; leur mandat est de huit ans. Cet organe dispose d’importantes prérogatives : contrairement à la Chambre des députés, il ne peut pas être dissout. En outre, c’est le Président du Sénat qui assure l’intérim du président de la République.

Dans le cadre de la nouvelle Constitution, les Forces rwandaises de défense (FRD) remplacent officiellement l’Armée patriotique rwandaise (APR), issue de l’ex-rébellion tutsi.

4 ÉCONOMIE

Avec un produit national brut (PNB) de 200 dollars par habitant, le Rwanda était l’un des pays les plus pauvres du monde en 1993. La production agricole, à la base de l’économie du pays, s’est effondrée. Une grande partie des paysans a fui le territoire rwandais en 1994 et tenté de survivre grâce à l’aide internationale dans les camps de réfugiés du Congo et de Tanzanie. Économiquement, le pays, malgré la mise en place d’un programme d’ajustement structurel appuyé par le Fonds monétaire international (FMI), était déjà au bord du gouffre avant la guerre. Le service de la dette extérieure était passé de 2,1 milliards de francs en 1990 à 5,1 milliards en 1994.

4.1 Agriculture

L’économie du Rwanda est traditionnellement fondée sur l’agriculture, qui occupait 82 p. 100 de la population active avant 1994. Elle représentait alors 41 p. 100 du PNB et 90 p. 100 des recettes d’exportation. La majeure partie des terres cultivées, qui occupaient la moitié de la superficie du pays, étaient consacrées aux cultures vivrières : haricots secs (21 p. 100 des terres cultivées), patates douces (14 p. 100), sorgho (9 p. 100), bananes plantain et manioc. Le reste des terres cultivées était destiné aux cultures commerciales, en premier lieu celle du café arabica, dont la production annuelle avait considérablement chuté (31 900 t en 1989 ; 20 000 t en 1993, 21 000 t en 2006). Celle du thé venait toujours loin derrière (5 000 t en 1994, 16 000 t en 2006) mais ses ventes représentaient 1,2 p. 100 du PNB contre 2,2 p. 100 pour le café. Quant à l’élevage, il occupait une place modeste. Le cheptel comptait 1,5 million d’ovins et caprins, 610 000 bovins (une tête de bétail pour quatre habitants). Le retour de réfugiés tutsi pratiquant l’élevage a accentué la pression sur les terres agricoles.

4.2 Mines et industries

L’activité minière a toujours été faible et s’est trouvée d’autant plus désorganisée par les événements. Au milieu des années 1980, la production d’étain extrait de la cassitérite s’élevait à 1 160 t, en 2004, elle était de 300 t. Suivaient le béryl, le tungstène et l’or. Les investissements lourds engagés par la Société minière du Rwanda (Somirwa) entre 1977 et 1981 — notamment pour la construction d’une fonderie d’étain à Kabuyé — avaient entraîné sa faillite, dans le contexte d’une conjoncture mondiale déprimée. L’industrie est inexistante.

4.3 Échanges

La monnaie est le franc rwandais (divisible en 100 centimes), émis par la Banque nationale du Rwanda, fondée en 1964. Les partenaires commerciaux traditionnels pour les exportations (café, thé et cassitérite) sont l’Allemagne et les autres pays de l’Union européenne (UE). Les importations (véhicules, carburant, textiles et biens d’équipement) proviennent essentiellement de Belgique, du Kenya, de France et du Japon. Les exportations, passées de 102,6 millions de dollars US en 1990 à 94 millions en 1993, étaient de 154 millions en 1996. Mais les importations étaient restées fortes : 286 millions en 1993, 325 millions en 1996. La part des besoins militaires avait dans la même période considérablement augmenté : 0,1 p. 100 des importations en 1990 contre 26 p. 100 en 1991. L’année suivante, l’ensemble des dépenses militaires étaient évaluées à 35 p. 100 du budget de l’État.

L’enclavement du Rwanda est un trait marquant de son économie. Le réseau routier s’étend sur environ 14 008 km mais il ne comporte que 7 p. 100 de routes carrossables qui permettent de gagner les réseaux ougandais et kenyan. La plupart des marchandises en provenance ou en partance du Rwanda transitent par le port de Mombasa, au Kenya. Le système ferroviaire est inexistant. Le principal aéroport international se situe près de Kigali.

5 HISTOIRE
5.1 Les origines

Les premiers habitants connus du Rwanda sont vraisemblablement des Pygmées, ancêtres des Twa actuels. Des fouilles archéologiques ont mis au jour une métallurgie du fer et des poteries — apparentées à la culture bantoue — que la datation au carbone 14 fait remonter au premier millénaire avant notre ère. On les attribue à une population qui serait originaire du bassin du Congo et dont l’arrivée dans la région remonterait à cette époque. Ce peuple d’agriculteurs aurait ensuite cohabité avec les Tutsi, des pasteurs venus du Nord, qui se seraient installés progressivement entre le Xe et le XVe siècle. Ces trois communautés partagent la même langue, le kinyarwanda, et la même religion à l’arrivée du colonisateur. Le roi ou mwami est l’image d’Imana, le dieu suprême, et règne sur l’ensemble de ses sujets, les Banyarwanda. Sous son arbitrage, le pays est régi au plan administratif par les chefs de sol (généralement d’origine hutu), les chefs de pâturages (d’origine tutsi) et les chefs d’armées (recrutés chez les Tutsi). Le pouvoir est aux mains d’une aristocratie tutsi, mais les mariages entre familles de pasteurs et de cultivateurs ne sont pas rares, sauf dans l’aristocratie qui conserve ainsi le pouvoir (voir Burundi).

5.2 La colonisation européenne

C’est en 1858 que le premier Européen, John Hanning Speke, découvre la région des grands lacs, sans entrer cependant dans le pays. Dans les années 1880, il est suivi par des explorateurs allemands puis des missions catholiques sont établies. En 1890, les Allemands parviennent à intégrer le Rwanda (Ruanda) ainsi que le Burundi (Urundi) à leurs possessions d’Afrique orientale malgré les réticences du mwami Musinga. Les Belges, aidés par les Anglais, en chassent les Allemands et occupent le pays en 1916. Puis le territoire du Ruanda-Urundi est placé sous mandat de la Société des Nations (SDN) et son administration est confiée à la Belgique.

Dans un premier temps, la Belgique gouverne en s’appuyant sur les autorités en place, le mwami et l’aristocratie tutsi, dont les pouvoirs sont cependant modifiés et figés par la réforme de 1926 (les fonctions de chef deviennent héréditaires). Le mwami Musinga est destitué en 1931 et exilé au Congo belge (l’actuelle République démocratique du Congo). Il est remplacé par son fils Mutara III Rudahigwa, jugé plus docile. Appliquant le système de l’administration indirecte, la nouvelle administration autochtone est chargée par la puissance coloniale de faire exécuter les travaux de mise en valeur du pays. Dans cette optique, les Banyarwanda sont soumis en 1934-1935 à un recensement des hommes adultes et valides, à qui l’on délivre un livret d’identité où figure la mention de l’appartenance sociale, dite « ethnique «.

Les missions chrétiennes, protestantes à la fin de l’époque allemande, catholiques sous la colonisation belge, se multiplient et prennent en main l’éducation sur l’ensemble du territoire tandis que le jeune mwami Mutara — il a vingt ans au moment de sa prise de fonction — se fait baptiser en 1943. Mais ses relations avec l’Église et les autorités de tutelle se dégradent peu après, en raison du transfert toujours plus important des pouvoirs locaux à l’administration coloniale. Il demande notamment la suppression des corvées publiques et de la chicotte, et le rétablissement de l’élection des chefs, tandis que la majorité hutu, dont les responsables n’ont comme formation que les écoles des missions, demande à être associée au pouvoir. Dès 1956, par l’intermédiaire du Conseil supérieur qu’il préside, et sous la pression de ses conseillers, il réclame un calendrier précis pour l’accession du pays à l’indépendance, tandis que la majorité hutu fait passer les réformes sociales et politiques avant l’indépendance qui aurait redonné aux Tutsi le pouvoir absolu qu’ils détenaient avant la colonisation. Il s’apprête à présenter cette exigence devant les Nations unies en 1959 lorsqu’il est inopinément convoqué à Bujumbura, alors capitale du Ruanda-Urundi. Sa mort — mystérieuse — est annoncée dans la soirée du 25 juillet 1959. Dès lors, le pays plonge dans la guerre civile.

5.3 La révolution hutu

Après la mort du mwami Mutara, décédé sans héritier, son successeur, Kigeli V, illégitime aux yeux des Hutu et imposé par les conseillers du souverain défunt, applique une politique de fermeté dans la défense des privilèges de l’aristocratie tutsi. Les revendications socio-économiques ont pris, depuis la publication, en 1957, du Manifeste des Bahutu, une dimension politique, sous l’impulsion du Parmehutu (parti du Mouvement de l’émancipation hutu), et dégénère en affrontements communautaires. L’Église prend alors fait et cause pour la majorité hutu et l’administration coloniale laisse se développer les révoltes qui éclatent en novembre 1959 et ensanglantent le pays après l’assassinat d’un responsable politique hutu. Les Tutsi, très minoritaires, sont massacrés et pourchassés. L’année suivante, le mwami doit quitter le pays, plus de 200 000 Tutsi font de même.

En janvier 1961, la république est proclamée et un référendum, organisé quelques mois plus tard, rejette la monarchie par 80 p. 100 des voix. Le Parmehutu remporte les élections organisées au mois de septembre suivant, avec 78 p. 100 des suffrages. Le 26 octobre 1961, son dirigeant, Grégoire Kayibanda, secrétaire de l’archevêque du Rwanda, est élu président de la République rwandaise.

5.4 L’indépendance

Sur l’insistance du Conseil de tutelle de l’ONU, la Belgique proclame l’indépendance du Rwanda le 1er juillet 1962. Le Parmehutu se transforme en Mouvement démocratique républicain (MDR) — il dominera la vie politique au cours de la décennie suivante. Grégoire Kayibanda est successivement reconduit aux élections de 1965 et de 1969. En 1963, une tentative de coup d’État des exilés tutsi échoue et entraîne une nouvelle série de massacres perpétrés contre les Tutsi. La violence reprend en 1966 dans les écoles et à l’université, à la suite de l’incursion d’une poignée de Tutsi armés à la frontière sud. Enfin, quand des troubles éclatent au Burundi voisin, dominé par les militaires tutsi, et que des Hutu cherchent refuge au Rwanda, il s’ensuit encore une nouvelle vague de violence à l’encontre des Tutsi. Mais des dissensions apparaissent également entre les Hutu du Nord, chez lesquels la pression tutsi a été plus récente, et ceux du centre, et du sud du pays.

5.5 Le régime de Juvénal Habyarimana
5.5.1 L’instauration d’un régime de parti unique

En juillet 1973, le président Kayibanda est déposé sans effusion de sang par le ministre de la Défense, le général Juvénal Habyarimana, un Hutu du Nord. Le Parlement et le MDR sont suspendus et, dans sa première déclaration officielle, le nouveau chef de l’État s’élève contre la politique de discrimination ethnique et régionale de son prédécesseur. Une politique qu’il reprend pourtant largement à son compte par la suite en instituant un système de quotas dans les écoles et l’administration. Ainsi, aucun Tutsi ne figure parmi les 143 bourgmestres (maires) que compte le pays, pas plus qu’à la tête des dix préfectures.

En 1975, le président Habyarimana fonde son propre parti, le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), et une nouvelle Constitution est adoptée en 1978 qui entérine le régime de parti unique. Après avoir déjoué un coup d’État en 1980, il est reconduit sans opposition en 1983, puis en 1988.

5.5.2 L’émergence de la rébellion tutsi

En 1990, la Belgique, la France et plusieurs pays d’Afrique centrale envoient des troupes au Rwanda pour contrer un coup d’État préparé par des exilés Tutsi à partir de l’Ouganda. Réunis au sein du Front patriotique rwandais (FPR), ceux-ci sont soutenus par des Hutu modérés, opposants au régime et vivant à l’intérieur du pays. Pressé par son opposition et par la vague de démocratisation qui traverse le continent, le président Habyarimana accepte de mettre en place une nouvelle Constitution en 1991 qui donne naissance à une démocratie pluraliste. Le Conseil national de développement est remplacé par une Assemblée nationale de transition et un poste de Premier ministre est créé.

Un accord sur le partage du pouvoir entre le MRND, le FPR et les partis d’opposition est signé en août 1993 à Arusha (Tanzanie). Mais le Premier ministre Faustin Twagiramungu (un Hutu modéré, président du MDR) ne parvient pas à former un gouvernement de coalition, tandis que le FPR envahit le nord du pays, causant la mort de dizaines de milliers de Hutu.

5.6 Le génocide rwandais

Le 6 avril 1994, l’avion transportant les deux présidents (hutu) du Rwanda et du Burundi est abattu alors qu’il s’apprête à atterrir à l’aéroport de Kigali. La mort du président Habyarimana provoque une vague de violences effroyable : des milices extrémistes hutu (l’Interahamwe), créées par le régime, ainsi qu’une partie des troupes régulières (les Forces armées rwandaises, FAR), sèment la terreur et la mort dans le pays. Le massacre, qui n’épargne pas les Hutu modérés, provoque la mort de 500 000 à un million de Tutsi. Ce génocide se déroule sans qu’interviennent ou cherchent à s’interposer les Nations unies ou les puissances occidentales présentes dans le pays (Mission des Nations unies d’assistance au Rwanda [Minuar], France, Belgique).

Le 23 juin, le gouvernement français lance l’« Opération Turquoise «, une intervention militaro-humanitaire mandatée par l’ONU. Une zone de sécurité est instaurée dans le sud-ouest du pays. Alors que les tentatives de médiation pour un cessez-le-feu échouent, les combats tournent à l’avantage du FPR, soutenu par l’Ouganda. Après la prise de Kigali par le FPR, le 4 juillet, l’armée rwandaise se replie dans la zone de sécurité ; par crainte des représailles, près de deux millions de Hutu fuient aussi le Rwanda et se réfugient en Tanzanie et au Zaïre, où d’immenses camps de réfugiés sont installés aux abords de la ville de Goma. Une épidémie de choléra provoque au cours des premières semaines jusqu’à 1 200 morts par jour.

En 1999, l’ONU admettra sa responsabilité dans le déclenchement du génocide, due à une « prudence incompréhensible « découlant de l’absence de moyens mis à sa disposition, en particulier américains, et d’une « volonté politique «.

5.7 L’après-génocide et le processus de réconciliation nationale
5.7.1 La mise en place de la transition politique

Un gouvernement s’inspirant des accords d’Arusha est mis en place le 19 juillet à Kigali par le FPR ; du fait de sa responsabilité dans le génocide, le MRND en est exclu. Le régime présidentiel, dirigé par Pasteur Bizimungu, un Hutu rallié au FPR en 1990, est caractérisé par une forte composante militaire tutsi. Pour avoir critiqué la dérive du régime, le ministre de l’Intérieur Seth Sendashonga est démis de ses fonctions (il sera assassiné à Nairobi en 1998), en même temps que le Premier ministre hutu, Faustin Twagiramungu (MDR), démissionne pour protester contre la volonté du FPR d’exercer le pouvoir sans partage ; il est remplacé par Pierre-Célestin Rwigyema. La Ligue rwandaise des droits de l’homme et les organisations internationales dénoncent les arrestations arbitraires et le climat de suspicion régnant dans le pays.

5.7.2 La question des réfugiés

Les nouvelles autorités de Kigali sont rapidement soumises à de fortes pressions internationales pour favoriser le retour des réfugiés. En réaction, le régime se durcit davantage, décidant brutalement, fin avril 1995, d’évacuer les camps de déplacés installés dans la zone de sécurité. Plusieurs centaines de personnes sont tuées par l’armée tutsi dans le camp de Kibeho. Le 9 juin, Kigali impose au Conseil de sécurité une réduction drastique du mandat et des effectifs de la Minuar. Enfin, en décembre, le gouvernement fait expulser les 43 organisations non gouvernementales (ONG) ayant dénoncé le massacre de Kibeho.

Parallèlement, dans les camps de réfugiés de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), les responsables du génocide en exil préparent leur revanche. En 1997, l’aide apportée aux troupes de Laurent-Désiré Kabila par l’Ouganda et le Rwanda oblige les quelque 400 000 réfugiés hutu rwandais à fuir dans les forêts de la RDC. Quelques groupes finissent par rentrer au Rwanda, mais la grande majorité est victime de massacres perpétrés par des Tutsi. En juin 1998, un rapport de l’ONU accuse l’armée rwandaise et les troupes de Laurent-Désiré Kabila d’avoir commis en 1996-1997 des massacres pouvant être qualifiés d’« actes de génocide «.

5.7.3 Le jugement du génocide

En novembre 1994, le Conseil de sécurité de l’ONU crée à Arusha (Tanzanie) un Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) afin de permettre le jugement des auteurs du génocide (essentiellement ses organisateurs et planificateurs). Après des débuts difficiles, le TPIR entend son premier témoin le 10 janvier 1997. En août 1998, il prononce sa première condamnation contre l’ancien Premier ministre Jean Kambanda. Affaibli par des problèmes de lenteur et de moyens, le TPIR pâtit en outre du manque de coopération avec les autorités rwandaises, opposées en particulier aux poursuites menées contre des membres du nouveau régime pour des actes commis après la prise du pouvoir du FPR.

La justice est également rendue par les tribunaux rwandais ordinaires, compétents pour juger les quelques 100 000 présumés génocidaires. Face à la nécessité d’accélérer les procédures — selon les chiffres de la Cour suprême rwandaise, seulement 5 000 jugements ont été prononcés entre 1994 et 2002, dont 660 condamnations à mort et 1795 peines de prisons à perpétuité —, la justice ordinaire est complétée, à partir de 2002, par des juridictions « gacaca « (assemblées villageoises traditionnelles) ; cette justice coutumière, qui repose sur le principe de l’aveu public de culpabilité en échange d’une réduction de peine, doit permettre de favoriser la réconciliation nationale.

En 2003, alors que les travaux du TPIR doivent s’achever en 2010, un certain nombre de mesures sont prises afin d’accélérer les procédures, telles que la création d’un poste de procureur spécifique pour le TPIR (à l’origine, le TPIR avait été doté du même procureur que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) et le transfert de certaines affaires devant les juridictions rwandaises — Kigali devient notamment compétent pour les procès des membres de l’Armée patriotique rwandaise (APR), issue de l’ex-rébellion tutsi.

5.7.4 Le durcissement du régime
5.7.4.1 L’hégémonie du FPR de Paul Kagamé

De plus en plus contesté au sujet de sa volonté d’agir en faveur de la réconciliation et du partage démocratique du pouvoir, le régime s’attaque à la fraction des Hutu modérés qui lui ont servi de caution lors de sa prise du pouvoir en 1994. Ceux qui détenaient des postes de responsabilité démissionnent ; certains sont mystérieusement assassinés. En juin 1999, le gouvernement décide de prolonger de quatre ans la période transitoire pour permettre l’élaboration d’une Constitution devant remplacer la Loi fondamentale élaborée en 1994.

En mars 2000, le président Pasteur Bizimungu démissionne. Il reproche à la fraction tutsi au pouvoir, en particulier celle qui a vécu en exil en Ouganda, des enquêtes poussant à la démission les seuls Hutu. En avril, Paul Kagamé, vice-président, ministre de la Défense et homme fort du régime, est désigné pour succéder à Pasteur Bizimungu — ce dernier sera incarcéré en avril 2002 pour « atteinte à la sûreté de l’État «. Cette nomination intervient alors qu’un rapport confidentiel d’un enquêteur du TPIR, interne à l’ONU, est rendu public, mettant en cause le général Kagamé dans l’attentat d’avril 1994 contre l’avion des présidents rwandais et burundais, et déclencheur du génocide.

5.7.4.2 L’intervention rwandaise en RDC

En 1998, le Rwanda déploie des troupes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) afin d’assurer sa « sécurité « face aux extrémistes hutu qui s’y réfugient. Aux côtés du Rwanda, l’Ouganda et le Burundi soutiennent la rébellion du RCD/Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie) contre le régime de Laurent-Désiré Kabila. Toutefois, l’Ouganda prend rapidement ses distances vis-à-vis de son allié rwandais et des affrontements sanglants opposent sporadiquement à Kisangani les corps expéditionnaires des deux pays, entraînant même des tensions sur leurs frontières communes (1999-2000). Les autorités ougandaises négocient directement avec le président congolais Kabila un retrait qui se fait attendre, laissant le Rwanda, et en partie le Burundi, supporter seuls l’impopularité de l’occupation de cette région.

La mort de Laurent-Désiré Kabila en 2000, auquel succède son fils, Joseph Kabila, ainsi que l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush aux États-Unis, plus critique que l’équipe Clinton à l’égard de Kigali, entraînent une évolution de la situation dans la région. Après la signature d’un accord de paix avec l’Ouganda en novembre 2001, le Rwanda signe un accord historique avec la RDC en juillet 2002 : les forces congolaises s’engagent à procéder au regroupement et au désarmement des miliciens extrémistes hutu, tandis que le Rwanda s’engage à retirer ses troupes. Au mois d’octobre suivant, le Rwanda affirme avoir rapatrié la totalité de son contingent.

5.7.5 L’achèvement de la transition et le processus de démocratisation

S’il est accusé de dérive autoritaire par de nombreux opposants et nombre d’observateurs, le régime de Paul Kagamé mène cependant le Rwanda à ses premières élections démocratiques. Après l’adoption d’une nouvelle Constitution, approuvée par référendum en mai 2003, l’élection présidentielle du 25 août 2003 tourne au plébiscite pour Paul Kagamé, élu avec 95,05 p. 100 des suffrages. Son principal opposant, Faustin Twagiramungu, ancien Premier ministre hutu modéré, a été accusé pendant la campagne électorale de « divisionnisme ethnique «, une accusation lourde de conséquences dans un pays traumatisé par le génocide.

Lors des élections législatives d’octobre 2003, la coalition formée autour du FPR de Paul Kagamé s’assure une large victoire avec 73,78 p. 100 des suffrages, à l’issue d’un scrutin caractérisé par l’interdiction ou la disqualification des principaux partis ou candidats indépendants de l’opposition. Deux autres partis dépassent le seuil des 5 p. 100 des voix, nécessaire pour entrer à la Chambre des députés : le Parti social-démocrate (PSD) avec 12,31 p. 100 des voix et le Parti libéral (PL) avec 10,56 p. 100 des voix.

Supervisé par des observateurs internationaux, ce processus électoral constitue une étape fondamentale dans la démocratisation du Rwanda. Selon la mission d’observation de l’Union européenne (UE), il est néanmoins entaché d’« irrégularités et de fraudes « (entraves aux activités de l’opposition, intimidations, arrestations, etc.).

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