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Scène 3 - Acte II de Tartuffe de Molière

Publié le 15/06/2011

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...

« maintient le ton de la comédie. 6.

Tartuffe est bien habillé, puisqu'il est habillé aux frais d'Orgon (cf.

y.

6364, 292).

Son élégance est austère, maisses vêtements sont du bon faiseur. 7.

Tartuffe est réellement cultivé, comme le prouvent l'aisance de sa rhétorique et l'habileté avec laquelle il manieses références savantes, théologiques, philosophiques, ou littéraires.

Son discours se réfère d'abord au platonisme leplus pur, celui du Banquet, (203a-211b, cf.

le livre de l'élève, Sources de la pièce p.

166), ensuite à la traditionlittéraire et mondaine de la Préciosité, qui fait de la femme une inaccessible déesse, selon les codes de la moralearistocratique.

Mais cet idéal commence à passer de mode en 1669 (Tartuffe est provincial !).On remarquera qu'au ciel ce que voit Tartuffe, ce ne sont plus les « adorables idées » qu'y plaçait Polyeucte(stances, v.

1145), mais les « beautés éternelles »...

La différence traduit déjà un glissement.

Tartuffe n'invoque.les idéales structures du monde intelligible que sous le rapport qu'elles ont avec nos sens et les apparences dumonde sensible.

Tartuffe se place non sur le plan de l'ontologie divine mais sur celui de l'esthétique.

Si le Beau estune présentation sensible du Vrai, il n'en resté pas moins que c'est par son aspect sensible, non par son rapport à ladivine vérité de l'Être qu'il intéresse Tartuffe ! Inversant le sublime mouvement ascensionnel par lequel Platon dansLe Banquet nous élève du goût des beautés particulières à la contemplation du Beau suprême, Tartuffe, en unmouvement descendant, et par une savante synecdoque, va glisser du ciel à la terre et du tout à la partie : duBeau suprême il décline les rayons jusqu'aux reflets terrestres qui sont compris en son essence : « Ses attraitsréfléchis brillent en vos pareilles ».

La métaphore est d'autant plus juste que par étymologie le nom même d'« Elmire» signifie « l'admirable », celle qui « brille ».

Elle était donc toute désignée pour devenir le « miroir réfléchissant »des beautés éternelles...Mais la doctrine officielle de l'Église n'est pas alors platonicienne.

C'est même contre le néo-platonisme de laRenaissance que la Sorbonne a admis les leçons de saint Thomas et reconnu officiellement l'aristotélisme comme laphilosophie naturelle de l'Église.

La référence explicite à la théorie, propre à Platon, du sensible-« reflet » del'intelligible est de connotation mondaine et aristocratique (la préciosité), mais c'est aussi une référence libertine :nombre d'Humanistes avaient été platoniciens.

Descartes, l'exilé de Hollande, n'avait-il pas été, comme la plupartdes mathématiciens, l'ennemi décidé des » causes finales » et de l'aristotélisme de l'École ? N'étaient-elles pasprofondément platoniciennes ses « vérités éternelles » et ses « idées innées » ? Tartuffe conserve pourtant l'idée-force de l'aristotélisme thomiste : il n'y aurait nul conflit entre la nature et la grâce, ces deux horizons du savoir seprolongeraient, le supérieur supposant l'inférieur et le comprenant...

Tartuffe, on le voit, fait un habile et diaboliquemélange du profane et du sacré, comme de Platon et de saint Thomas, en homme habile qui pense séduire unefemme du monde cultivée, une femme « honnête ». 8.

Les ressorts « psychologiques » qu'on peut supposer chez Tartuffe sont la jubilation (v.

875, 879-882, 899-902),la concupiscence (966, 1012) et la jalousie (989-995).

Mais le désir charnel n'est qu'une des composantes de sonappétit, et la jalousie peut très bien s'expliquer non par la laideur, mais par le ressentiment : l'insolence jubilatoirequ'il montre quand, chassé de céans, il rétorque à Orgon : » C'est à vous d'en sortir, vous qui parlez en maître » (v.1557) prouve que Tartuffe s'impatiente de faire carrière par l'hypocrisie, et il peut juger injustifiés les succès tropfaciles de ces » galants de cour », que du haut de sa stature à la Du Croisy il méprise quelque peu, comme un mâtinqu'agacent des roquets.

Au fond, le motif le plus puissant qui meut ici Tartuffe est avant tout l'orgueil (ce quin'échappe pas à Elmire, cf.

v.

1358). ELMIRE 9.

Le but d'Elmire, nous le savons, est de faire obstacle au projet insensé d'Orgon et de sauver ainsi le mariage deMariane avec Valère (cf.

v.

814, 834 - 843, qu'avaient préparés les vers 83-84).

Puisqu'il est apparu que rien nepourrait faire changer Orgon de son parti, il ne restait qu'à tenter de dissuader Tartuffe d'épouser Mariane.

L'objetde la passion du monomane étant ici un homme, on peut espérer le soustraire au désir qui le modèle et, en letransformant, modifier la volonté d'Orgon qui a son principe en lui.

Le but d'Elmire est honnête.

La scène n'en estpas moins hardie.

Elmire va devoir jouer à Tartuffe une scène de séduction et de coquetterie.

Femme mariée, elle vadevoir faire des avances à quelqu'un dont elle suppose qu'il est épris d'elle.

Elle expose donc sciemment sa vertu.

Deplus, elle agit par fourberie, comme la femme rusée des farces médiévales, ce qui n'a rien de très séant non plus.

Ilfaut le cynisme de Tartuffe, cette âme toute noire, et tout l'esprit d'Elmire pour qu'en de tels moyens lesbienséances demeurent sauves. 10.

Deux contresens sont à éviter, croire qu'Elmire ne pourrait absolument pas être tentée, et croire qu'elle l'est eneffet.

La scène doit se jouer sur la limite qui sépare une séduction non impossible d'une vertu insoupçonnable, sinonelle perd ou son piquant ou son honnêteté.

Elmire, jouée par la grande coquette de la troupe, est une mondaineélégante et une séductrice.

Comme toute précieuse, elle aime qu'on rende hommage à ses grâces.

La Rochefoucauldle dit : « Il n'y a point de passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans l'amour.

» (Maxime 262, etcf.

v.

1358).

De plus, cette femme spirituelle est une épouse quelque peu délaissée, qui doit trouver piquant d'êtreplacée en rivale de son mari auprès de Tartuffe...

Héritière de la femme rusée de la farce, mais élevée dans le. »

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