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Scène III - Acte I - Mithridate de Racine (commentaire)

Publié le 15/02/2011

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racine

Pharnace Pharnace Jusques à quand, Madame, attendrez-vous mon père? Des témoins de sa mort viennent à tous moments Condamner votre doute et vos retardements. Venez, fuyez l'aspect de ce climat sauvage, Qui ne parle à vos yeux que d'un triste esclavage. Un peuple obéissant vous attend à genoux, Sous un ciel plus heureux et plus digne de vous. Le Pont vous reconnaît dès longtemps pour sa reine: Vous en portez encor la marque souveraine, Et ce bandeau royal fut mis sur votre front Comme un gage assuré de l'empire de Pont. Maître de cet Etat que mon père me laisse, Madame, c'est à moi d'accomplir sa promesse. Mais il faut, croyez-moi, sans attendre plus tard, Ainsi que notre hymen presser notre départ. Nos intérêts communs et mon coeur le demandent. Prêts à vous recevoir, mes vaisseaux vous attendent, Et du pied de l'autel vous y pouvez monter, Souveraine des mers qui vous doivent porter.

Les circonstances :    Pharnace considère la mort de Mithridate comme une aubaine, et veut tirer de cette chance inespérée un maximum de plaisir et de profit. Il veut affermir sa puissance et, convoitant d'autre part Monime, il lui fait ses offres.    L'impression d'ensemble :    Avec la promptitude réaliste et la rondeur d'un homme d'affaires, Pharnace expose à Monime son double programme : devenu roi par la mort de son père, il fera d'elle une reine. Avec une éloquence maladroite de séducteur vulgaire, il essaie de la tenter en étalant à ses yeux gloire et richesse. Sous la majesté enveloppante et à la fois tendue de la phrase, on sent la brutalité d'un homme qui s'impose, et dont le désir ne souffre ni délai ni remise.     

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« La phrase se déploie avec une sorte d'ampleur persuasive.

Pharnace offre à Monime le séjour séduisant du cield'Ionie, une rupture avec un passé d'oppression dans une nature la plus belle qui soit au monde.

Monime, àNymphée, est transplantée, exilée.

Il lui offre l'habitat où elle pourra s'épanouir, il la remet à sa vraie place.Pharnace, dans son assurance tranquille, ne se doute pas que le ciel de la Grèce paraîtra terne à Monime si elle doitle retrouver avec Pharnace et par lui; que d'autre part, il ne saurait y avoir de climat hostile que la présence deXipharès n'éclaire et n'ensoleille.

Avec une insistance ostentatoire, orgueilleux dispensateur de richesses, il essaieaussi de vaincre Monime par le spectacle du joug sous lequel elle tiendra devant elle un peuple prosterné.

Pharnacepense que la reddition de Monime sous le poids de tels arguments ne peut être qu'immédiate et totale; il ignore qu'elle aspire àun autre ordre de valeurs, à un autre ordre de grandeur, et que le bonheur se présente pour elle sous une autreperspective Le Pont vous reconnaît dès longtemps [pour sa reine : Vous en portez encor la marque souveraine; Et ce bandeau royal fut mis sur votre front Comme un gage assuré de l'empire de Pont.

» Pharnace met Monime en face d'un fait accompli, et croit ainsi l'engager, Monime doit être reine de Pont par unesorte de consécration historique, et elle ne peut échapper à son destin.

Par une ruse étayée à la fois sur la logiqueet la vérité, Pharnace essaie d'asservir le passé à son dessein; à sa pression personnelle s'ajoute celle des faits,celle du respect des engagements. « Maître de cet état que mon père me laisse, Madame, c'est à moi d'accomplir sa promesse.

» Avec la suffisance orgueilleuse du propriétaire unique et incontesté, Pharnace, aveuglément désinvolte, élimine sonfrère, pense et agit comme s'il était le seul fils de Mithridate. « Mais il faut, croyez-moi, sans attendre plus tard, Ainsi que notre hymen presser notre départ.

» En tacticien réaliste, Pharnace veut, par la rapidité de l'exécution, éviter les obstacles qui pourraient déjouer sesplans.

La minute présente lui appartient, lourde de possibilités heureuses.

Il faut, sans retard, la mettre à profit.Peut-être sent-il la secrète résistance de Monime? Il veut étouffer ce qu'il considère comme des tergiversationsirritantes et stupides. « Nos intérêts communs et mon cœur le demandent.

» Avec une assurance naïve et pompeuse, il pense que le cœur de Monime caresse aussi un rêve de puissance.

Ilfonce à l'aveugle, évoque une solidarité d'intérêts comme le plus impérieux des mobiles et, imprudemment, découvresa véritable nature, proclamant la primauté de ses intérêts sur les valeurs de sentiment, qui ne sont à ses yeuxqu'accessoires et de second ordre. Le matérialisme brutal qu'il affiche l'oppose à Xipharès par une criante disparité et Monime ne peut que chérir avecplus de ferveur l'image du frère de Pharnace, dont le portrait paraît, par contraste, d'une intangible pureté. « Prêts à vous recevoir, mes vaisseaux vous attendent.

» Pharnace, réalisateur et pratique, a réglé tous les détails matériels d'un départ qui lui paraît certain et imminent. « Et du pied de l'autel vous y pouvez monter, Souveraine des mers qui vous doivent porter.

» On ne peut que remarquer la musicalité mystérieuse et caressante de ce vers, et les perspectives tentatrices parlesquelles Pharnace pense éblouir Monime : La puissance de celle-ci s'étendra sur les rivages qu'elle côtoiera, et lesflots qui lui appartiennent seront comme soumis et domptés par une domination si douce. style :. »

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