« Il y a science des choses simples et art des choses compliquées », notait Paul Valéry. Et il ajoutait : « On tend vers l'état de science, on le désire ». — Expliquez et commentez ?

L'activité scientifique tend à une simplification du spectacle phénoménal offert par la réalité universelle. Il s'agit, en effet, d'établir des systèmes de relations limités pour rendre intelligible, en la ramenant à des cas exemplaires, la multitude des apparences concrètes, par elles-mêmes irrationnelles en tant qu'elles demeurent hors de la science. Il faut, selon le mot de Jean Perrin, expliquer du visible compliqué par de l'invisible simple. Au contraire, l'activité artistique aboutit à la création d'un objet singulier dont la richesse suggestive ne permet la réduction ni au thème, ni au schéma, encore moins à l'idée pure. L'oeuvre d'art provoque et fait vibrer toutes les fibres de l'être, conserve par sa seule présence la diversité indéfinie qu'elle a mise en jeu lors de son élaboration. L'oeuvre se dégage de la forme pour prendre un sens à partir d'une action de métier; et pourtant l'activité artisanale ne suffira pas à la reproduire. Voilà en quoi l'art est toujours complexe en face d'une science simple - relativement. Aussi, dépassant ces remarques strictes, Valéry finit-il par affirmer qu'il y a « science des choses simples et art des choses compliquées ». Mais le mot « choses » est ici encore ambigu puisqu'il désigne à la fois des mécanismes et des résultats, ou plutôt des mécanismes éclairés par les résultats. Or, si la découverte scientifique peut, comme la création esthétique, se préparer dans la confusion et, pour ainsi dire, sortir d'une nébuleuse, il faut la contrôler par un effort de conscience qui se laisse représenter sous l'aspect de procédés logiques, de techniques expérimentales.