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Une science de l'incertain est-elle encore une science ?

Publié le 27/02/2008

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Nos générations actuelles sont celles issues de ce récent assentiment général (aux yeux de l'histoire) donné à la « Science », qu'André Breton caractérisa ainsi au vingtième siècle : « Si la religion fut longtemps l'opium du peuple, la Science est en bonne place pour prendre le relais. » Malgré cette reconnaissance quasi universelle de sa légitime prétention à conduire objectivement au vrai par méthode, celle-ci ne cesse de se diviser pour mieux se disperser dans les méandres abyssaux du réel et de la matière. Divisée certes, mais pas régnante, donc ! Une représentation unifiée et rationnelle du réel n'est toujours pas son fait actuel. Cette soi-disant « Science » se décline ainsi exponentiellement en sciences particulières s'appliquant en des domaines distincts (celle des mathématiques, par exemple, s'applique dans un domaine « hypothético - déductif » et est dite « exacte »). Si la physique théorique appartient, quant à elle, au même domaine que celui des mathématiques, elle change cependant de domaine d'étude (ou d'objet) lorsqu'elle devient « expérimentale » (elle cherche à appliquer et tester ses résultats méthodiques sur le réel). Les sciences du vivant et les sciences humaines, dernières venues dans l'histoire des sciences, sont la figure paroxystique de cet intérêt croissant de la science pour l'humain, sujet éminemment complexe. Mais notre actualité nous incline à penser les sciences comme fuites dans un réel toujours lui-même fuyant. Berkeley (philosophe du XVIIIième siècle) déjà, illustra cette idée par l'exemple du résultat obtenu lors de l'utilisation d'un microscope : plus la vision s'enfonce dans la matière, plus cette dernière semble se transformer et se dissoudre. Ce constat peut-être dressé, par analogie, pour chacune de nos innombrables sciences qui ne semblent pas en mesure de percer intégralement, et encore moins de manière univoque, le sens fondamental et mystérieux de ce que l'on nomme le réel. Toute science particulière est-elle, dès lors, vouée à l'incertitude ? N'est-ce pas un paradoxe de nommer « science » une connaissance, au fond, incertaine ?

« c'est, avec Kant et bien d'autres, le statut de science accordé à la métaphysique qui est réfuté. Nous voilà confrontés à un redoutable paradoxe : si l'on considère communément que toute science est, en soi, unereprésentation rationnelle du réel, alors on admet que celle-ci se consacre à l'incertain.

Dès lors son objet même (leréel) remet en question son statut puisqu'elle n'affirme rien lorsqu'elle est confrontée à une incertitude.

Ne faut-ilpas alors, plutôt que de disqualifier radicalement le discours scientifique sous toutes ses formes, modifier notredéfinition même de la science ? II.

L'incertain comme objet de science par excellence Les lectures de philosophes (« épistémologues » notamment, ceux qui analysent les contenus, les méthodes et lesoutils de la science) contemporains permettent de prendre la mesure de la « crise » à laquelle est confrontée la« fille de la philosophie » (elle naît avec les premiers philosophes tels que Thalès ou Pythagore, que l'on classe chezles « présocratiques »).

Crise d'identité (elle ne cesse de se diviser en sciences particulières), crise de fondement(l'objectivité semble inaccessible), crise de résultats (nombreux pensent que les grandes révolutions scientifiques ettechnologiques sont, pour la plupart, derrière nous).

Les idéaux d'une science unifiée, « positive » et suprême (Cf.Condorcet ou, plus tard, Comte et Cournot) formulées à partir du XVIII ième siècle sont aujourd'hui oubliées au profit d'une réflexion critique sur le statut même et les enjeux propres à la science.

Nombreux penseurs contemporains dela science (Bachelard, Khun, Feyerabend...) sont issus de la formation scientifique, étant eux-mêmes scientifiques. Cette science en crise fut le facteur déclenchant de ce qu'on appela le « Cercle de Vienne », réunion descientifiques, de philosophes, de mathématiciens, de physiciens, de médecins et dont le projet était de sauver lascience en clarifiant intégralement ses fondements et ses méthodes dans un langage clair et univoque.

Celui-ci futmené, de 1922 à 1938, comme on mène une bataille, contre les énoncés métaphysiques et pseudo-scientifiques quijettent le discrédit sur la science véritable.

Mais il débouchera sur une impasse, toujours la même, l'impossibilité dese représenter objectivement, rationnellement et universellement le réel.

Les énoncés de la science, quels qu'ilssoient, demeurent ambigus, équivoques, soumis à l'interprétation. Dès lors l'incertitude demeure dans toute entreprise scientifique : incertitude de la réalité de l'objet choisi,incertitude concernant le langage à adopter pour le définir parfaitement, de manière adéquate, incertitudeconcernant la méthode d'expérimentation, incertitude quant aux résultats attendus.

Pour autant toutes les sciencesne s'acheminent pas vers cet amer constat d'impuissance.

Les sciences appliquées qui, par le biais de découvertessuccessives, nous permettent aujourd'hui de s'informer, de se déplacer, de communiquer toujours plus simplement etrapidement ont l'avantage de présenter ces réels et manifestes progrès, imperméables à la critique précédemmenténoncée.

L'idée dominante aujourd'hui est que ce climat d'incertitude et de crise dans lequel la science baigne estconsubstantiel à la science elle-même.

La science ne progresse pas de manière cumulative, mais bien parRévolutions successives et chaotiques (Cf.

Khun, La structure des révolutions scientifiques ).

Ce climat est bénéfique à l'esprit angoissé et créatif qui, de tous temps, est à l'oeuvre dans nos grandes découvertesscientifiques.

C'est justement parce qu'il reste de l'incertitude que la science reste en mouvement, en activité,tendue vers sa résolution.

L'incertitude est donc, paradoxalement, la condition nécessaire à toute investigationscientifique à venir. Conclusion Un long travail de critique et de délimitation des pouvoirs de la science nous a amené à relativiser les notionsde certitude et de vérité confrontées à un réel toujours fuyant. Mais ce mouvement de division et de crise des sciences, plus que la marque d'un aveu d'impuissance, estplutôt le principe stimulant de toute volonté à caractère scientifique.

Reste à éduquer l'esprit lui-même, pourqu'en se débarrassant de ses préjugés et confusions, accède véritablement aux exigences d'une sciencenouvellement comprise : toute science est méthode d'ouverture d'esprit à la complexité manifeste, celle duréel.. »

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