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Semper Eadem de Baudelaire

Publié le 15/09/2006

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baudelaire

L'OEUVRE La première édition des Fleurs du mal, EST parue en 1857 chez l'éditeur Poulet-Malassis. Cette oeuvre sera condamnée pour outrage à la morale publique : sur les cent poèmes qu'elle contient, treize seront incriminés dans un procès pour outrage à la morale publique et à la morale religieuse. Le tribunal ne retiendra que l'atteinte à la morale publique et six poèmes (Lesbos, Femmes damnées LXXXI, A celle qui est trop gaie, Les métamorphoses du vampire, Les bijoux, Le léthé) devront être retranchés. INTRO : Baudelaire s'est inspiré de plusieurs muses pour écrire certains des poèmes du Fleurs du Mal : la métisse Jeanne Duval (La chevelure, Le Serpent qui Danse), l'actrice Marie Daubrun (l'Irréparable, Le poison) ou la belle Mme Sabatier. Le sonnet « semper eadem « s'adresse à cette dernière, réputée pour sa gaieté et rayonnante joie de vivre. Il est en tête du « cycle Sabatier « et donc revêt une importance particulière . Le sonnet, inclus dans la section « Spleen et Idéal « des Fleurs du mal, est placé sous le signe du spleen, ce mal de vivre qui ronge Baudelaire et dont il ne peut trouver la cause. Ce sonnet est original car il se fonde sur un dialogue quasi théâtral, jeu de question/réponse qui permet au poète de s’expliquer, dans un mouvement d’humeur d’une grande vivacité. Pour rendre compte de ma lecture, je montrerai d'abord que ce poème est une tentative pour cerner le « spleen « puis je montrerai qu'il constitue une interrogation sur la femme, l'amour, et la relation à l'autre. Premier axe : LE POEME est d'abord une nouvelle tentative de description du spleen : A. on voit d'abord que c'est un mal difficile à cerner, à définir le spleen évoqué dès le premier vers, dans le deuxième hémistiche : « cette tristesse étrange « D'emblée l'interlocutrice du poète caractérise ce qu'elle appelle « tristesse « comme « étrange «, soulignant par là son étonnement, son incrédulité face au mal qui ronge le poète ... L'adjectif démonstratif crée un effet de distance entre elle et ce mal mystérieux. A la douceur et rondeur des « v « et « ou « au début du vers s'oppose la dureté des dentales « t « et des « r « = c'est un mal douloureux le vers 2 associe ce mal à la mer qui monte aux rochers par le biais d'une comparaison : la série des 8 termes monosyllabiques (la mer sur le roc noir et nu ) créant un rythme haché, marque l'engloutissement progressif MAIS radical provoqué par ce mal... le poète serait assailli par étapes... on retrouve dans « mer « « roc « « noir « un « r « lourd et inquiétant. Le poète propose en réponse une définition courte, formule frappante (au pst de vérité gén) et mise en valeur par un rejet au vers 4 : « vivre est un mal «. L'importance de ces mots est marquée par l'irrégularité du vers en 4/8 au lieu de 6/6 = une aff. catégorique... Pourtant l'oxymore qui suit marque une difficulté propre à ce mal, un paradoxe : « secret « mais « connu de tous « les  adjectifs  « simple « et « non mystérieuse «vont s'opposent à l'adjectif « étrange « du premier vers ... on a l'impression d'un mal difficile à qualifier... il y a sans cesse tentative pour définir ce mal : « cette tristesse « devient « un mal « « un secret « puis « une douleur « ... c'est dans le tatônnement de ces mots que se trouve la vérité du mal éprouvé. Les images-métaphores variées- s'enchaînent sans vrai lien : la mer, les vendanges, la joie, la mort ... comme pour mieux cerner le mal décrit... < ON a donc un poème où le locuteur semble vouloir coucher sur le papier son mal sans pouvoir vraiment y parvenir... tant il est difficile à cerner... B. un mal à la fois physique et moral si la deuxième strophe peut évoquer un mal physique par le nom «douleur«, le poète montre surtout le spleen comme un mal métaphysique, lié à la conscience aiguë du temps et de la mort. Le troisième vers dans sa totalité est une longue proposition sub. temporelle avec un passé composé qui marque une action achevée, accomplie et qui ne se retrouvera plus... Quelque chose d' « irréparable «, d' « irrémédiable « s'est produit avec le premier acte amoureux et de là découle une douloureuse conscience : « vivre est un mal « on a plusieurs métaphores qui soulignent l'action du temps : celle de la « vendange «, faisant allusion à l'automne, qui revient chaque année, celle de la Mort nous malmenant comme des pantins : « Plus encor que la Vie, La Mort nous tient souvent par des li-ens subtils. « On note ici la présence de l'adverbe « souvent « avant la césure et l'accent mis sur ce rapport forcé avec la mort par la diérèse « lien «. La place capitale de la Mort dans le poème est marqué par la majuscule qui fait de la Mort comme de la Vie des allégories, dont l'homme est le jouet. C.une expérience individuelle mais à portée universelle - Il répète la même idée 3 fois (de tous connu / non mystérieuse / éclatante pour tous FIN DE VERS 4-5-6) pour faire comprendre à son interlocutrice mais aussi à chaque lecteur (deux fois « tous «) l'universalité de ce mal. - l'usage de la première personne du pluriel renforce la portée générale de ce mal : v 3 « notre coeur « v 11 « nous tient « - Les présents de vérité générale aux vers 4 et 11 tendent aussi à rendre la parole du poète indiscutable et vraie de tout temps Deuxième axe : LE POEME est aussi l'occasion d'interroger l'amour, la relation à l'autre féminin, cet amour que Baudelaire expérimente pour bercer sa douleur. A. une forme dialoguée marquée à la fois par la tension et une certaine noblesse on note un vouvoiement dès le premier vers « disiez-vous « qu'on retrouve dans les pronoms possessifs « votre « au vers 8 et « vos « au vers 14. cela dénote un certain respect du poète pour sa muse. En revanche les impératifs « cessez « en tête du vers 7, «taisez-vous « à la fin du vers 8 répété en tête du vers 9 et « laissez « répété également en tête du vers 13 marquent une tension certaine entre les deux partenaires. La colère du locuteur est renforcée par les points d'exclamation (vers 7 à 10 et fin) cette relation ambiguë est perceptible dans le deuxième hémistiche du vers 7 : « ô belle curieuse «, apostrophe à la fois hommage et hymne à la beauté de la dame en même temps que remise en cause de sa curiosité... B. un poème qui donne à voir une certaine image de la femme : la femme décrite ici est à l'opposé du poète par sa gaieté, soulignée plusieurs fois : au vers 6 la douleur du poète est mise en parallèle avec la « joie « « éclatante « de la femme. L'adjectif « éclatante « par sa longueur et ses effets sonores (« c « et dentales) révèle le côté envahissant de cette joie. On note aussi au vers 10, l'évocation su rire, « bouche au rire enfantin «, qu'on retrouve de façon plus discrète dans la rime hyper riche : « mysté-rieuse «, et « cu-rieuse «. son âme est toujours « ravie « au vers 9, mot qui rime avec « vie « comme si cette joie était synonyme de vie la femme est aussi présentée avec des côtés négatifs : son incapacité à comprendre au vers 9 , elle est qualifiée d' «ignorante «; au vers 7, on a la supplication « cessez donc de chercher « ce manque de lucidité est associé à la puérilité : vs 10, le rire est « enfantin « la femme est bavarde aussi ... par deux fois le poète lui demande de se taire à la fin du vers 8 et au début du vers 9 malgré tout la femme montre une certaine sollicitude par sa question initiale et sa demande est teintée de douceur comme le souligne le poète au vers 8 « et bien que votre voix soit douce «.

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