La sensibilité chez Kant
Publié le 29/05/2012
Extrait du document
Ainsi le rationalisme kantien, en concevant la sensibilité et l'entendement comme les deux sources nécessaires et complémentaires de toute connaissance, apparaît-il comme une réponse extrêmement originale, ni empiriste, ni rationaliste au sens cartésien du terme, à la question de la possibilité même de la connaissance et par conséquent du sens et de la valeur de la science. Il faut, naturellement, que vous complétiez cet exposé par une lecture attentive des textes 44 à 56 de votre recueil.
«
et indubitables au même titre que celles qui lui paraîtront manifestement être fausses.
Ces« principes» seront
successivement les
sens- ce que nous apprennent, croyons-nous, du monde extérieur, la vue, l'ouïe, l'odorat
ou le toucher -mais aussi, puisqu'il n'est pas impossible qu'un mauvais génie «aussi rusé et trompeur que
puissant emploie toute son industrie à me
tromper» «toutes les fois que je fais l'addition de deux et de trois
ou que je nombre les côtés d'un carré», les notions mathématiques perçues par notre entendement.
Ainsi
s'explique le premier alinéa de votre texte dans lequel DESCARTES rappelle les résultats auxquels
il est lui
même, par ce doute universel, provisoirement parvenu.
Provisoirement en effet, comme
le montrent les alinéas
suivants du texte, mais non pas pourtant, comme on
le dit parfois inexactement, parce qu'il y aurait encore
en lui quelque chose comme une certitude secrète
qu'il aurait lui-même précieusement mise à l'écart et à l'abri
du doute pour mieux la présenter ensuite comme une certitude indubitable.
DESCARTES n'est ni un magicien
ni un charlatan.
Le début de sa deuxième Méditation est à cet égard tout à fait clair : «La méditation que
je
fis hier, écrit-il, m'a rempli l'esprit de tant de doutes qu'il n'est plus désormais en ma puissance de les oublier.
Et cependant je ne vois pas de quelle façon je les pourrai résoudre; et comme si tout à coup j'étais tombé
dans une eau très profonde, je suis tellement surpris que je ne puis ni assurer mes pieds dans le fond ni nager
pour me soutenir au-dessus.
Je m'efforcerai néanmoins et suivrai derechef la même voie où j'étais entré hier
en m'éloignant de
tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, tout de même que si je connaissais
que cela fut absolument faux; et je continuerai toujours dans
ce chemin jusqu'à ce que j'aie rencontré quelque
chose de certain, ou du moins,
si je ne puis autre chose, jusqu'à ce que j'aie appris certainement qu'il n'y
a rien au monde de certain» (1).
DESCARTES n'exclut donc nullement ici l'éventualité du scepticisme (2).
Son doute porte sur l'ensemble, plus précisément encore, sur les deux sources possibles de
ses connaissances
et
le résultat auquel il est parvenu, et que rappelle le premier alinéa de votre texte, est qu'aucune d'elles ne
présente un caractère absolument indubitable de sorte qu'il n'est pas impossible en effet, comme
l'ont prétendu
les sceptiques grecs, PYRRHON notamment, et surtout AENESIDEME, que nous ne puissions avoir aucune
connaissance certaine, du monde extérieur ni de nous-mêmes, en dehors des sensations actuelles que nous
éprouvons et que nous ne pouvons au mieux que décrire.
Le doute cartésien, à ce moment de l'analyse, n'est
ni plus actif, ni plus méthodique, ni plus provisoire que celui de ses prédécesseurs.
Il va s'en distinguer pourtant,
et cette fois radicalement, par
ce qui va suivre et qu'expose fort bien la suite du texte.
C'est que
ce doute, saisi maintenant réflexivement et devenu conscient de lui-même, suppose bien à la fois
sa propre existence -
il est hors de doute que je doute -et par conséquent celle du sujet doutant.
Autrement
dit
il n'est pas possible de douter du doute ni de moi-même qui doute.
Je doute, donc je suis, c'est là la première
vérité, saisie intuitivement, à laquelle parvient DESCARTES et, s'il est vrai aussi que douter est un acte de
mon esprit ou de ma pensée,
il faut encore ajouter que je pense et que je suis puisque je doute.
Comme le
dit DESCARTES à la ligne
22 de votre texte, même le malin génie évoqué précédemment ne« saurait jamais
faire que
je ne sois rien tant que je penserai être quelque chose».
Ainsi sommes-nous en présence d'une
connaissance dans laquelle le sujet et l'objet sont confondus, la connaissance elle-même n'étant au fond qu'une
explicitation du sujet par lui-même ou,
si l'on veut, le déploiement de la conscience certaine que ce sujet prend
de lui-même, de son existence d'abord puis, comme l'indiquent les dernières lignes du texte, de sa nature spirituelle
de chose pensante, d'entendement
ou de raison.
A partir de là, tout change et nous sommes évidemment très
loin du scepticisme.
Ces premières vérités en effet, par leur évidence, donc
par leur clarté et leur distinction,
permettent d'établir
«pour règle générale que toutes les choses que nous concevons fort clairement et fort
distinctivement sont toutes
vraies».
Elles serviront en outre de fondement, avec les idées innées que nous avons
naturellement dans notre âme, à une métaphysique et une science entièrement indubitables dans lesquelles
la pensée ou la raison, dans
ses déductions successives, n'a jamais affaire qu'à elle-même.
«Ces longues chaînes
de raisons, écrit DESCARTES dans son
Discours de la méthode (3), toutes simples et faciles, dont les géomètres
ont coutume de
se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de
m'imaginer que toutes
les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s'entre-suivent en même
façon et que, pourvu seulement
qu'on s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit et qu'on garde
toujours l'ordre qu'il faut pour
les déduire (1) les unes des autres, il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles
(1) Souligné par nous.
(2) Voyez, pour préciser le sens de cette notion, le chapitre de votre manuel portant sur la vérité.
(3) Deuxième partie..
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