Le sentiment esthétique peut-il se réduire à la psychologie ?
Publié le 24/02/2004
Extrait du document
L'esthétique concerne l'entendement Dans une perspective kantienne, il faudrait parler, non de sentiment esthétique, mais plutôt de jugement esthétique. Pour Kant, le plaisir que l'on ressent vis-à-vis du beau est précédé d'un jugement: c'est ce jugement qu'il faut considérer, et non, comme le font les psychologistes, le sentiment de plaisir. A quoi et pourquoi jugeons-nous qu'une oeuvre d'art est belle ? Juger, c'est rapporter le particulier à l'universel. Le jugement est déterminant quand l'universel est connu et que le particulier n'est qu'un cas correspondant ; il est réfléchissant quand on ne dispose que du particulier et qu'il s'agit de découvrir l'universel auquel le rapporter. Le particulier est un simple exemple qui précède la loi et qui est le moyen pour nous de la trouver. Cette faculté de juger réfléchissante est celle qui s'applique aux oeuvres d'art. Face à des exemplaires de la beauté, nous devons chercher à définir le concept du beau, qu'est-ce qui fait que cette oeuvre est belle et pour quelle raison. Qu'est-ce que le jugement de goût ? Distinct de l'agréable, il prétend à une certaine universalité, visant le partage, la communication.
Contempler un tableau n'est pas très différent de l'action de goûter un mêts. Le fait que l'aliment est jugé bon dépend de celui qui le mange. En lui-même, l'aliment n'est ni bon, ni mauvais. Mais, lorsque je suis confonté à une oeuvre d'art, le sentiment esthétique apparaît de lui-même, sans qu'il soit provoqué par mes inclinations. Il tire son origine, non de moi, mais de l'oeuvre.
«
1 Existe-t-il un critère universel de la beauté et quel est-il ?2 Ce critère du beau varie-t-il selon qu'il s'agit d'une beauté naturelle ou d'un produitde l'art ?3 Comment expliquer que nous puissions trouver de la beauté dans un objet que nous ne pouvons pasposséder ni utiliser personnellement ?
Réponses:
1 - Il existe un critère universel de la beauté : nous appelons beau l'objet qui produit en nous un plaisir lié àson utilité.2 - Non, car le beau est toujours au fond l'utile3 - Par un phénomène de « sympathie », nous nous identifions à d'autres hommes qui pourraient jouir de cetteutilité.
Le plaisir esthétique est dépourvu de fonctionLe plaisir esthétique, contrairement à la nourriture ou à la sexualité, n'apporte rien, biologiquement parlant, ausujet ou à l'espèce.
Il faut, semble-t-il, l'attribuer aux animaux, puisque ces derniers éprouvent du plaisir àmanger des substances qui sont inutiles à leur survie.
[Ceux qui réduisent l'esthétique à la psychologie ignorent la portée universelle des jugements esthétiques.
Lorsque nous disons «c'est bon», nous voulons dire que tout le monde devrait penser ainsi.]
Nos jugements sur les oeuvres sont généralisants
RAPPEL: JUGEMENT RÉFLÉCHISSANT ET JUGEMENT DÉTERMINANT
Le jugement déterminant part de l'universel pour l'appliquer au particulier.
A l'inverse du jugement réfléchissantqui part du particulier pour rejoindre l'universel.Par exemple, lorsque nous disons que les chats sont des félins, nous subsumons la catégorie "chat" sous cellede "félin" comme plus générale parce que nous possédons déjà cette généralité.
En revanche, lorsque nousdisons que ce tableau de Picasso est un chef d'oeuvre, nous n'usons pas de la notion de chef d'oeuvre commed'un outil pour la connaissance.Le jugement de goût qui porte sur les oeuvres est un jugement réfléchissant cad qu'il n'est pas un jugementde connaissance.
En revanche, le jugement déterminant n'est pas celui par lequel nous apprécions la beauté,mais celui par lequel nous connaissons.
Alors que les théories psychologistes identifient «c'est beau» à «ça me plaît», Emmanuel Kant, dans saCritique de la faculté déjuger, réaffirme l'indépendance du beau vis-à-vis de l'agréable.
Le concept de beau,selon Kant, sous-entend celui d'universalité.
Il ne peut donc être déterminé par les particularités de chaqueindividu.
« Pour ce qui est de l'agréable, chacun consent à ce que son jugement, fondé sur un sentimentparticulier, et par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne.
Iladmet donc quand il dit: le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige l'expression et luirappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue,du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles de chacun.
[ ...
] Il enva tout autrement du beau.
Ce serait ridicule, si quelqu'un, se piquant.
de bon goût, pensait s'enjustifier en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le concert que nous entendons, lepoème que l'on soumet à notre appréciation) est beau pour moi.
Car il ne doit pas appeler beauce qui ne plaît qu'à lui.
Beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, iln'importe; mais quand il dit d'une chose qu'elle est belle, il attribue aux autres la mêmesatisfaction ; il ne juge pas seulement pour lui, mais au nom de tous et parle alors de la beautécomme d'une propriété des objets ; il dit donc que la chose est belle et ne compte pas pour sonjugement de satisfaction sur l'adhésion des autres parce qu'il a constaté à diverses reprises queleur jugement était d'accord avec le sien, mais il cette adhésion.
Il les blâme s'ils en jugentautrement, il leur refuse d'avoir du goût et il demande pourtant qu'ils en aient ; et ainsi on nepeut pas.
Cela reviendrait à dire: le goût n'existe pas, c'est-à-dire le jugement esthétique quipourrait à bon droit prétendre à l'assentiment de tous n'existe pas.
» KANT
Ce texte est extrait de la « Critique de la faculté de juger » ou « Critique du jugement » (1791).
Lafaculté de juger est faculté de penser le particulier comme contenu dans l'universel.
Lorsque je dispose.
»
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