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Serments de Strasbourg (extrait)

Publié le 14/04/2013

Extrait du document

En écrivant une Histoire des fils de Louis le Pieux (844), l’historien Nithard a laissé sa version des serments de fidélité réciproque, signés à Strasbourg en 842, entre deux des fils de Louis le Pieux, Charles le Chauve et Louis le Germanique. Cette alliance marque l’affaiblissement de Lothaire Ier, qui a cherché à évincer ses frères de la succession, et conduit en août 843 au partage de l’empire carolingien. Dans ce premier traité exprimé en langues « vulgaires « (romane et tudesque) et non en latin, les deux rois s’expriment dans la langue de l’autre afin que leur engagement soit compris des fidèles de chaque partie.

Les serments de Strasbourg du 14 février 842

 

Le 16 des calendes de mars, Louis et Charles se réunirent en la cité qui jadis s’appelait Argentaria, mais qui aujourd’hui est appelée communément Strasbourg, et prêtèrent, Louis en langue romane et Charles en langue tudesque, les serments qui sont rapportés ci-dessous. Mais avant de prêter serment, ils haranguèrent comme suit le peuple assemblé, l’un en tudesque, l’autre en langue romane, Louis, en sa qualité d’aîné, prenant le premier la parole en ces termes : « Vous savez à combien de reprises Lothaire s’est efforcé de nous anéantir, en nous poursuivant, moi et mon frère ici présent, jusqu’à extermination. Puisque ni la parenté ni la religion ni aucune autre raison ne pouvait aider à maintenir la paix entre nous, en respectant la justice, contraints par la nécessité, nous avons soumis l’affaire au jugement du Dieu tout-puissant, prêts à nous incliner devant son verdict touchant les droits de chacun de nous. Le résultat fut, comme vous le savez, que par la miséricorde divine nous avons remporté la victoire et que, vaincu, il s’est retiré avec les siens là où il a pu. Mais ensuite, ébranlés par l’amour fraternel et émus aussi de compassion pour le peuple chrétien, nous n’avons pas voulu le poursuivre ni l’anéantir ; nous lui avons seulement demandé que, du moins à l’avenir, il fût fait droit à chacun comme par le passé. Malgré cela, mécontent du jugement de Dieu, il ne cesse de me poursuivre à main armée, ainsi que mon frère ici présent ; il recommence à porter la désolation chez notre peuple en incendiant, pillant, massacrant. C’est pourquoi, poussés maintenant par la nécessité, nous nous réunissons, et pour lever toute espèce de doute sur la constance de notre fidélité et de notre fraternité, nous avons décidé de prêter ce serment l’un à l’autre, en votre présence. Nous ne le faisons pas sous l’empire d’une inique cupidité, mais seulement pour que, si Dieu nous donne le repos grâce à votre aide, nous soyons assurés d’un profit commun. Si toutefois, ce qu’à Dieu ne plaise, je venais à violer le serment juré à mon frère, je délie chacun de vous de toute soumission envers moi, ainsi que du serment que vous m’avez prêté. « Et lorsque Charles eut répété les mêmes déclarations en langue romane, Louis, étant l’aîné, jura le premier de les observer : « Pour l’amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut commun, à partir d’aujourd’hui, en tant que Dieu me donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère Charles par mon aide et en toute chose, comme on doit secourir son frère, selon l’équité, à condition qu’il fasse de même pour moi, et je ne tiendrai jamais avec Lothaire aucun plaid qui, de ma volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles. « Lorsque Louis eut terminé, Charles répéta le même serment en langue tudesque : « Pour l’amour de Dieu et pour le salut du peuple chrétien et notre salut à tous deux, à partir de ce jour dorénavant, autant que Dieu m’en donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère, comme on doit selon l’équité secourir son frère, à condition qu’il en fasse autant pour moi, et je n’entrerai avec Lothaire en aucun arrangement qui, de ma volonté, puisse lui être dommageable. « Et le serment que prononça chaque nation dans sa propre langue est ainsi conçu en langue romane : « Si Louis observe le serment qu’il jure à son frère Charles et que Charles, mon seigneur, de son côté, ne le maintient pas, si je ne puis l’en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j’en pourrai détourner, nous ne lui serons d’aucune aide contre Louis. « Et en langue tudesque : « Si Charles observe le serment qu’il a juré à son frère Louis et que Louis, mon seigneur, rompt celui qu’il lui a juré, si je ne puis l’en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j’en pourrai détourner, nous ne lui prêterons aucune aide contre Charles. «

 

 

Source : Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, trad. par Ph. Lauer, Paris, Belles-Lettres, 1964.

 

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