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Que signifie comprendre autrui ?

Publié le 27/02/2005

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on doit éprouver la valeur morale de chaque action, alors je dois avouer que seuls les philosophes peuvent rendre douteuse la solution de cette question ; car dans la raison commune des hommes elle est, non à la vérité par des formules générales abstraites, mais cependant par l'usage habituel, résolue depuis longtemps, comme la différence de la main gauche et de la main droite. » (« Critique de la raison pratique ») Dans « Les Fondements », Kant part de la connaissance commune de la morale, pour parvenir à sa formulation philosophique. Ce faisant, il est le premier à établir philosophiquement la notion de personne. Celle-ci provient d'une double lignée. Elle est en premier lieu une notion juridique, héritée du droit romain : une personne est un être « sui juris », pourvu de droits, par opposition à l'esclave. Elle est en second lieu une notion religieuse, héritée en particulier du christianisme, pour lequel chaque homme a une valeur et une dignité égale devant Dieu, quel que soit son statut social. Kant oppose les personnes aux choses. Les choses sont des objets naturels (objets  ou animaux) qui ont un prix, sont interchangeables. L'homme en tant qu'être moral, capable de se donner ses propres lois au lieu de subir seulement celles de la nature, n'a pas de prix mais une dignité. Les choses ont une valeur relative (à nos besoins, nos inclinations, nos sentiments), les personnes ont une dignité, elles n'ont littéralement pas de prix.

« mais pour ce qu'ils espèrent devenir l'un par l'autre»).De la même façon, il convient de bien distinguer — à la suite de Max Scheler — la sympathie véritable de la simplecontagion affective (Einfuhlung).

La contagion affective est une participation passive, inconsciente et involontaireaux sentiments d'autres personnes.

Par exemple, en entrant dans la brasserie, je sens ma tristesse disparaître, jeme mets à rire, à parler fort, à chanter comme les autres et un sentiment d'euphorie m'envahit.

Cette contagionpsychique n'est aucunement une « connaissance» de ce qui est éprouvé par autrui.

En fait, les attitudes prises, lesgestes accomplis déterminent ici presque irrésistiblement des états de conscience que j'éprouve pour mon comptesans chercher à rejoindre la personne d'autrui.

Bien loin d'être un acte de la personne comme est la vraie sympathie,la contagion affective est en réalité une abdication de la personne, la démission d'un moi trop suggestible qui selaisse envahir sans contrôle par des automatismes liés à des états affectifs.

Ainsi, lorsque la panique s'empare d'unefoule et que tout le monde s'enfuit, je puis me sentir irrésistiblement entraîné à imiter ces gestes de fuite etl'épouvante — liée à ce comportement — s'empare de moi.

Je partage la frayeur de cette foule, mais je ne puis direque je suis réellement entré en communion avec mes voisins.

Si Nietzsche a sévèrement condamné la pitié, c'estprécisément parce qu'il l'a confondue avec une contagion mentale de ce genre.

Dès lors, la pitié n'est plus que latransmission en chaîne de la souffrance, une contagion de malheur, une déperdition de vitalité qui multiplie lasouffrance au lieu de la guérir.Max Scheler a bien montré que la vraie pitié, que la sympathie authentique est tout autre chose.

Si j'ai pitié del'autre, c'est précisément parce que je ne suis pas malheureux moi-même, parce que je n'éprouve pas sa misère.

Sije souffrais comme lui, je serais moi-même objet de pitié et non conscience compatissante.

En réalité, la sympathietranscende l'affectivité.

Elle est un acte de la personne qui vise la souffrance ou la joie d'une autre personne, quiles reconnaît plus qu'elle ne les éprouve.

Gide, par exemple, déclare à propos de sa femme « Par sympathie, jeparvenais à comprendre ses sentiments, je ne pouvais les partager».

Et Max Scheler assure que je puis «fort biencomprendre l'angoisse mortelle d'un homme qui se noie sans pour cela éprouver rien qui ressemble même de loin àune angoisse mortelle».

Bien plus, je puis comprendre selon Max Scheler des émotions que je n'ai jamais éprouvéesmoi-même.

Je lis dans ce visage une pureté, une candeur que je n'aurais pas soupçonnées auparavant.

Ce regardfurieux me signifie une qualité, une intensité de haine que jamais je n'aurais cru possibles.

Pradines écrit dans cetteperspective que « nous pouvons sympathiser même avec des sentiments que nous ne saurions éprouver soit qu'ilsnous dépassent soit au contraire que nous les dépassions, avec la tristesse de Jésus à Gethsemani ou avec lespetits chagrins d'un enfant».

La connaissance d'autrui bien loin de me renvoyer comme dans la théorie de l'analogieà des expériences familières, élargit au contraire mon horizon, m'apporte d'incessantes révélations. Ce que nous ressentons est toujours différent et difficilement communicable, mais je peux comprendre qu'autrui estsensible : cela m'interdit la haine ou la négation de l'humanité de l'autre.La compassion, la pitié, la sympathie sont le plus souvent ce qui fait exister autrui pour nous : mais est-ce vraimentcomprendre autrui ?Ce serait confondre fusion et compréhension : aimer quelqu'un, ce n'est pas le comprendre, c'est souvent projetermes besoins sur lui.

Ce n'est pas dans une foule qu'on se sent le mieux compris ! B - LA RECONNAISSANCE DE L'ALTERITE - L'ALTER EGO 1) L'altérité radicale Autrui est autre.

Pour comprendre les autres, il ne suffit pas de les ressentir identiques à moi-même, il faut aussisaisir en quoi ils ne sont pas moi.Je peux m'aider de ce que les autres disent ou signifient, mais autrui ne se réduit pas à des phrases, des gestes oudes actes.

Chaque fois, l'intériorité d'autrui se manifeste dans l'extériorité, mais je dois résister à la tentationd'imposer à autrui la compréhension que j'ai de lui.Comprendre les motifs d'un criminel, ce n'est ni l'excuser, ni le réduire à une machine.

C'est comprendre l'irrationalitéd'autrui, qui doit être prévue et prise en charge par la politique. 2) La liberté politique de l'autre L'homme est un animal politique, selon Aristote.

L'homme vit dans et par la reconnaissance des autres.

Cettereconnaissance, cette compréhension des besoins de tout homme, passe par des lois et un contrat social.La vie en société suppose la reconnaissance des besoins mais aussi d'une liberté infinie d'autrui qui exige le respect.La société démocratique doit parfois forcer le sujet à être libre, mais aussi comprendre que la liberté d'autrui estirréductible. 3) L'infini respect que je dois à l'autre, véritable voie vers sa compréhension. Selon Kant, si nous voulons être rigoureux, il nous faut clairement opposer deux types d'êtres:– Les choses, c'est-à-dire tous les êtres qui ne possèdent pas la raison.

Leur valeur, si grande qu'elle puisse êtresur tel ou tel plan, n'est cependant jamais absolue mais relative : les choses sont toujours des moyens.– Les êtres raisonnables ou personnes, c'est-à-dire ces êtres qui seuls sont doués d'autonomie, c'est-à-dire dupouvoir qu'ils ont d'obéir à la loi que leur impose leur nature raisonnable, du pouvoir de se déterminer à agir par laraison.

C'est de cette autonomie que la personne tient sa dignité inconditionnelle.

La personne n'a pas en effetseulement une valeur pour nous, mais une valeur absolue, littéralement une valeur incomparable.

«Tout homme,. »

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