Situation de Baudelaire dans la littérature française
Publié le 07/09/2013
Extrait du document
Dans l'histoire de la littérature française, Charles Baudelaire
est à la croisée des chemins. Bien que l'on retrouve dans son
inspiration poétique de nombreux traits du romantisme, il se
rallie à la réaction parnassienne initiée par Théophile Gautier
qui proclame le culte de l'art pour l'art et de la forme pure.
Mais surtout, il annonce par sa théorie des correspondances
la doctrine symboliste qui triomphera à la fin du siècle.
Pourtant, la position de Baudelaire marque déjà, d'une
certaine manière, la fin des écoles. Tout en prenant son bien
où il le trouve, il laissera l'image d'un poète solitaire et
incompris, soucieux de créer sa propre voie. Premier de cette
lignée que Verlaine baptisera «les poètes maudits«, car déclassés
à la fois dans la vie et dans l'art, il est aussi le premier
à revendiquer le droit à la différence, à l'arbitraire du goût et
du choix individuels. Tel est le sens profond de son dandysme
qui n'est pas seulement vestimentaire, mais existentiel.
«
«Ce livre, essentiellement inutile et absolument inno cent, n'a pas été fait dans un autre but que de me
divertir et d'exercer mon goût passionné de l'obstacle.
Quelques-uns
m'ont dit que ces poésies pouvaient faire du mal: je ne m'en suis pas réjoui.
D'autres, de bonnes
âmes, qu'elles pouvaient faire du bien; et cela ne m'a pas affiigé.
La crainte des uns et l'espérance des autres m'ont également étonné, et n'ont servi qu'à me prouver
une fois de plus que ce siècle avait désappris toutes les
notions classiques relatives à la littérature.»
Réactionnaire en politique où il se proclame l'adepte des
théories de Joseph de Maistre,
il ne l'est pas moins en littéra ture, où il dénonce les idoles romantiques qui servent d'alibi,
à ses yeux, à l'embourgeoisement des âmes et à l'asservisse ment de l'art.
Mais si son œuvre nous fascine aujourd'hui, ce
n'est pas
à cause de cet attachement à des critères littéraires
jugés périmés de son temps.
C'est par sa volonté acharnée
èle faire feu de tout bois pour affirmer ses propres valeurs, pour
édifier sa propre esthétique.
Certes, la nouveauté de Baudelaire par rapport
à ce que
l'on appelle de manière toujours un peu vague
«la tradition» est un fait acquis.
Mais il ne faut pas oublier que l'apport de
ce ton et de ce regard nouveaux, loin de signifier
la rupture
avec une tradition dépassée, visait à revivifier un style perdu,
une écriture qui préférait l'économie des moyens et la
conci sion fulgurante à la rhétorique verbeuse et au pathos des bons
sentiments.
Il est vrai qu'une certaine poésie moderne, qui n'est pas
encore morte, naît avec Baudelaire, comme en atteste
l'ou vrage désormais classique de Marcel Raymond De Baudelaire
au surréalisme.
Mais quand on parle de
la modernité de
Baudelaire, il s'agit de s'entendre sur le sens exact des mots.
Baudelaire a mis en œuvre son étonnant génie de synthèse
non pour patauger dans les eaux tièdes du juste milieu, mais
pour aiguiser ses propres contradictions.
Baudelaire reste
vi vant, non parce que ses poèmes sont des morceaux de choix
et de proie pour les auteurs d'anthologies et de manuels
scolaires, mais parce que, contrairement
à la plupart de ses
contemporains, il n'a pas triché,
il n'a pas masqué ses déchi rements, ses doutes, ses petitesses, ses rancœurs sous les
oripeaux de la belle littérature..
»
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