Socrate

La mort exemplaire de Socrate est le seul événement mémorable de sa “ vie sans histoire ”. Il était fils de Sophronisque, sculpteur, et d'une sage-femme, Phenarète (“ sérieuse, disait-il, et tout à fait distinguée ”) et ce “ sage-homme ”, au dire de Montaigne, habile à “ graisser les conduits des enfantements spirituels ” aimait à se rappeler cette dernière origine pour définir sa “ maïeutique ”. Il exerça quelque temps le métier de son père, mais son “ démon ” tutélaire qui ne le trompa jamais, disait-il, lui inspira très vite de se consacrer à la philosophie en devisant familièrement avec ses disciples et ses commensaux ; grâce aux dialogues platoniciens et aux Mémorables  de Xénophon nous avons gardé le nom de ses interlocuteurs et des habitués de toutes conditions de ces entretiens philosophiques. Socrate ne s'éloigna guère d'Athènes, sinon pour participer au siège de Potidée, puis à la retraite de Delium (où il sauva la vie à Xénophon) et à celle d'Amphipolis. C'est pour exercer sa patience, dit-on, qu'il épousa sa première femme, l'acariâtre Xantippe (devenue depuis le parangon de la mégère) qui lui donna trois fils.      

Agé de soixante-dix ans, Socrate (qui en 424, un quart de siècle auparavant, avait déjà encouru dans les Nuées, les sarcasmes d'AristophaneL008) fut accusé du crime d'impiété, accusation qui, selon PlatonH038, “ s'appliquait le moins à Socrate ”. Criton, venu visiter Socrate dans sa prison, voulut le persuader de s'évader, mais il refusa de se révolter contre les lois de la patrie. Lorsque fut venu le jour de boire la ciguë, fatigué des lamentations de Xantippe, il la fit renvoyer et continua de s'entretenir paisiblement de l'immortalité de l'âme avec ses amis. Après s'être baigné “ pour épargner aux femmes la peine de laver un cadavre ”, il leur dit : “ nous sommes redevables d'un coq à Esculape, ne manquez pas d'acquitter ma dette ” ; ce furent ses dernières paroles et Criton lui ferma les yeux.