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Soigne-t-on un être vivant comme on répare une machine?

Publié le 20/03/2005

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Canguilhem le souligne à plusieurs reprises, et notamment dans son article « Du social au vital », où il écrit « dans un organisme vivant, les règles d'ajustement des parties entre elles sont immanentes, présentes sans être représentées, agissantes sans délibération ni calcul. Il n'y a pas ici d'écart, de distance, ni de délai entre la règle et la régulation (...) L'ordre vital est fait d'un ensemble de règles vécues sans problèmes ». Les normes vitales ont cette particularité d'être immanentes et immédiates, tandis que les normes mécaniques et techniques doivent sans cesse être réajustées, testées, affinées. b) La différence entre soigner et réparer prend tout son sens en ceci que la guérison n'est jamais une réparation, un retour à l'état antérieur. Réparer une machine c'est la faire retourner à l'état d'avant la panne ; soigner, c'est aider l'être vivant à trouver et à s'accommoder de nouvelles normes vitales. C'est la position de Canguilhem dans Le normal et le pathologique. Enfin, si le vivant était assimilable à une machine, il n'y aurait pas de problème de rejet de greffe (un tissu vivant n'en vaux pas un autre, tandis que deux écrous se valent). c) Le vivant se démarque par sa capacité d'adaptation, par sa plasticité, et finalement on peut penser qu'il est plus pertinent de lire dans l'histoire de l'évolution technique une tentative pour imiter le vivant (son mode de fonctionnement idéal, autorégulateur et capable d'adaptation), plutôt que de voir le vivant sous les traits d'une machine, c'est là une thèse défendue par Canguilhem dans La connaissance de la vie. On peut penser aux exemples des conduites ou pilotes automatiques dans les voitures ou avions.

 Nous tombons malades et les machines tombent en panne, mais cette communauté indiquée par le langage n'est-elle pas une illusion ? Certes dans les deux cas il semble qu'un ordre a été rompu et qu'on peut y remédier, mais les mécaniciens et les médecins n'échangent pas leurs places, c'est donc qu'il faut s'interroger sur la différence entre la panne et la maladie, entre soigner et réparer, entre l'être vivant et la machine. Il nous faudra demander pourquoi un tel rapprochement, que nous allons nous employer à invalider, ne paraît pas au sens commun si saugrenu, et cela nous amènera à interroger la conception de l'animal machine. Enfin nous mettrons en évidence, entre l'être vivant et la machine, les différences de fonctionnement et les différences normatives qui les commandent afin de fonder notre position quant à la question : soigne-t-on un être vivant comme on répare une machine ?

« rendre compte de l'harmonie auto-organisatrice qui se manifeste chez les êtres vivants ? Inversement, alors que laposition philosophique du mécanisme pense pouvoir rendre compte des êtres organisés comme s'ils étaient des êtresartificiels, comme une montre, par exemple, l'univers étant une vaste horlogerie, Kant souligne l'irréductibilité duvivant à ce modèle.

Un être vivant semble, à la différence d'une montre, pouvoir se reproduire lui-même, se réparerlui- même, comme si le tout et les parties étaient dans un lien d'implication causale réciproque et intentionnelle, etpas seulement le produit d'un jeu de causes aveugles.

Il faut donc aussi éviter la solution strictement mécaniste.

Ilfaut supposer l'idée d'une fin naturelle qui seule peut rendre compte des spécificités observables chez les êtresorganisés.

Cette idée de fin naturelle n'est cependant qu'une idée régulatrice de la faculté de juger et non une idéeconstitutive de l'entendement. Le jugement téléologique n'est qu'un guide dans la connaissance des êtres animés.La dialectique du jugement téléologique met en scène l'antinomie opposant d'une part la thèse d'un mécanismeaveugle pour toutes les choses de la nature, et d'autre part l'idée selon laquelle seule une cause finale rend possiblecertains de ces êtres, justement les êtres organisés.

La solution de l'antinomie tient en ce que la finalité n'estjustement qu'un concept de la faculté de juger et non de l'entendement : il ne peut servir que de fil conducteursubjectif pour assembler des mécanismes partiels et saisir le fonctionnement global d'un être organisé. Il faut distinguer cet usage cognitif de la finalité objective interne dans chaque être organisé avec la finalité externequi lie les différentes parties de la nature prise comme un tout.Les êtres organisés semblent avoir été faits comme s'ils étaient les uns pour les autres fin et moyen.

Seul l'hommeet son développement comme être de culture pourvu d'une valeur morale absolue peut apparaître comme la findernière de la nature, justifiant une téléologie de l'histoire humaine s'accomplissant dans le déploiement del'humanité de l'homme.

« Dans une montre une partie est l'instrument du mouvement des autres, maisun rouage n'est pas la cause efficiente de la production d'un autre rouage ;certes une partie existe pour une autre, mais ce n'est pas par cette autrepartie qu'elle existe.

C'est pourquoi la cause productrice de celles-ci et deleur forme n'est pas contenue dans la nature (de cette matière), mais endehors d'elle dans un être, qui d'après des Idées peut réaliser un tout possiblepar sa causalité.

C'est pourquoi aussi dans une montre un rouage ne peut enproduire un autre et encore moins une montre d'autres montres, en sorte qu'àcet effet elle utiliserait (elle organiserait) d'autres matières ; c'est pourquoielle ne remplace pas d'elle-même les parties, qui lui ont été ôtées, ni necorrige leurs défauts dans la première formation par l'intervention des autresparties, ou se répare elle-même, lorsqu'elle est déréglée : or tout cela nouspouvons en revanche l'attendre de la nature organisée.

— Ainsi un êtreorganisé n'est pas simplement machine, car la machine possède uniquementune force motrice ; mais l'être organisé possède en soi une force formatricequ'il communique aux matériaux, qui ne la possèdent pas (il les organise) : ils'agit ainsi d'une force formatrice qui se propage et qui ne peut pas êtreexpliquée par la seule faculté de mouvoir(le mécanisme).

(...) Dans la nature les êtres organisés sont ainsi les seuls,qui, lorsqu'on les considère en eux-mêmes et sans rapport à d'autres choses,doivent être pensés comme possibles seulement en tant que fins de la natureet ce sont ces êtres qui procurent tout d'abord une réalité objective auconcept d'une fin qui n'est pas une fin pratique, mais une fin de la nature, et qui, ce faisant, donnent à la sciencede la nature le fondement d'une téléologie, c'est à-dire une manière de juger ses objets d'après un principeparticulier, que l'on ne serait autrement pas du tout autorisé à introduire dans cette science (parce que l'on ne peutnullement apercevoir a priori la possibilité d'une telle forme de causalité).

» Kant, Critique de la faculté de juger , §65. Introduction l Objet du texte : L'opposition entre le mécanique, qui a sa cause en dehors de lui et le vivant qui peuts'auto-organiser. l Problème du texte : Peut-on expliquer le vivant de manière mécanique ? l Thèse du texte : Le vivant diffère d'une machine par l'auto-organisation, et c'est en cela qu'il peut êtreune fin de la nature. l Plan du texte Il y a deux grandes parties dans ce texte : 1.

Étude du fonctionnement de la montre.

Il lui faut une cause extérieure. 2.

Opposition de l'être organisé, c'est-à-dire de l'être vivant à la machine : l'être vivant a sa. »

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