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Sommes-nous impuissants face à la mort ?

Publié le 27/02/2005

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Cette question ne nous retiendra pas longtemps, dans la mesure où la réponse n'est que trop évidente : la mort est l'horizon indépassable et nécessaire de la vie de tout être organisé, la fatalité impossible à éviter qui attend chacun, jeune ou vieux, puisque, pour citer le philosophe Heidegger «  Dès qu'un humain vient à la vie, il est assez vieux pour mourir ». Pourtant, nous devons nous arrêter un instant à ce questionnement en apparence naïf, afin de prendre toute la mesure de la puissance de la mort, au centre de ce sujet : la mort est bien ce que Hegel nomme « le maître absolu », et dans un premier temps, nous pourrons dire que nous sommes tout à fait impuissants devant elle.   b.    L'impuissance relative face à la mort entendue comme force opposée aux forces de la vie   « La vie est l'ensemble des facultés qui luttent contre la mort » a écrit le grand médecin Bichat. Cette citation peut nous permettre d'entendre différemment la mort elle-même. En effet, nous pouvons définir celle-ci non comme l'évènement qui met un terme à la vie, mais plutôt comme l'ensemble des forces contre lesquelles la vie doit lutter pour se maintenir elle-même. Ces forces sont celles du temps, de la dégradation physique, de la maladie, les effets de la contingence qui peuvent provoquer la mort. Ainsi entendue, nous pouvons dire que notre vie elle-même manifeste une puissance contre la mort, c'est-à-dire une capacité de lutter contre les forces mortifères que nous venons de nommer. Mais cette lutte est perdue d'avance, et nous demeurons impuissants à lutter contre l'effet final de la mort sur notre organisation physique.   II.

« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face « : cette maxime de La Rochefoucauld nous invite à considérer la mort comme un évènement que l’homme ne peut envisager sans effroi ni un sentiment d’incompréhension qui confine à celui de l’absurde. En ce sens, nous pouvons nous demander si l’homme n’est pas impuissant face à la mort, c'est-à-dire s’il n’est pas incapable de lutter contre les effets de celle-ci sur lui-même. Ces effets peuvent être de deux sortes : d’une part, les effets qui affectent l’organisation physique de l’homme ; de l’autre, ses représentations morales. En effet, la mort inspire effroi, crainte et inquiétude chez l’être qui peut s’en former une idée (l’homme) alors que tous les autres cherchent instinctivement à se conserver, se perpétuer dans l’être (c’est ce que Spinoza nomme le « conatus «, soit la volonté de préservation et de perpétuation de la vie chez tous les êtres organisés).

La mort peut être définie de deux manières : comme l’évènement qui met un terme à l’existence d’un être vivant, et l’état qui s’en suit pour lui.

Mais également come l’ensemble des forces qui conspirent à l’anéantissement de la vie chez l’individu : ainsi entendue, la mort est moins l’évènement qui achève la vie, que l’effort du temps, de la dégradation, de la maladie et des circonstances extérieures contre lesquels la vie doit lutter pour se perpétuer.

Se demander si nous sommes impuissants face à la mort revient donc à poser la question de la capacité de l’homme à contrer les effets de la mort sur son organisation physique et ses représentations morales. Si nous pouvons dire dans un premier temps que l’homme est impuissant face aux effets de la mort sur son organisation physique, il n’en va pas de même en ce qui concerne les effets de celle-ci sur ses représentations morales : l’homme peut en effet n’être pas affecté par la crainte de la mort, soit en refusant de lui prêter la moindre attention (en ce sens, nous pouvons refuser de la regarder « en face «), soit en faisant de l’idée de la mort le moteur d’une vie exigeante, dont les productions échappent à la loi du devenir (il s’agit donc au contraire de se tenir « face « à la mort pour mieux vivre).

 

« La mort n'a pas que des effets sur notre organisation physique, mais aussi surnos représentations morales : elle provoque crainte, effroi et inquiétude.Toute une tradition philosophique s'est attachée à contrer ces effets surl'homme, tradition commencée avec Epicure.

Dans la « Lettre à Ménécée »celui-ci déclare : « Familiarise toi avec l'idée que la mort n'est rien pour nous,car tout bien et tout mal résident dans la sensation ; or, la mort est laprivation de cette dernière ».

Nous avons donc la faculté de lutter contre lamort en acceptant l'idée qu'elle n'est rien, puisque nous ne pouvons avoird'expérience de la mort, qui est privation de toute sensation.

En ce sens, lamort n'existe pas pour nous.

Dans la Lettre à Ménécée, Épicure conduit une réflexion opposée à celle duplatonisme : elle s'en tient à un strict matérialisme.

La mort n'est pas uneévasion de l'âme, elle est un pur non-être qui ne nous concerne en rien,puisque vivants, nous appartenons à l'être.

"Tout bien et tout mal résidentdans la sensation ; or, la mort est la privation complète de cette dernière."Ensuite, sachant que notre durée de vie est limitée, nous seronsheureusement pressés de jouir raisonnablement des biens de la vie.

La penséede la mort dissipe l'angoisse d'une vie illimitée, en laquelle nous aurions àchoisir et agir en vue de l'éternité.

Pour l'existence humaine, l'éternel n'estjamais en jeu : il n'y a rien de si grave qui mérite un souci sans limites.

De plus, les dieux immortels, qui jouissent d'une béatitude infinie, ne se soucient pas des affaires humaines.

Si la mortn'est rien pour nous, nous ne sommes, mortels, rien pour les dieux : leur jugement n'est pas à craindre.

Il ne fautdonc se soucier ni de la mort elle-même, ni de l'attente de son heure.

Une chose absente ne peut nous troubler, etquand la mort advient, c'est que déjà nous ne sommes plus là pour en souffrir.

L'homme ne rencontre jamais sapropre mort, et le "passage" est aussi irréel et inconsistant que l'instant présent qui sépare le passé du futur.

Lamort n'est rien, comme le pur instant présent, sans passé ni avenir : "La mort n'a par conséquent aucun rapportavec les vivants, ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour les premiers, et que les derniers ne sontplus." La mort ne doit être pensée ni comme un mal, ni comme une délivrance.

Si ne pas exister n'est pas un mal, lavie comporte des joies qui peuvent être très agréables.

Vivre sagement, ce n'est pas chercher à jouir le pluslongtemps possible, mais le plus agréablement qu'il se peut. La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : lacrainte de la mort.

Les hommes ont peur de la mort.

Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dansl'absolument inconnu.

Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles neleur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.

Les chrétiens, par exemple, imagineront quequiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.

La peur de la mort apartie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.

De plus, si tout dansl'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps quise décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.

Dès lors, rien de notre être nesurvit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».

Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée,la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégatd'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il fautpenser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation,de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus detemps à commencer à se décomposer.

Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation :« Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, etque la mort est absence de sensation.

»En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source detoute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme unsensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition des sensations, il ne peuty avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la penséeindividuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mortn'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.

»Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie estune affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. b.

La faculté d'indifférence radicale vis-à-vis de la mort Mais pour répudier la pensée de la mort (et donc annuler ses effets moraux sur nous) l'homme peut également seplacer à un niveau supérieur à celui de l'existence sensible.

C'est ce que fait Spinoza (dans « L'Ethique ») lorsqu'ilaffirme que l'homme libre ne pense jamais à la mort et que « sa sagesse est une méditation non de la mort mais dela vie ».

Spinoza refuse la pensée de la mort car il refuse de se placer au niveau su sensible, de la passion et de. »

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