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Sommes-nous maîtres de nos paroles ?

Publié le 24/05/2009

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Etre maître de ses paroles serait alors être maître des ses pensées. Ou plutôt il n'y aurait aucune différence entre l'un et l'autre. Et d'une certaine manière c'est bien ce que semble nous enseigner l'expérience. Clarifier ses pensées passe le plus souvent par l'expression et peut-être même par l'expression écrite. Ainsi nous dit Merleau-Ponty le plus grand bénéfice de l'expression n'est pas de consigner dans un écrit des pensées qui pourraient se perdre, un écrivain ne relit guère ses propres ouvrages (…) l'opération d'expression, quand elle est réussie (…) fait exister la signification comme une chose au coeur même du texte (…) elle ouvre un nouveau champ ou une nouvelle dimension à notre expérience. On pourrait donc penser que la condition de la maîtrise de ses paroles ne se situerait pas en amont de l'expression mais dans l'acte d'expression lui-même. La maîtrise serait alors un travail à l'oeuvre dans le «dire» même. Etre maître de ses paroles ce serait dire bien. Et c'est peut être pour cela que l'écrit peut se donner pour le paradigme d'une parole totalement maîtrisée. C'est le caractère figé, définitif, la précision de l'énoncé qui signe le contrôle de notre parole. Ecrire c'est se rendre maître de sa parole dans le sens où c'est produire une pensée matérialisée et aboutie.

« loin d'être maîtres de nos paroles nous sommes esclaves de l'ordre du discours. II) Mais dès lors comment comprendre la réalité concrète de la parole ? Comment pourrions-nous tout simplementparler si nous n'étions pas maîtres de nos paroles ? Comment concevoir une parole sensée sans un vouloir-direpréalable ? Lorsque nous parlons c'est bien le plus souvent pour tenter d'exprimer quelque chose.

Etre maître de sesparoles serait donc à entendre comme cette possibilité de choisir au mieux, le mot la phrase qui nous permettrait decommuniquer une idée un sentiment, une intention… Il faudrait alors décomposer (de façon certes quelque peuartificielle) le fait de parler en trois moments distincts : nous aurions quelque chose à dire, il faudrait choisirl'expression adéquate et enfin nous parlerions.

La maîtrise de nos paroles se jouerait sur le second moment.

Le faitque nous soyons maître de nos paroles n'est-il pas attesté par l'expérience quotidienne de pouvoir articuler unvouloir-dire à un dire, de pouvoir réfléchir, délibérer sur les mots ou les phrases qui exprimeront au mieux notrepensée, qui ne la trahiront pas.

La maîtrise de notre parole résiderait d'une certaine manière dans la liberté (toutintérieure) d'expression de nos pensées.

Et l'on pourrait penser, un peu paradoxalement que nos hésitations, nosbégaiements sont le signe de cette maîtrise, venant indiquer que toute parole suppose un choix déterminé par unevolonté.

Or c'est bien en ce sens que l'on peut dire que la parole est le propre de l'homme.

Si nous n'étions pas maîtres denos paroles nous pourrions bien proférer des sons, mais ces sons, même s'ils avaient une apparence de sens,n'exprimeraient aucun sens.

Ainsi Descartes affirme-t-il dans le Discours de la méthode Vème partie que : c'est unechose bien remarquable qu'il n'y a point d'homme si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu'ilne soit capable d'arranger ensemble diverses paroles, d'en composer un discours par lequel il fasse entendre leurpensée.

A l'inverse du plus accompli des animaux, le plus imparfait des hommes conserverait encore quelque chosede cette maîtrise de la parole.

L'insensé, garderait au fond, même mutilée, «la liberté d'expression».

La «parole»animale n'est à l'inverse qu'une réponse à un stimulus et ne dit donc rien.

C'est dans cette possibilité d'expressionqu'il faudrait comprendre la maîtrise de nos paroles. Il nous faut cependant admettre que penser la maîtrise comme ouverture d'une possibilité d'expression, est lié à uneconception classique du langage comme relation entre mots et pensées.

Conception exprimée par Hobbes dansLéviathan I 4 pour qui : l'usage général de la parole est de transformer notre discours mental en discours verbal.Par là il affirme une priorité sur ce qui est interne à l'esprit, de la représentation mentale sur la manifestation de laparole.

On peut cependant se demander s'il n'y a pas, si ce n'est une naïveté, du moins une certaine forme desimplification à considérer langage et pensée comme deux «plans» distincts en relation.

Comme Hegel l'a fort bienmontré au paragraphe 462 de L'encyclopédie des sciences philosophiques on peut se demander ce que serait unepensée avant toute formulation dans le langage.

Que peut-on donc dire de cette pensée que l'on suppose avant lesmots ?La parole nous dit en effet Merleau-Ponty dans La phénoménologie de la perception N'est pas le signe de la pensée,si l'on entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu.

La parole et la penséen'admettraient cette relation extérieure que si elles étaient thématiquement donnée ; en réalité elles sontenveloppées l'une dans l'autre.

Il semble dès lors difficile de conserver l'idée d'une maîtrise de nos paroles commepossibilité de choix, comme liberté d'expression.

S'il n'y a plus d'espace entre pensée et parole, si pensée et parolese donnent dans un même mouvement, ou si du moins la parole est une modalité de la pensée comme dépassementvers le monde, comment concevoir l'idée d'une maîtrise ? Etre maître de ses paroles serait alors être maître des ses pensées.

Ou plutôt il n'y aurait aucune différence entrel'un et l'autre.

Et d'une certaine manière c'est bien ce que semble nous enseigner l'expérience.

Clarifier ses penséespasse le plus souvent par l'expression et peut-être même par l'expression écrite.

Ainsi nous dit Merleau-Ponty le plusgrand bénéfice de l'expression n'est pas de consigner dans un écrit des pensées qui pourraient se perdre, unécrivain ne relit guère ses propres ouvrages (…) l'opération d'expression, quand elle est réussie (…) fait exister lasignification comme une chose au coeur même du texte (…) elle ouvre un nouveau champ ou une nouvelle dimensionà notre expérience.On pourrait donc penser que la condition de la maîtrise de ses paroles ne se situerait pas en amont de l'expressionmais dans l'acte d'expression lui-même.

La maîtrise serait alors un travail à l'oeuvre dans le «dire» même.

Etre maîtrede ses paroles ce serait dire bien.

Et c'est peut être pour cela que l'écrit peut se donner pour le paradigme d'uneparole totalement maîtrisée.

C'est le caractère figé, définitif, la précision de l'énoncé qui signe le contrôle de notreparole.

Ecrire c'est se rendre maître de sa parole dans le sens où c'est produire une pensée matérialisée et aboutie. III) Mais la persistance de l'écrit, la survivance à son auteur doit-elle être comprise comme le signe d'une maîtrise oud'un échec de cette maîtrise ? Le texte n'a plus de père nous dit Platon dans le Phèdre 275d.

Une fois écrit, il estabandonné, orphelin prêt à être dénaturé mésinterprété.

Il ne peut se défendre face à ses contradicteurs.

Sommes-nous maîtres d'une telle parole abandonnée ? L'histoire fourmille d'exemple de textes que l'on a détournés de leurintention première.

Nous sommes de biens piètres maîtres qui produisons une parole sur laquelle nous n'avons plusaucun pouvoir.Platon nous invite à considérer une dimension essentielle de la parole que nous n'avions pas envisagée jusqu'àprésent.

Toute parole est une parole adressée, toute parole est destinée à être entendue.

Lorsque Rousseau dansles deux premiers chapitres de L'essai sur l'origine des langues nous montre que le langage naît de la nécessité. »

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