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sorcellerie, histoire de la

Publié le 10/04/2013

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histoire
1 PRÉSENTATION

sorcellerie, histoire de la, histoire des pratiques magiques attribuées à des catégories sociales marginales et, dans les sociétés occidentales, de leur répression par les pouvoirs ecclésiastiques et civils.

2 DIFFÉRENTES FORMES DE SORCELLERIE

Selon les anthropologues, la croyance en des forces surnaturelles et la pratique de rites magiques — que ce soit pour les amadouer ou pour les déchaîner — existent de tout temps et dans toutes les cultures, et ce quel que soit leur degré d’évolution. Fait de civilisation, la sorcellerie est une manifestation mentale et sociale dans laquelle, derrière la superstition, reposent la parole, le pouvoir, la souffrance, la misère, l’espoir et la mort.

2.1 Des praticiens officiels aux premières condamnations

Les sociétés antiques ont souvent recours aux pouvoirs de divination de personnages comme la pythie de Delphes, les augures et les devins : ces praticiens des arts divinatoires exercent donc des fonctions religieuses officielles. Mais, parallèlement, les pratiques occultes débordant du cadre institutionnel sont sévèrement réprimées en Grèce comme à Rome. De même, la loi de Moïse condamne toute magie noire : « Tu ne laisseras pas vivre la sorcière « (Exode, XXII, 18). Pour sa part, l’Église primitive crée un corps de clercs exorcistes afin de combattre ces pratiques païennes, voire démoniaques.

Dans l’Occident médiéval émerge l’image du « sorcier « lançant incantations et sortilèges, comme en témoignent les personnages de Merlin l’Enchanteur et de la fée Morgain dans le cycle arthurien. Durant tout le haut Moyen Âge, la sorcellerie est assimilée à un culte rendu aux divinités païennes que les prêtres sont invités à empêcher par des amendes et des prêches. La sorcellerie n’est qu’une croyance populaire en adéquation avec la recherche d’explication rationnelle des malheurs des temps (épidémies, épizooties, accidents climatiques, disettes et famines, instabilité politique et insécurité, etc.) qui s’abattent sur des populations fragiles à la poursuite de boucs émissaires — que l’on lynche d’autant plus facilement qu’ils n’appartiennent pas pleinement à la communauté.

2.2 De la grande chasse aux sorcières à nos jours

Au xve siècle, alors que le christianisme s’impose dans toute l’Europe occidentale, les pratiques traditionnelles issues des coutumes germaniques (comme les magiciennes et les devineresses) commencent à être violemment combattues ; puisque émanant du Mal, de Satan, elles sont alors perçues comme à l’origine de tous les maux et de toutes les guerres. Cette célèbre chasse aux sorcières dure près de trois siècles et prend fin au xviiie siècle.

Bien que cet occultisme diffère de la sorcellerie classique, au milieu du xixe siècle, un mouvement spirite — tables tournantes, appel aux ectoplasmes et aux revenants — se développe et est animé par des personnages charismatiques comme Allan Kardec. Dans les campagnes, les croyances traditionnelles, toujours plus vives, prennent encore parfois comme boucs émissaires le rebouteux, le magnétiseur ou le sourcier — comme dans le Sorcier vert de Jean de la Varende ou dans les récits de Claude Seignolle. Aujourd’hui, depuis une trentaine d’années, on assiste à un renouveau de la sorcellerie ; l’« Église de Satan «, fondée en 1966 à San Francisco, et les cercles de magie noire côtoient les traditionnelles pratiques de sorcellerie : marabouts, sorciers vaudous, etc.

En définitive, par son intensité, sa violente répression et son folklore, la sorcière européenne, de la fin du Moyen Âge au début du xviiie siècle, a particulièrement marqué l’histoire et nécessite de ce fait une étude plus approfondie.

3 LA SORCELLERIE, DITE CLASSIQUE, EN EUROPE
3.1 L’accusation de sorcellerie, exutoire des angoisses collectives
3.1.1 Émergence de la sorcellerie à la fin du Moyen Âge

La sorcellerie européenne naît, d’une part, d’une révolte religieuse et correspond à la transmission orale de religions antiques et du culte nocturne voué aux divinités vaincues par le christianisme ; d’autre part, elle est issue d’une révolte sociale, caricaturant les usages sociaux et parodiant les rites du catholicisme.

Elle émerge donc au contact de l’hérésie dans les années 1420-1430, dans les régions où se sont réfugiés depuis le xiiie siècle les vaudois, disciples de l’hérétique Pierre Valdo. Accusés de blasphèmes, de messes noires, de cannibalisme, de meurtres rituels — à l’image du meurtre des enfants qu’ont utilisé les autorités de Rome à l’égard des chrétiens, qui l’ont eux-mêmes retourné contre les juifs —, les hérétiques subissent les stéréotypes de l’exclusion qu’inventent à leur encontre les clercs pour noircir leur image. C’est ainsi que la chrétienté, déchirée par les hérésies (cathare dans le Sud-Ouest, vaudoise dans le Sud-Est), puis par la rupture issue des réformes religieuses du xvie siècle, impose la chasse aux sorcières comme une réponse aux angoisses religieuses du temps. De plus, par le retentissement et l’écho qui en est fait, les grands procès politiques des xive-xve siècles (Templiers, 1308-1314, Jeanne d’Arc, 1431, Gilles de Rais, 1440) qui utilisent l’accusation de sorcellerie pour masquer d’autres intérêts véhiculent des récits, des pratiques et des images que chacun va faire siens.

La croyance en cette sorcellerie démoniaque se répand à partir de la fin du xve siècle. L’image des sorcières s’affine et se propage, puisant dans les légendes et croyances antiques — de la littérature romaine et de la mythologie germanique — pour donner naissance à l’image folklorique de la sorcière.

À la même époque se mettent en place les instruments juridiques de la grande chasse de ces « sorcières «. En décembre 1484, le pape Innocent VIII, en étendant le pouvoir de deux inquisiteurs officiant entre Cologne et Mayence, fonde la charte constitutive de la chasse aux sorcières. Deux ans plus tard, l’éditeur strasbourgeois Jean Prüss imprime avec grand succès le Marteau des sorcières (Malleus maleficarum), un manuel destiné aux inquisiteurs et recensant toutes les pratiques magiques. À la suite de cette publication, les traités et théories démonologiques se multiplient, diffusant auprès des élites l’idée même de la sorcellerie.

3.1.2 Apogée de la sorcellerie : xvie-xviie siècle

Deux grandes vagues de répression se succèdent et diffèrent dans leur ampleur et selon les régions géographiques touchées — particulièrement le nord de l’Europe (du Brabant à l’Allemagne rhénane, en passant par le Luxembourg et la Bourgogne) et quelques poches méridionales, tels la Guyenne, le Béarn et les vallées alpestres de l’Italie du Nord. Ailleurs, la chasse aux sorcières est sporadique, comme en Normandie ou dans le Bassin parisien, voire en grande partie inexistante (Espagne, Bretagne). La première vague (entre 1480 et 1520) fait un nombre limité de victimes et est surtout le fait des tribunaux inquisitoriaux. La seconde vague (de 1580 à 1680 environ) se fait à l’initiative des tribunaux civils qui portent la répression et la sévérité à un niveau jusqu’alors inégalé. Si l’on distingue deux grands moments dans cette répression, il ne faut pas pour autant omettre de signaler que la chasse prend des allures de bouffées locales, nées de la forme aléatoire des dénonciations.

Les poursuites contre les sorcières sont d’abord le fait de grands juges comme Henri Boguet, Jean Bodin (Démonomanie des sorciers, 1580), Nicolas Rémy (juge et procureur général de Lorraine qui envoie au bûcher 3 000 personnes entre 1530 et 1612), de Lancre et d’Espagnet (juges au parlement de Bordeaux qui terrorisent le pays de Labourd en 1609). En Italie, la cour romaine allume des bûchers dans le sud appauvri de la péninsule. En Allemagne, on estime à 30 000 le nombre de victimes entre le début du xvie et la fin du xviie siècle.

Au xviie siècle, tous les pays d’Europe connaissent des « épidémies « de sorcellerie. De très nombreuses affaires de possessions et de diableries sont découvertes dans les couvents de femmes où se mêlent délires pseudo-mystiques et hystérie. Parmi les grandes affaires françaises, citons celles des brigittines de Lille (1613-1614), des ursulines de Loudun (1632-1634, où la mise en cause d’intellectuels comme le prêtre Urbain Grandier soulève les premières oppositions à la répression), de Louviers (1643-1647), de Méautis en Normandie (1661-1672), de Hocque (1687-1691) et surtout celle des Poisons qui se distille dans les plus hautes sphères politiques (1679-1682). En Angleterre, la révolution de Cromwell coïncide avec une formidable explosion de sorcellerie dont Cromwell lui-même est l’un des plus farouche pourfendeur. La sorcellerie gagne même la côte américaine de la Nouvelle-Angleterre quand éclate l’affaire des sorcières de Salem (1688-1692).

3.1.3 La fin de la sorcellerie ?

Peu à peu, les oppositions aux procédures expéditives des procès se multiplient. Des Jésuites, comme Frédéric Spee en Allemagne, œuvrent pour mettre fin à la persécution des sorcières. Des pasteurs réformés sont relayés dans leur combat par des laïcs, comme Cyrano de Bergerac et son ironique Discours contre les sorciers (1652) ou Nicolas Malebranche dans son œuvre majeure, De la recherche de la vérité (1674). Pour beaucoup, la sorcellerie devient une superstition née de l’ignorance et de l’avidité et, au milieu du xviie siècle, l’archevêque de Reims dénonce les « petits juges subalternes [qui] condamnent à mourir sur simple conjoncture «. Le dernier supplice en France est infligé en 1718 : le feu des bûchers recule devant le siècle des Lumières.

La fin de la chasse aux sorcières est le signe d’une évolution de la société où s’affirment des élites formées à une nouvelle rationalité. Au xviiie siècle, les procès de sorcellerie ne concernent plus que des empoisonneurs, des devins, des alchimistes, des charlatans. Le sorcier a perdu ses terribles pouvoirs et Satan se plie à la galanterie du siècle en devenant une jeune et jolie femme dans le Diable amoureux de Jacques Cazotte (1772). Si Mme de Montespan a prêté son corps à des messes démoniaques, Mme de Pompadour ne consulte plus qu’une diseuse de bonne aventure qui lit l’avenir dans le marc de café. La sorcellerie est devenue un « passe-temps « que l’Encyclopédie définit comme « une opération magique honteuse ou ridicule attribuée stupidement par la superstition à l’invocation et au pouvoir des démons «.

Les sorcières font place aux cartomanciennes et autres voyantes, le sorcier devient un escroc et le diable un attrape-nigauds pour abuser de la crédulité publique. Après être devenue une figure libertine au xviiie siècle, la sorcière inspire le romantisme : Smarra ou les Démons de la nuit de Charles Nodier, 1821 ; Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, 1831 ; l’Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly, 1854 ; la Sorcière de Jules Michelet, 1862. Même si la superstition persiste, le sorcier est devenu un anachronisme. Son souvenir demeure vivace, particulièrement pour effrayer les enfants : la figure de la sorcière est un ressort de la terreur dans les contes, les livres, les films et les dessins animés (comme la belle-mère de Blanche-Neige).

3.2 L’impitoyable machine judiciaire
3.2.1 L’Église, l’Inquisition et les magistrats

La férocité à l’égard de la sorcellerie naît du constat que le crime de sorcellerie est considéré comme le plus abominable qui soit dans une société où personne ne songe à remettre en question son adhésion à la religion chrétienne. Dans cette logique, le sorcier est un hérétique, mais surtout un apostat. Et puisqu’il commet son crime en toute conscience, le tribunal ne peut donc avoir de pitié à son égard.

L’interprétation de la sorcellerie européenne est surtout connue des historiens et chercheurs par les traces qu’en a laissé la répression. D’abord constitué dans le milieu de l’Inquisition, le mythe de la sorcellerie est diffusé et repris par les magistrats et les juges civils. D’ailleurs, à partir du xve siècle, l’Inquisition n’a plus de responsabilité dans la répression de la sorcellerie et ce sont les hautes justices (tribunaux seigneuriaux et royaux, parlements) qui, bien qu’aidées par les instances ecclésiastiques, prennent le relais de la chasse aux sorcières.

Puis au xviiie siècle, à la suite des instances séculières, l’Église cesse peu à peu ses poursuites. Elle considère alors les sorciers comme des malades, voire des possédés contre lesquels elle requiert l’exorcisme, dont la forme et l’usage sont fixés dès 1614.

3.2.2 Le déroulement des procès

Le procès de sorcellerie a le plus souvent pour origine une dénonciation de voisinage mettant en cause une crise des relations interpersonnelles quand l’exaspération d’une communauté rencontre l’oreille complaisante d’un juge. Celui-ci procède alors à l’information qui vise un fait ou une personne et entraîne une enquête appelant les témoins à comparaître. Indices et présomptions, plus que preuves réelles, suffisent pour procéder à l’arrestation car, le sorcier étant maudit, le juge n’a aucune précaution à prendre pour extirper des aveux — ce qui légitime la torture. Or, tout argument est retenu pour condamner : du simple tremblement de l’accusé à la pratique de l’ordalie.

Une fois l’interrogatoire clos, a alors lieu un procès ordinaire (aux peines pécuniaires) ou extraordinaire (aux peines afflictives, infamantes, voire à la peine de mort) selon la qualification requise pour le crime commis. Comparaissant devant la cour, l’accusé peut être soumis à la « question «, faute de preuve à son encontre. La question relève de la torture et donne lieu, pour les magistrats, à un procès-verbal détaillé. La peine de mort réservée au sorcier est le feu où, au cœur du bûcher, il périt le plus souvent étouffé par les fumées.

Alors que les paysans dénoncent un individu pour les maléfices qu’il est supposé jeter à la communauté, et les torts qu’il est supposé lui porter, les juges traduisent ces dénonciations dans le langage de la sorcellerie démoniaque, l’imposant par la force et la persuasion à leurs victimes ; celles-ci, pour se délivrer de la torture et de son incroyable « instrumentologie «, répètent et avouent alors des crimes issus des manuels de démonologie des juges. C’est pourquoi le crime de sorcellerie est partout identique et codifié car, si la procédure est scrupuleusement menée, l’idéologie des juges en pervertit la technique. Pour la victime, l’aveu apporte un soulagement physique et, pour le juge, la mort renouvelle sa propre foi.

La sorcellerie est donc une création des élites et ne s’impose que lentement dans les mentalités, par les conversations, les sermons, les légendes et les contes et plus encore par l’angoissante procédure des procès et le spectacle édifiant des exécutions. Indéniablement, la sorcellerie sert d’exutoire à tout un imaginaire fantastique.

3.3 Multiplicité et unicité de l’image de la sorcière
3.3.1 La femme maudite

« Pour un sorcier, dix mille sorcières « écrit Jules Michelet dans la Sorcière (1862). Parce que la tradition théologique fait de la femme un être impur qui subit, plus encore que les hommes, les malheurs de son époque (maternités difficiles, brutalités, etc.), elle la première est accusée de sorcellerie ; elle est, de fait, suspecte aux yeux d’une population qui redoute ses pouvoirs et ses savoirs traditionnels (plantes, remèdes ou simple mystère de l’enfantement).

La sorcière représente également la femme tentatrice, d’autant plus menaçante que l’Église cherche à imposer le célibat ecclésiastique. Avant de partir au sabbat, ne se frotte-t-elle pas le corps d’un onguent ou n’avale-t-elle pas une drogue (expliquant le sommeil, la sensation de vol sur un balai et le délire onirique propice aux visions) qui la dispose aux désirs charnels refoulés ? La sexualité est omniprésente dans la préparation des filtres d’amours comme lors des messes noires, où les femmes figurent nues et échevelées, dansent et s’accouplent avec ceux qu’elles désirent. Les pratiques nuisibles aux sacrements du mariage, aux sentiments et aux enfantements (« le nouement de l’aiguillette « et l’avortement) font aussi d’elles des personnages redoutés.

C’est d’ailleurs une femme à la plastique érotique, animale et sauvage qui domine le thème de la sorcière dans l’œuvre iconographique des grands peintres de l’époque, comme Francisco Goya, Albrecht Dürer ou Jean Luyken.

3.3.2 Cérémonial et cérémonies

Il n’y a pas de sorcellerie démoniaque sans participation au sabbat — la grande cérémonie attribuée des sorcières — illustrée par Gustav Meyrink (1868-1932) dans la Nuit de Walpurgis.

L’appel au sabbat demeure mystérieux pour les autorités ; il parcourt la campagne pareil au vent. Après s’être préparée (dénudée, ointe, droguée), la sorcière chevauche son balai et prend les airs, son ombre se profilant sur la lune. Elle se rend dans une clairière — le plus souvent auprès d’anciens monuments mégalithiques (vestiges d’un rite païen) — où un autel est dressé, pareil à celui des églises. Un prêtre célèbre la messe à rebours, car le diable qui préside la cérémonie est le grand maître de l’inversion. Les participants communient avec une rave noire à la place d’une hostie blanche. Suit un banquet qui précède la confession auprès du démon, que l’on invoque et embrasse. Ce dernier, à l’inverse de la justice divine, récompense les plus mauvais et punit les moins méchants. Dans un rythme endiablé, les vices exacerbés et les luxures refoulées s’épanouissent jusqu’au chant du coq où tout disparaît.

Comme les arts nous le rappellent avec Tristan et Iseut ou, plus tard, l’opéra de Wagner le Crépuscule des dieux, les sorcières préparent également des philtres et envoûtent avec des figures de cire, de bois ou un cœur d’animal représentant l’ennemi à atteindre que l’on perce de coups d’épingles. Si elle sait souvent guérir, la sorcière jette avant tout des sortilèges maléfiques qui servent à conjurer le malheur. Les maléfices sont innombrables, mais c’est surtout par son pacte avec le diable que se distingue la sorcière. Échange entre l’âme du pactisant et un bénéfice accordé par le diable, cette alliance, censée être écrite — mais seule celle attribuée à Urbain Grandier nous est parvenue — avec le sang du pactisant, renferme toute la magie du sorcier.

3.3.3 L’expression de l’exclusion et de la misère

Distingués de la communauté par une tare physique (yeux rouges, taches de vin, etc.) ou par une infirmité, par la vieillesse, par la solitude (les sorcières vivent souvent à l’écart du village), ou par un métier (bergers, colporteurs, maréchaux-ferrants, accoucheuses, veilleuses de morts), les boucs émissaires sont toujours victimes d’une exclusion qui les condamne.

La répression de la sorcellerie est aussi l’expression de la misère ; les « épidémies « de sorcellerie correspondent à des périodes de crise économique ou sociale locale — corrélation entre la chasse aux sorcières et les dévastatrices guerres de religions du xvie siècle, qui demeurent sporadiques au siècle suivant. Ainsi, la Peste noire de 1348 déclenche une vague de sorcellerie en Haute-Provence, de même l’invasion française de la Lorraine entre 1580 et 1633, ou la jacquerie de 1639 en Normandie. En Suède, il n’y a qu’un seul grand procès de sorcellerie en 1670, en Dalécarlie, où une grêle dévastatrice a anéanti la région. En définitive, les « épidémies « de sorcellerie sont l’expression de crises collectives et d’angoisses individuelles lorsque Dieu ne répond pas à l’appel désespéré de ses créatures qui cherchent alors une consolation hors de l’Église.

Inversement, la fin de la répression de la sorcellerie en Europe correspond à un temps où les grandes famines se dissipent, où les paysans recherchent plus la possession de la terre que la promesse diabolique. Enfin, elle cesse partout d’être un culte mystifié lorsque le pouvoir des clergés en place s’estompe : la sorcellerie européenne meurt lorsque meurent les poursuites contre elle.

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