Devoir de Philosophie

Sous quelles formes le passé revit-il dans le présent ?

Publié le 18/03/2004

Extrait du document

D'ailleurs, il est bien douteux que dans nos rêves nous évoquions le passé pour le revivre. Sans doute, les souvenirs alimentent le rêve, et nous sommes bien souvent capables d'expliquer le déclenchement de la fonction onirique par le retour à la conscience endormie d'une impression récemment enregistrée. Mais si les données de la mémoire entrent dans nos rêves comme éléments, l'imagination transforme ces données avec une liberté telle que le produit constitue une création nouvelle. Nos rêves réalisent donc des situations tout à fait originales, et il ne faut pas chercher. en eux une reproduction du passé.Ainsi, le rêve ne vérifie pas deux caractéristiques essentielles au fait psychique dont nous cherchons les diverses formes : ce n'est pas dans le présent qu'il nous fait vivre et ce qu'il nous fait vivre avec une telle intensité ce n'est pas le passé.A l'opposé, le souvenir proprement dit, ce que BERGSON appelait la mémoire-souvenir. Installé consciemment dans mon présent - par exemple, aujourd'hui 4 octobre 2006, à 9 h 30 (premier anniversaire du décès de mon père), occupé à rédiger cette dissertation pour le baccalauréat - je me vois peinant, en juin dernier, à un travail analogue, pour l'examen de Mathématiques. Des images de ce passé voltigent devant les yeux de mon esprit : je revois l'amphithéâtre de la Faculté des Sciences où je composais, le professeur à barbe poivre et  sel qui présidait, quelques candidats dont la tête ou quelque détail vestimentaire m'avait frappé...Mais ce passé, je me le représente : je ne le vis pas.

« extraordinaire et ce souvenir provoque en moi des sentiments plus profonds peut-être que ceux que j'éprouvai aumoment où j'en fus le témoin.

Je n'oublie cependant pas que je suis sur la route et je m'adapte sans y penser auxaccidents du chemin.

Mais ce présent, qui n'offre que peu d'intérêt et ne demande aucune réflexion, n'occupe que leniveau inférieur de ma conscience : c'est le passé qui, durant de longs moments, règne au niveau supérieur; c'est luique je vis ou que je revis.Lorsque je suis absorbé par un travail difficile, par exemple par cette dissertation, je ne saurais me contenter decette attention marginale qui suffit à diriger ma marche dans les rues ou sur la route.

Toute mon attention estnécessaire, et je ne puis pas composer tout en revivant une scène de la veille.

Mais mon esprit ne reste paslongtemps tendu.

Aux moments de détente, durant ces éclipses d'attention après lesquelles je me remets au travailavec un nouvelle provision d'énergie, c'est souvent le souvenir refoulé qui reparaît au foyer de la conscience etretend vie un instant.

Que la détente se prolonge, et ce sera une de ces longues distractions qui me font traiter derêveur.Parfois aussi, au lieu de rêver notre passé, nous abandonnant passivement au jeu des images, c'est d'une façonsystématique et réfléchie que nous cherchons à le faire revivre.On a dit de l'histoire que c'est une résurrection; tout l'art de l'historien consisterait à redonner vie à des êtres raidispar la mort.

Pour cela, on s'isole de ses contemporains, tâchant de se détacher de leurs préoccupations et de leursdisputes; on se cantonne dans l'étude de l'époque que l'on veut faire revivre, vivant soi-même dans l'intimité deceux qui nous en ont laissé quelques vestiges, se posant les problèmes qui hantaient leurs esprits et acceptant lesréponses qui les satisfaisaient.

Peu à peu, l'historien en arrive à reconstituer une civilisation disparue et laressusciter à nos yeux, parce qu'il l'a lui-même revécue.Ce travail de l'historien, nous le pratiquons nous-mêmes quand nous cherchons à préciser nos souvenirs.

Que sepasse-t-il lorsque je me demande où et quand j'ai rencontré ce personnage qui ne m'est pas inconnu.

Je tâche defaire revivre la scène dont il était un élément : c'était un compartiment de chemin de fer, le salon d'une amie oubien une terrasse de café.

Quelques bribes de conversation me reviennent et, peu à peu, tout le thème de ladiscussion qui se rapportait à un événement récent.

Ainsi, grâce au phénomène de la rédintégration caractéristiquede la vie, cette tranche de passé émerge progressivement de l'ombre avec tous ses traits individuels : ce n'est plusun savoir abstrait, mais une représentation concrète qui m'est donnée en spectacle, ou plutôt c'est le passé lui-même que je revis. Nous revivons notre passé, mais c'est dans le présent que nous le revivons; aussi n'est-ce pas le pur passé qui nousrevient, et toute reviviscence reste-t-elle bien imparfaite.

En effet, ce présent qui reçoit en quelque sorte le passécomme la toile reçoit le dessin qu'y appliquent les coups de pinceau du peintre n'est pas, ainsi que cette dernière,un fond neutre ou homogène sur lequel les diverses couleurs conservent leur valeur relative.

Il a son propre dessinqui compose avec celui qu'il reçoit et change constamment.

Ce n'est pas en lui-même que nous revivons le passé,mais dans le présent et fondu avec lui.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles