Devoir de Philosophie

Spinoza (Éthique-IV-Scolie prop. XLV, tome 2, p. 93, Garnier)

Publié le 11/02/2011

Extrait du document

spinoza

« Et ce n'est certes qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir. Car, en quoi convient-il mieux d'apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie? Tels sont mon argument et ma conviction. Aucune divinité, ni personne d'autre que l'envieux ne prend plaisir à mon impuissance et à ma peine et ne tient pour vertu les larmes, les sanglots, la crainte, etc., qui sont signes d'une âme impuissante. Au contraire, plus nous sommes affectés d'une plus grande joie, plus nous passons à une perfection plus grande, c'est-à-dire qu'il est d'autant plus nécessaire que nous participions de la nature divine. C'est pourquoi, user des choses et y prendre plaisir autant qu'il se peut (non certes jusqu'au dégoût, car ce n'est plus y prendre plaisir) est d'un homme sage. C'est d'un homme sage, dis-je, de se réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du gymnase, des spectacles, etc., donc chacun peut user sans faire tort à autrui. Le corps humain, en effet, est composé d'un très grand nombre de parties de nature différente, qui ont continuellement besoin d'une alimentation nouvelle et variée, afin que le corps dans sa totalité soit également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature (...). C'est pourquoi cette ordonnance de la vie est parfaitement d'accord et avec nos principes et avec la pratique commune. « Spinoza (Éthique-N-Scolie prop. XLV, tome 2, p. 93, Garnier)

Quelle est l'idée générale du texte? Seule une grossière superstition, ensemble de préjugés (religieux généralement ou, plus exactement naissant d'une dégénérescence de la religion) contraires à la raison, peut nous éloigner des plaisirs corporels et de la joie, plaisirs et joie qui manifestent notre puissance et notre dynamisme. Plaisir, désir et joie sont bons en eux-mêmes quand ils sont mesurés, et toute idée de mortification ou d'ascétisme répudiant les plaisirs physiques est à mettre au compte de préjugés faux et contraires à la raison.    Le problème posé par ce texte est celui de la nature de la véritable vertu et de l'authentique sagesse. Qu'est-ce qu'être vertueux et la vertu consiste-t-elle à renoncer aux exigences de la vie?   

spinoza

« Éthique-Textes choisis (N.R.F.). Gilles Deleuze Spinoza, philosophie pratique, (p.

37 sq) (Éditions de Minuit). Sylvain Zac La morale de Spinoza (P.U.F.). III.

COMMENTAIRE DE TEXTE Introduction Quelle est l'idée générale du texte? Seule une grossière superstition, ensemble de préjugés (religieux généralementou, plus exactement naissant d'une dégénérescence de la religion) contraires à la raison, peut nous éloigner desplaisirs corporels et de la joie, plaisirs et joie qui manifestent notre puissance et notre dynamisme.

Plaisir, désir etjoie sont bons en eux-mêmes quand ils sont mesurés, et toute idée de mortification ou d'ascétisme répudiant lesplaisirs physiques est à mettre au compte de préjugés faux et contraires à la raison. Le problème posé par ce texte est celui de la nature de la véritable vertu et de l'authentique sagesse.

Qu'est-cequ'être vertueux et la vertu consiste-t-elle à renoncer aux exigences de la vie? Voici l'organisation du texte.

Après avoir exposé sa thèse d'ensemble en trois lignes (Et ce n'est...

ma conviction),Spinoza la justifie par un raisonnement en deux étapes.

Dans la première étape (Aucune divinité...

nature divine), ilsouligne que la tristesse et les affections qui lui sont liées, loin de manifester l'essence divine de l'homme, exprimentson impuissance et sa misère, son moindre-être.

Dans la seconde étape de son raisonnement (C'est pourquoi...

sanature), il tire les conséquences de sa vision du monde et lie Sagesse et plaisirs bien compris, plaisirs de notre corpsauquel il faut donner satisfaction.

La dernière phrase opère un bilan éthique rapide (C'est pourquoi...

commune). 2° Etude ordonnée A) Énoncé de base (Et ce n'est certes...

ma conviction) D'emblée, le texte de Spinoza nous introduit dans unesphère polémique: c'est la superstition qui est traquée et répudiée dans toutes ses manifestations.

La superstition,conçue au sens le plus général du terme comme un ensemble de traditions et de préjugés religieux contraires à laraison, comme une dégénérescence de la religion, comme un culte faux et mal dirigé, naissant de la crainte et del'angoisse humaines, et les entretenant en retour, défend toute participation aux plaisirs.

Cette superstition, faitetoute entière d'avidité et d'angoisse, est à la fois sauvage (ce terme devant être pris en un sens quasi étymologique: sylva-forêt; est sauvage ce qui est à l'état de nature et n'a pas été modifié par l'action rationnelle de l'homme) ettriste (la tristesse se définissant chez Spinoza comme le passage d'une perfection supérieure à une perfectionmoindre, donc comme une dépression que nous éprouvons lorsque notre puissance de vivre se trouve diminuée).

Cespréjugés superstitieux à base de tristesse et d'angoisse nous défendent de participer au plaisir conçu commejouissance liée à la satisfaction des sens et du corps.

La superstition -toujours triste, car il n'est pas de superstitionjoyeuse.

Elle est, en effet, fondée sur la crainte et ne saurait donc être joyeuse - traque les plaisirs, les joies, lesbonheurs physiques et les pourchasse.

Mais il n'est pas plus naturel de désirer mettre fin aux besoins comme la faimet la soif que de répudier la mélancolie.

Il convient de chasser cette mélancolie, définie généralement comme unetristesse accompagnant la réflexion ou le vécu, aussi bien que d'apaiser notre faim ou notre soif.

Ceci constitue pourSpinoza à la fois un raisonnement {argument) et une certitude (conviction). D'emblée, la thèse de Spinoza se situe donc aux antipodes de tout ascétisme, de tonalité platonicienne (cf lePhédon) ou chrétienne.

La suite du texte va permettre de justifier cette conception, comme nous allons le voir. B) Argumentation de Spinoza (Aucune divinité...

de sa nature (...).) a) Première partie (Aucune divinité...

divine). Dans toute cette première partie, Spinoza souligne que, si la tristesse et la mélancolie ne sauraient être érigées ennormes de vie, s'il n'est pas conforme à la raison de répudier plaisirs et joies, c'est parce que la tristesse,contrairement à la joie, n'est aucunement liée à notre participation pleine et entière à la nature et à l'essence deDieu.

Tel est le noyau de l'argumentation spinoziste.

Cette première partie elle-même se divise en deux sous-parties.Dans la première sous-partie (Aucune divinité...

impuissante) Spinoza relie mélancolie et impuissance, tandis que,dans la seconde (Au contraire-divine), il établit le lien entre joie et nature divine.

Examinons d'abord la premièresous-partie.

Il n'y a pas de lien organique entre divinité, c'est-à-dire réalité supérieure transcendante (ou bienimmanente à l'univers) et mélancolie ou impuissance humaine, c'est-à-dire incapacité d'agir et d'extérioriserefficacement son être dans le monde.

Seul l'envieux, c'est-à-dire celui qui est mû par un sentiment de tristesse,d'irritation et de haine contre celui qui possède un bien qu'il n'a pas, peut éprouver du plaisir devant la tristesse, la. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles