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SPINOZA: RAISON ET PASSIONS

Publié le 27/02/2008

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spinoza
Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu'ils n'eussent de désir que pour ce qu'enseigne la vraie Raison, certes, la société n'aurait besoin d'aucune lois, il suffirait absolument d'éclairer les hommes par des enseignements moraux pour qu'ils fissent d'eux-mêmes et d'une âme libérale ce qui est vraiment utile. Mais tout autre est la disposition de la nature humaine ; tous observent bien leur intérêt, mais ce n'est pas suivant l'enseignement de la droite Raison ; c'est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions de l'âme (qui n'ont aucun égard à l'avenir et ne tiennent compte que d'elles-mêmes qu'ils désirent quelque objet et le jugent utile. De là vient que e société ne peut subsister sans un pouvoir de commandement et une force, et conséquemment sans des lois qui modèrent et contraignent l'appétit du plaisir et des passions sans frein.SPINOZA

Le désir pour Spinoza est une puissance d’affirmation de soi. Le désir est source de toute évaluation, la mise en relief du monde à partir des valeurs qu’il produit. Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne. C’est au contraire parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. Telle est la thèse que l’on doit tirer de Ethique, Troisième partie proposition 6.

Selon Spinoza le désir exprime le conatus c’est-à-dire l’effort pour persévérer dans l’être, qui définit l’essence de toute chose : ce que toute chose doit réaliser afin de s’accomplir. Or, le conatus  n’est pas spontanément rationnel, il peut aliéner (égarer) l’homme dans des représentations dilettantes et illusoires qui expriment certes le conatus mais mutilé et réduit en puissance.

Un « Désir par lequel un individu s’efforce de se conserver en vertu du seul commandement de la Raison « Ethique, livre 4, proposition 59, scolie) engendre la joie. Ce à quoi nous enjoint Spinoza de faire est de réaliser notre nature, de l’accomplir au plus haut sens du terme. Mais cela ne peut s’effectuer que si nous persévérons dans notre être et que nous accomplissons le désir de puissance comme expression de la vie même. Tous les désirs ne sont pas pour autant signe de notre puissance d’agir. Seuls les désirs dont nous sommes causes adéquates  mènent à la vertu et donc au bonheur.

Or, constate Spinoza, les hommes ne répondent pas à cet idéal de sagesse. Pour autant Spinoza ne détruit pas toute possibilité pour l’homme du commun d’atteindre la sagesse, il sera contraint à être libre et sage. La loi a en effet pour rôle de contraindre les hommes à la vertu, en suscitant de leur part la crainte. D’où la nécessité d’un Etat suffisamment fort pour contraindre les hommes à la vertu et donc plus paradoxalement à la liberté.

Nous verrons en premier lieu, le décalage entre ce que les hommes sont et ce qu’ils devraient être pour être libres. (De : « Si les hommes étaient ainsi disposés.. « à « …ce qui est vraiment utile «)

Ensuite, nous étudierons en quoi le recours à la loi est nécessaire pour contraindre les hommes à la vertu et à la liberté. (De : « Mais tout autre est la disposition de la nature humaine « à « l’appétit du plaisir et des passions sans frein «)

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« La loi doit contraindre les homme à la vertu Mais selon la seconde partie du texte : « tout autre est la disposition de la nature humaine ».Ainsi la mesure où les hommes sont plus poussés à agir par la passion que par la raison, ce serait folie que d'édifierun Etat dans lequel la liberté reposerait seulement sur la présomption de la raison ou de la bonne foi.

Car constateSpinoza dans ce texte : « tous observent bien leur intérêt, mais ce n'est pas suivant l'enseignement de la droiteraison, c'est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions de l'âme ».Si les passions premières, qui nous poussent à rechercher l'utile, sont la crainte et la douleur et l'espoir du plaisir etdans la mesure où chaque homme ne désire plus profondément que sa propre conservation, la lutte pour avoir unmaximum de plaisir et un minimum de douleurs rend les hommes hostiles les uns aux autres de par leur nature même.Lorsque les hommes se rassemblent pour former des sociétés en s'efforçant de protéger l'existence individuelle grâceà une puissance collective, ils ne changent pas pour cela de nature, ils continuent d'être des créatures mues pardes passions.

Ils continuent à être mus par la crainte et l'espoir, et le danger de haine persiste dans la société.

Pourcette raison, Spinoza souligne notamment le besoin de préserver l'unité à l'intérieur de l'Etat, en faisant appel à « unpouvoir de commandement et à une force ».

L'association politique est naturelle, mais l'une de ses fonctionsprincipales est de soumettre la nature passionnée de l'homme.

Cela s'effectuera de la meilleure manière en jouantsur la primauté de la crainte et de l'espoir.La liberté est conçue dans la sphère pratique comme l'expression intelligente de la puissance humaine.

Spinoza aétudié Machiavel, qui enseigna que les hommes forts pouvaient maîtriser la fortune, même que, grâce audéveloppement d'une méthode efficace, la nature de l'homme (et peut-être la nature elle-même) pouvait êtremodifiée.

Spinoza comme Machiavel soulignent leur intention de s'orienter sur une nouvelle voie, utile parce quepuissante, et puissante parce que fondée sur une compréhension des hommes tels qu'ils ont et non tels que l'onvoudrait qu'ils soient.

En dépouillant l'homme de ses chimères, en partant de l'homme tel qu'il est dans le dénuementde son existence naturelle, la voie nouvelle est moins élevée que la voie ancienne (classique et judéo-chrétienne),qui s'est égarée en visant trop haut.

Le sommet ou la liberté et la vertu fondées sur le contrôle de la nature par lapuissance humaine, ne peuvent être atteints qu'en prenant un point de départ convenablement bas.

Un tel point dedépart préfigure à son tour le remplacement de l'ancien par le nouveau.

Le nouveau sommet, ou le sommet moinsélevé reconnaît la nature dégradée de l'homme, qui est due à la dominance de la passion sur la raison.

Pouratteindre le sommet, il faut que la raison règle la passion.

La passion est réglée le mieux par l'utilisation d'autrespassions : l'homme ne peut être réglée, en somme, qu'au moyen des éléments qui sont communs à tous les hommes.Comme l'expose la seconde scolie de la proposition 37 de l'Ethique : les passions qui éloignent les hommes ne peuvent être combattue que par d'autres passions qui s'y opposent ; c'est donc la crainte des lois, en tant quemenaces de sanction , qui seule peut fonder la société.

Mais c'est rationnellement que les hommes pour leur utilitécommune, en viennent à instituer la société.

S'ils étaient entièrement raisonnables ils n'auraient pas besoin de lois.Car, comme l'expose la fin du texte, ce sont les lois qui « modèrent et contraignent l'appétit du plaisir et despassions sans frein ». Conclusion - Si les hommes ne sont pas vertueux et libres ce n'est pas tant parce qu'ils suivent de façon aveugle le cours deleurs passions mais parce qu'ils n'accordent pas leurs affects avec la raison.

L'approche de Spinoza est en un sensréaliste, puisqu'il ne cherche pas à atteindre absolument l'idéal de sagesse qu'il a défini mais prend les hommes telsqu'ils sont.-C'est dans cette optique qu'il convoque la nécessité d'un pouvoir suffisamment fort pour contraindre les hommes àla vertu et à la liberté.

Certes cette liberté n'est pas celle qui fait des individus la cause adéquate d'eux-mêmes, pour autant elle est un pis aller nécessaire pour faire régner la concorde dans la société.. »

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