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Le Spleen De Baudelaire

Publié le 09/10/2010

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baudelaire

 

1. INTRODUCTION

 

1.1 La vie turbulente de Baudelaire

 

Quand on parle de la poésie de Charles Baudelaire, il est nécessaire de mentionner quelques éléments faisant une partie de sa vie. Toute sa vie, qui était vraiment turbulente, bâtissait son caractère unique. Et ce caractère bâtissait sa poésie qu'on voit maintenant comme un produit formidable de la sensibilité profonde.

Charles Baudelaire est né en 1821 à Paris. Il était le fils d'un disciple des philosophes et amateur de peinture. Un an après la mort de son père, sa mère s’est remariée avec le commandant Aupick, un homme sévère et d'un esprit étroit. Baudelaire n'était pas satisfait de ce mariage et il ne s'entendait pas avec son beau-père. Ils l'ont mis en pension à Lyon, puis au Lycée Louis-le-Grand. À cette époque-là, il éprouve déjà des sentiments qui ne sont pas vraiment habituels pour un enfant. Il montre le cynisme singulier qui vient des mélancolies qui troublent son âme déjà sensible. Il est un enfant solitaire et révolté.

L'enfance difficile est suivie d’une vie de bohémienne. Il passe son temps en lisant beaucoup et en fréquentant des personnages qui vont devenir très importants dans sa vie: Leconte de Lisle, Pierre Dupont, Le Vavasseur. Il se passionne pour Gautier dont il devient le disciple et pour De Maistre. Sa famille intervient et lui propose de partir aux Indes. Pourtant, il ne profite pas de ce voyage du tout. Il reste sur le bateau en se renfermant en lui-même et en littérature. Mais, ce voyage est très important pour son œuvre, car il reconnaît ici sa sensibilité qui va marquer presque toute sa poèsie. L'exotisme, la mer et le soleil qui l'entourent deviendront des éléments de ses poèmes.

Quand il est revenu à Paris, en obtenant une partie de l'heritage de son père, il commence à mener une vie pleine de l'élégance materielle selon son idéal de dandysme. La femme qu'il recontre et qui va marquer sa vie est Jeanne Duval. Elle présente la période heureuse de sa vie turbulente. Mais, à cause de sa famille, il ne peut plus garder tout son argent et commence à vivre dans la misère. Cela ne l'empêche d'abuser de l'opium et du hachich. C'était pour s'échapper à cette vie désespérée. Pour pouvoir vivre il écrit les critiques d'art. En 1848., il veut prendre parti pour la Révolution, mais il n'a pas assez d'enthousiasme. Vers 1852., il découvre l'œvre d'Edgar Allan Poe. Poe écrit des poèmes et des contes pleins de mysticisme où il trouve le génie pareil que le sien. En 1857., les Fleurs du Mal paraît, le recueil qu'il écrit pendant cinquant ans.

Puis, il s'exile en Belgique. Il éspère qu'il y va trouver quelque chose qui le sauverait la vie qu'il menait, mais il y tombe gravement malade et il doit revenir à Paris où il meurt 1867., frappé de paralyse générale.

Même s'il y avait quelques moments brilliants, la vie de Baudelaire était malheureuse. Lui-même, il a dit: "Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, traversé ça et là par le brilliants soleils." Tous les domaines de sa vie étaient marqués par une souffrance profonde: la situation materielle, la carrière qui n'était pas comme il désirait, les amours sans succès, les problèmes physiques et avant tout, les troblements concernant son moral perdu dans la solitude perpetuelle. Tout cela provoque son Spleen auquel il ne pouvait s'échapper.

 

1.2 Le rapport avec le romantisme 

Dans un certain sens, on peut considérer Baudelaire comme un héritier du romantisme. Baudelaire, comme des romantiques, se sent étranger dans le monde. Il ne se sent pas bien parmi les gens qui ne le comprennent pas. Il est seul et isolé parce que sa sensibilité fait de lui un homme différent. Pourtant, il ne l'est pas au sens littéral. Non seulement que les sujets ne sont pas les mêmes, mais aussi la conception du lyrisme est tout à fait différente. Ce qu'on voit chez les romantiques c'est le lyrisme facile et l'exaltation du Moi. Chez Baudelaire, la malédiction domine et l'homme devient condamné à ce qu'on appelle "le Spleen". Comme les romantiques, il sent aussi le tragique de la vie. Mais, il se comporte d'une façon tout à fait différente. Au lieu de se plaindre mélancoliquement et nostalgiquement il se lie avec ce mal. Les romantiques veulent s'enfuir de ce mal, il plongent dans les rêves, dans les larmes, ils s'adressent à Dieu et ne font rien pour découvrir ce que c'est qu’un mal. Donc, Baudelaire accepte cette infortune, et chez les romantiques on sent la lassitude du monde.

Pierre Martino a témoigné: "Il avait beaucoup moins que Leconte de Lisle subi l'influence des grands courants intellectuels du temps; son génie fut plus originel et sa formation plus spontanée."

 

2. PRÉSENTATION DU SPLEEN CHEZ BAUDELAIRE

 

2.1 La dépression du poète et le Spleen originel

 

Il faut expliquer d'abord de quoi il s'agit quand on dit "Spleen", dans un sens psychologique. Un psychologue, Galien, distinguait trois types de personnalité humaine, c'est-à-dire de temperament. Chaque personnalité a son fluide principal et elle est influencée par ce fluide. Le type flégmatique est influencé pas la muosité, le type colérique par la bile; le type sanguin par le sang et le type mélancolique par la rate (en anglais, par le "spleen").

Le phènomene du Spleen se montre dans le recueil Fleurs du Mal. Pourtant, on peut le sentir dans l'œuvre entière de Baudelaire. Chaque poème, chaque vers de ces poèmes est marqué par un sentiment unique de la détresse. C'est la détresse qui étouffe tout son être, à cause de laquelle il se sent exclu de ce monde où il ne voit que le mal. Le poète est conscient qu'il existe beaucoup de raisons pour sa détresse. C'est pourquoi il n'arrive pas à trouver des solutions. Sa vie est déchirée par des sentiments inexplicables et dangereux. Donc, il y a pluisieurs éléments de son spleen.

Dès le moment où le poète est devenu conscient du monde qui l'entoure, le dégoût pour ce monde est réveillé en lui. Bien sûr, on peut expliquer cela par "le mal du siècle". Mais la poésie de Baudelaire est différente de celle de Lamartine ou celle de Vigny. Il est plein de la détresse comme eux, mais il est plus actif qu'eux, dans ce sens qu'il accepte tout ce qui lui arrive. Il n'a plus de larmes aux yeux. Ce qui est important c'est qu'il ne montre rien, son extériorité est tout à fait calme, mais tout le malheur reste en lui-même. C'est pouquoi il sent l'écrasement de l'être qui constitue l'état du Spleen. Après quelques efforts d'oublier ou de vaincre ses malheurs, il voit qu'en fait, c'est impossible de faire quoi que ce soit pour se débarrasser de ses maux. Le poète, un être sensible, est envahi par la sensation d'étouffement. Tout ce qui se passe dans ce monde, ce qui ne l'accepte pas et ce que lui, n'accepte pas non plus, le serre et il devient victime de ce monde cruel ou de ses sensations. Le sentiment qui domine ici et qui est peut-être le plus dangereux est le sentiment d'impuissance. Il voit très bien qu'il est seul et que le monde est beaucoup plus fort. Tout ce qui lui reste est de se renfermer dans son être déjà renfermé pour tout le monde. L'exemple pour cet élément du Spleen est le poème "La Cloche fêlée" de la partie "Spleen et Idéal". Le poème est plein de contrastes et de comparaisons qui contribuent aux expliquations de la douleur. On y voit l'étouffement progressif par le son d'une cloche. Cette cloche évoque des "souvenirs lointains". Puis, le poète s'identifie avec la cloche. Il voit lui-même comme quelque chose de fêlé et blessé. D'abord, on entend le son très bien; on entend qu'elle "jette fidèlement son cri religieux". Au moment où le son de la cloche devient le son de son âme, il devient faible et non plaisant. Ce sont la nostalgie et la détresse qui résonnent.

Puis, les sensations du Spleen deviennent de plus en plus graves. Spleen engendre l'existence désolée par l'Ennui. C'est le moment où le poète crée un nouveau monde - un monde à lui. Conscient que c'est impossible d'être la partie d'un vrai monde, d'y trouver la raison de vivre, d'être compris par les autres, il plonge dans cet Ennui qu'il crée lui-même. Mais, il n'analyse pas son être. Il ne se demande pas pourquoi c'est comme cela ou s'il existe une façon d'être heureux et content. Le Spleen est trop fort pour cela. Il s'agit ici de mettre en question son être et cela peut faire seulement, on doit admettre, un grand esprit. Il contemple sa situation par rapport aux autres. Bien que les autres ne soient pas capables de le comprendre, il est capable de comprendre tous ceux qui sont tout à fait différents de lui-même, pour lesquels il pense que ce sont des gens mauvais et qu'il déteste souvent. Il connaît ceux qui se moquent de l'écrivain et qui le tourmentent, les femmes qui vendent son corps, ceux qui aiment les plaisirs dangereux et pas naturels. Quand même, ces personnages restent derrière les murs qui entourent son monde. Il contemple, il est désenchanté, mais il ne se plaint pas ni essaie de faire quelque chose pour devenir la partie de ce monde. Il sent qu'il n'y va jamais trouver sa place. Le Spleen dont il est envahi entièrement ne lui permet pas de bouger, de faire un pas vers les autres gens. Mais, le Spleen lui donne de la force et de l'inspiration de sentir profondement, malgré la mélancolie toutes sortes de sentiments - il aime, il est malheureux, il déteste...

Donc, c'est plutôt lui-même qu'il analyse - ce personnage d'un désenchanté qu'il déteste un peu. Il le fait avec une sorte d'ironie et sans aucune compassion. On y voit, donc, deux personnages: un génie puissant et un malheureux unifiés dans un homme. Pourquoi contemplait-il tellement lui-même? On peut parler ici du poète maudit. Les déceptions étaient nombreuses dans sa vie: sentimentales, politiques etc. Mais la raison la plus grande pour être déçu est lui-même. Les plans qu'il n'a pas réalisés étaient son désastre personel. Tous les échecs et toutes les déceptions sont devenus un grand écrasement qui est la source du pessimisme de Baudelaire. La malédiction du poète n'est pas seulement une différence ou un malentendu entre lui et les autres, c'est surtout quelque chose qui se trouve profondement en lui.

Ce que cet Ennui engendre c'est la solitude morale. Premièrement, il regarde ce qui l'entoure - la ville de Paris. Baudelaire donne l'atmosphère de la grande ville, d'une foule de gens. Il était très attaché à Paris et c'était par une double connection: par l'amour et par la haine. Il en parle comme de l'enfer et comme d'une ville de rêves. Son attitude est contradictoire: Paris est un endroit où il a souffert, mais aussi un endroit dont il ne pouvait pas se passer. Quand il écrit sur Paris, il parle de tout ce qu'il voit: les passants, leurs silhouettes, mais ce sont surtout des déscriptions ténébreuses. On a l'impression qu'il croit que chacun de ces passants est son ennemi. Il regarde, il écoute de son coin que les autres ne voient pas, car il ne veut pas entrer dans cette foule. Il sent qu'il est différent et qu'il sera puni à cause de cela; il y a deux raisons pour lesquelles il est incompris: le fait qu'il est poète et le fait qu'il est un homme trop malheureux. La première raison est confirmée dans "L'Albatros". Il s'identifie avec l'albatros qui est un oiseau grand et puissant. Mais il se trouve sur le sol et maintenant, il est ridicule et voué aux moqueries des matelots. Le poète se sent ainsi parmi les gens. Il est déstiné à voler, à être au-dessus des autres gens. Mais "les autres" sont la foule cruelle et il est trop sensible pour pouvoir resister. Même la mère de poète a dit dans "Bénédiction":

 

- "Ah! Que n'ai-je mis bas tout un nœud de vipères,

Plutôt que de nourrir cette dérision!"

 

Le Poète est destiné à être doué, beau et puissant, mais aussi mal compris et malheureux. 

La solitude qui vient du mal de poète est peut-être plus grave, parce que ce mal se trouve en poète même et c'est plus difficile de resoudre des problèmes qu'elle provoque. Comme un poète incompris, il peut se cacher quelque part loin des regards des gens ou après tout, en lui-même. Mais, c'est impossible de se cacher de ce monde intérieur. C'est le monde où règne la Douleur à laquelle il s'adresse dans le sonnet "Recueillement". Le Soir est la partie du jour, quand tout se calme et le poète se sent plus tranquille aussi. Pendant qu'il regarde "des mortels la multitude vile", il appelle sa Douleur d'aller avec lui loin d'eux, dans la Nuit. La Nuit est encore plus tranquille et le noir peut cacher tout ce qui est laid. "Le Soleil moribond" couche "sous une arche" et la Nuit douce vient. Il est plus heureux de voir le noir que le jour brillant ce qui va tout à fait avec son état de Spleen. La Douleur est son amie, même plus que cela, elle est "sa chère" avec qui il marche la nuit. Le climat d'apaisement témoigne que les sentiments et les réactions du poète sont toujours guidés par le Spleen.

Le spleen donne au poète la haine pour tout le monde, pour la vie et par cela un sentiment particulier pour l'être qui donne la vie - l'inimité pour la femme. On pourrait même dire que la femme est coupable pour cela, parce que la vie et l'existence sont la souffrance et la chute. C'est pourquoi Baudelaire voit l'amour physique entre l'homme et la femme comme un duel. Dans le sonnet "Duellum", l'amour physique est présenté comme une guerre. Les deux amants sont des guerriers. On y voit même les épées, le sang. Mais, il pressent que la fin de ce duel sera un échec, que tout les deux vont finir dans l'abîme. Il sent son amour comme un péché, comme quelque chose de mal. Il n'y a pas de tendresse ici, tout au contraire; ils sont cruels et brutals. L'amante de poète n'est pas une femme tendre et fine, elle n'a pas de féminité, elle est une amazone à qui il dit:

 

"Roulons-y sans remords, amazone inhumaine,

Afin d'éterniser l'ardeur de notre haine!"

 

La sexualité de Baudelaire, sous l'influence de l'état du Spleen, est visiblement marquée par le sadisme avec des éléments du masochisme. Être avec une femme et se sentir heureux, cela signifierait la réconciliation avec la vie et avec la nature et ce sont les choses qu'il méprise. (On sait que Baudelaire pensait que la nature cause le crime). L'acte de l'amour présente la chute de l'être. Il la lie avec la dégradation et la défaite. Comment on comprend la femme dans la tradition y contribue aussi, mais ce qui est surtout important c'est la position dépendante de la femme dans la société du temps de Baudelaire. Les femmes avec qui il vivait et qu'il aimait, étaient celles du fond de cette société. C'étaient les femmes qui vendaient leur corps, toutes sortes de prostituées. La femme est donnée comme un objet qui cause le mépris et la haine. Mais, Baudelaire est l'homme qui est dépendant de l'amour et la sensation double est née de nouveau. La femme est l'objet de son amour et de sa haine. Il connaît et il méprise cette "femme impure". Pourtant, il est conscient qu'il ne peut pas se passer d’elle et il admet qu'elle est puissante et qu'elle règne non seulement en lui, mais aussi dans le monde entier. Elle est "buveur du sang du monde", pleine de péchés, mais elle est cette femme réelle qu'il peut avoir et à laquelle il s'adresse:

 

"Ô fangeuse grandeur! Sublime ignominie!"

 

L'amour doit être définitivement considéré comme la source du Spleen. 

Baudelaire fait la différence entre l'amour réel, c'est-à-dire, avec des femmes prostituées ou avec des femmes faciles et l'amour idéal qu'il voit comme une solution des problèmes causés par le Spleen. Mais, l'impression dominante est que la passion est une force déstructrice, comme quelque chose qui puisse détruire l'humanité. "L'Amour et le Crâne" présente l'image redoutable du triomphe de la passion incarnée dans le personnage d'Amour. L'Humanité est devenue seulement un crâne. Elle est épuisée et fatiguée de l'effort de la passion. La passion, fléau du monde, est appelée "le jeu féroce et ridicule". La cervelle, le sang et la chair de l'homme sont éparpillés dans l'air. Donc, l'amour et la passion sont assis sur le trône qui est la tête de l'Homme, car ils ont pris tout ce qui valait en lui et surtout son âme.

Le Spleen occupe de plus en plus de place dans l'âme du poète. Son être devient déchiré par tout ce qui constitue le Spleen. Les sentiments qu'il éprouve sont l'annonce de "l'hiver de son corps" et de son âme. Il souffre physiquement et mentalement. Le poème "Chant d'automne" est représentatif. Le poète se trouve quelque part sur la frontière entre deux mondes: le monde de la lumière qu'il abandonne et le monde ténébreux où il va. Il sent déjà le vent de l'hiver et son cœur devenant un bloc glacé. Ce n'est pas seulement son corps qui est détruit, mais aussi son esprit qui tombe comme une tour. Il pressent aussi sa mort, car il entend qu'on cloue un cercueil; il pose la question: "Pour qui?", mais il ne répond pas - il est sûr que c'est pour lui. Dans la deuxième partie du poème, il se trouve auprès de la femme qu'il aime, mais il lui dit que son amour ne vaut plus. Quand même, il veut qu'elle l'aime, car il croit qu'il ne lui reste trop de temps et que la tombe l'attend. Il veut se souvenir, auprès de cette femme, de sa jeunesse et de jours lumineux et heureux. Il commence le sonnet "L'Ennemi" pour se souvenir de sa jeunesse. Il la présente comme une période orageuse, après qui il ne reste presque rien. L'automne de sa vie est venu et il a envie de "rassembler à neuf les terres inondées". Il doute que les fleurs nouvelles peuvent y être. Son ennemi ici est le Temps qui lui cause la douleur. Mais, ce n'est pas la même Douleur qui était son amie avec qui il voulait partir. La Douleur ici est le sentiment négatif qui vient de la déception du cœur rongé.

Le pas suivant vers le trône du Spleen fait l'état des malaises et des hallucinations qui vont jusqu'aux limites de la folie. Le poète est tellement déçu, il est tellement plongé dans le noir qui est sa vie, qu'il est sûr que c'est Satan qui planifie tout. Satan de Baudelaire est différent de celui des romantiques. Il n'est pas un personnage, il est plutôt la présence sans aucune forme. L'existence du poète est le champ où deux forces très fortes, Dieu et Satan, luttent pour la suprématie. En même temps, l'homme même a deux aspirations: vers le ciel et vers l'enfer. Pourtant, dans un poème, "La Muse malade", Satan est visible, il n'est pas seulement présent. Il est un "succube verdâtre" et "le rose lutin". (Le succube verdâtre est un mauvais esprit qui apparaît sous la forme de la femme; mais, puisqu'il s'agit de la Muse, on croit que le poète pensait à un esprit mâle). Il empêche la Muse à avoir une pensée claire, il la fait malade. Le poème où l’on voit mieux comment le poète est envahi par les pensées sur Satan qui est devenu son Dieu est "Les Litanies de Satan". C'est une prière où il mentionne tous les gens qui vivent dans le péché ou les malheureux qui sont protégés par Satan: des lepreux, des "parias maudits", des proscrits, des ivrognes, des hommes frêles. Il se voit parmi ces gens qui sont guidés et gardés par le Diable. C'est intéressant qu'il s'adresse à lui avec des mots: "Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges." C'est lié avec la conception de la beauté chez Baudelaire. Dans la beauté, il voit quelque chose satanique; elle est triste et indéfinie. Il considère que le type de la beauté est lié au malheur et Satan de Baudelaire est en même temps le createur du mal et de la beauté. 

Pensées macabres et cruelles s'amassent. Les forces du poète sont épuisées et il n'a plus de désirs. Il est impossible de trouver quelque chose qui puisse l'occuper. Il ne lui reste que de penser à la mort ou de se rapeller les temps anciens. Mais, tout ce qu'il a, c'est trop vieux et ne sert à rien. Le poème "Spleen: J'ai plus de souvenirs..." est le reflet de la vie du poète. Sa vie est en effet "un gros meuble" qui est plein de choses les plus différentes. Il y en a qui sont douloureuses: des morts, des remords qui traînent comme des vers, des roses fanées; c'est pourquoi il le compare avec un immense caveau ou une fosse commune. Il y en a qui sont plus tendres: des rommances, les pastels plaintifs. L'image du cimetière et de la lune est présentée dans une manière tout à fait différente de celle des romantiques. Chez eux le cimetière est doucement éclairé par la lune. Chez Baudelaire, il est "abhorré par la lune". Les images de la mort dans toutes les formes sont nombreuses et elle annonce les ruines définitives de l'âme du poète. Tout se trouve dans un cri:

 

"Désormais tu n'es plus, ô matière vivante!"

 

Le dernier pas vers la mort de l'esprit et le triomphe du Spleen est l'obsession précoce de la vieillesse et de la mort. Le poète entend déjà des marches funèbres. Tout se qui est beau sera enseveli - "maint joyau", "maint fleur". Ce sont des éléments de son "Guignon". Il ne va pas aux sépultures célèbres, mais dans un cimetière isolé. C'est intéressant de voir qu'il est quand même conscient que la Beauté existe dans ce monde, ce sont ces joyaux et les fleurs. Mais la beauté reste cachée dans l'oubli où elle épanche ce qu'elle a à regretter. Le reste vieillit. Donc, il lui reste de se souvenir de tout ce qui constituait sa vie, de chaque moment. Ce qui lui dit: "Souviens-toi", c'est l’horloge présentée comme "dieu sinistre". Tout le poème "L'Horloge" est l'avertissement d'une horloge pour l'homme de penser de moments importants. Le temps qui est "un joueur avide" gagne sûrement. C'est l'homme qui perd tout. C'est toujours comme cela, car tout est un cercle - la poète dit que c'est la loi. La vertu meurt avec l'homme aussi. Donc, le temps est un de plus grands ennemis de l'être humain, parce qu'il lui apporte la vieillesse et la mort. On doit avouer que c'est un peu étonnant que le poète comme Baudelaire est triste et déçu par le fait qu'il doit mourir. Il ne veut pas quitter la vie, bien qu'il ne soit pas content de son existance. On peut considérer cela comme inexplicable, mais il existe une autre manière pour le poète de comprendre la mort. On va expliquer cela en parlant des façons pour arriver jusqu'à l'Idéal. 

 

2.2 L'aspiration vers l'Idéal

 

Les poètes romantiques se trouvaient dans l'état de la tristesse profonde. Mais, il nous semble qu'il ne faisaient rien pour se débarasser de cet état. De l'autre côté, nous avons Baudelaire qui voulait sauver son esprit de la chute totale. Dans tous ses poèmes, même que l'impression dominante est le ténébreux intérieur de l'âme du poète, il existe un élément qui témoigne du fait qu'il souhaite la salvation de son être. Bien qu'il soit parfois empêché par la détresse de faire quoi que ce soit et bien que l'Ennui le guide aux pensées très souvent vraiment noires, il est préparé à trouver les moyens pour éviter cette chute. C'est vrai que, par  ces moyens, il ne fera que de la repousser ou tout simplement de l'oublier pendant un certain temps.

La première façon de vaincre la tristesse et la douleur est l'amour - surtout l'amour physique. On a dit déjà qu'il aimait las femmes faciles. Il aimait s’occuper de contempler la beauté de la femme. Ses cheveux, ses yeux, sa peau, tout cela réveille en lui le sentiment qu'il est vivant. L'acte de l'amour est le moment quand il oublie sa vie entière. Et puisque sa vie n’est qu’un échec, il oublie être un homme qui n'est pas satisfait de lui-même. Mais, comme tous les plaisirs de cette sorte, l'amour avec une femme qui n'est pas vraiment aimée, ne dure pas longtemps. Lui-même non plus, il n'espère pas que ces moments puissent le sauver pour toujours. Il est conscient que le plaisir va passer et que l'Ennui est immortel - il va rester pour toujours. Même qu'il nous semble parfois que le poète ne touche pas la vie sauf celle qui est intérieure, il sait que le péché existe et il le trouve dans l'amour. Pour cela, il méprise la femme et lui-même aussi, mais il sait qu'il ne peut pas être sans cette femme. Dans ses bras, il dit qu'il oublie sa vie assez malheureuse et même le fait qu'il est déjà vieux.

Une grande partie de sa poésie occupe l'histoire des "paradis artificiels". Ce sont les moyens les plus utilisés par Baudelaire dans l'évasion de l'Ennui ou de lui-même. Il les appelle les paradis, car il les voit comme un autre monde, beaucoup mieux que le monde réel. C'est un monde sans aucune pensée négative, où il ne pense pas à Satan, où il est complètement calme. Il les appelle "artificiels", car il sait que cet univers parallèle n'est ni vrai ni réel. De plus, l'état causé par ces moyens ne peut pas durer longtemps. Ce sont des plaisirs superficiels qui ne peuvent pas emporter la victoire dans le jeu contre le Spleen. L'état dont on parle est l'ivresse dans tous les sens du mot. Il veut causer les sentiments tellement forts qu'il peuvent changer son être. Dans Petits poèmes en prose, il dit: "Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve." Et comment va-t-il s'enivrer? Une de moins dangereuses jouissances est le tabac. Dans "La Pipe", c'est la pipe "d'un auteur" qui parle et qui explique ce qu'elle représente pour son maître. Il la prend "quand il est comblé de douleur". Donc, le tabac lui sert comme un remède quand il se sent impuissant, car il "guérit de ses fatigues son esprit". L'image est en même temps tendre et effrayante. L'âme du poète est bercée par le feu, mais aussi la pipe fait un réseau où se trouve l'âme. Ce réseau qui se fume est quand même une association pour quelque chose de diabolique et lié au péché. C'est un remède qui empoisonne.

La partie de Fleurs du Mal intitulée "Le Vin" a quatre poèmes consacrés à cette boisson. C'est le deuxième remède pour la maladie causée par le Spleen. Pourtant, Baudelaire a donné des différents effets du vin. Dans le premier poème "L’Âme du Vin", c'est le vin qui parle. Il nous semble que le vin est l'ami du poète qui veut l’aider à surpasser les malheurs. Le vin ne donne pas seulement la force à l'esprit, mais aussi il améliore l'état physique des gens. La femme qui le prend aura l'allure dans ses yeux et le fils deviendra fort. Mais, le vin peut causer des effets négatifs. Dans "Le Vin de l'assassin", le vin consumé par un homme tuant sa femme qui l'empêchait de prendre de l'alcool. Il l'a assassiné cruellement:

 

"Je l'ai jetée au fond d'un puits,

Et j'ai même poussé sur elle

Tous les pavés de la margelle

-Je l'oublierai si je le puis."

 

Il a comis un crime sous l'effet du vin et pour le vin. Il veut s'abandonner au délirium, il veut dormir comme un chien. L'alcool est devenu son maître. Le mot clé dans ce poème est "libre", parce que l'homme le devient après la consommation de l’alcool. Il est libre de faire ce qu'il veut, n'ayant plus d'obligations pour personne. Il peut, avec le vin, plonger dans le monde qu'il appelle idéal, mais qu'il est plein de péchés. Il l'accepte volontiers.

Un élément de sa poésie et aussi un élément de sa vie est la consommation de l'opium. Baudelaire ne buvait trop d'alcool dans sa vie. Le haschich n'était pas son obsession non plus. Mais il a pris de l'opium pendant longtemps. Au début, c'était par le conseil médical; avec le temps, il devient habitué tellement qu'il devient dépendant. Lisant "Le Rêve parisien", on ne peut même pas reconnaître Baudelaire comme l'écrivain. Les paysages qu'il voit après avoir pris l'opium sont tout à fait différents de ceux qui dominent dans les autres poèmes de Baudelaire. Tout à coup, on voit Babel, le palais infini, les cascades, l'or, les quais roses et verts, le tunel des pierreries... L'unique sens que le poète possède est la vue et il est entouré par le silence. C'est intéressant que c'est le paysage qu'il voit, car il ne parlait jamais de la nature. Dans la nature étrange qu'il voit, il n'y a point de gens. Comme si tout ce qui vaut et tout ce qu'il aime voir n'a rien à faire avec des gens qu'il déteste. Il y a seulement beaucoup de couleurs vives, contrairement à Paris noir et triste. Mais, qu'est-ce qui se passe quand il a ouvert des yeux? Autour de lui il n'y a rien que la chambre pauvre et les soucis de chaque jour qui viennent de nouveau. Le contraste évident est tellement fort qu'on lie l'état bienfaisant à l'opium et on le voit comme un moyen pour se transmettre au-delà de la réalité terrible. Mais, ce n'est pas la solution pour toujours? C'est artificiel et ça ne fait pas la partie ni de l'esprit, ni du caractère, ni de la vie du poète. La détresse est tellement profonde en lui, que les "paradis artificiels" peuvent seulement la neutralser mais non l’effacer.

Maintenant, il est évident que, restant à Paris, c'est impossible de s'échapper. Il est prêt à essayer avec d'autres choses, graçe auxquelles, il peut partir loin de ce qui lui arrive dans sa ville. Il songe aux évasions physiques. Le voyage est celle qui est le plus possible. Il rêve des pays lointains et exotiques. Dans "La Vie antérieure" il se souvient des jours passés peut-être sur une île exotique. De nouveau, il décrit la nature formidable, pure, sans aucun être humain. Il est calme et tranquille et sent la joie en regardant les couleurs et en écoutant les accords que font les vagues. Même là, étant sur cet endroit parfait, il porte un secret douloureux qu'il ne peut pas oublier.

Finallement, il existe un dernier espoir dans la guerre contre le Spleen. C'est le dernier voyage du poète déçu - le voyage dans la mort. La mort apporte tout le monde vers ses buts. Ceux qui ne pouvaient pas se débrouiller dans la vie et pour qui c'était impossible de montrer leurs possibilités ou leurs émotions, doivent quitter la vie et commencer à chercher l'esperance dans le monde. Souvent, quand Baudelaire dit "voyage", on n'est pas tout à fait sûr s'il pense à un vrai voyage ou à la mort. Parfois, il appelle quelqu'un d'aller avec lui, mais d'un ton triste, comme s'il n'est pas vraiment heureux qu'il doit partir, bien qu'il sache que la joie l'attend là-bas. Ce que le poète désire connaître, c'est l'Inconnu, il veut trouver le nouveau. Dans la huitième partie de "La Mort", on voit combien il est décisif de partir:"Verse-nous ton poison pour qu'il nous renconforte!", dit-il à la mort. Il le dit au nom de tous ceux qui sont tourmentés par l'angoisse, qui ne peuvent pas trouver quelle que soit la joie.

 

2.3 Le retour au Spleen

 

Le tabac de la pipe disparaît, le vin peut être dangereux, l'opium nous donne une image fausse de la réalité, le voyage n'est par toujours possible et la mort ne peut pas être prévue. Le Spleen peut-il être complètement vaincu par ces moyens? L'état de l'âme sous l'influence du Spleen est quelque chose qui est tellement fort qu'il devient un élément du caractère de l'homme. Spleen le rend très fragile, incapable de se débarasser des maux. On a vu qu'il y a un moment où le poète décide de se sauver. Il a même choisi les moyens pour ce sauvetage. Mais, il nous semble qu'il n'a pas vraiment de confience dans ces moyens. À la fin de chaque poème qui parle sur un essai d'évasion, on ne sent pas qu'il arrive vraiment à ce qu'il veut. Même si l'évasion existe, elle ne dure pas longtemps. Il se réveille et sait qu'il se trouve dans la même condition qu'avant. On a parlé beaucoup de l'état du rêve et de la réalité. Mais, la conclusion qu'on tire après tout est que l'unique réalité est le Spleen même. Peut-être, Spleen est-il devenu un élément important du caractère du poète - il est habitué à vivre avec une sorte de détresse et tout ce qu'il voit est marqué par une angoisse insupportable. Donc, ce n'est pas seulement le milieu qui influence sur son état d'âme, c'est aussi son système psychologique et mental. Le Spleen reste invincible après tout. On voit le poète maintenant, fatigué de la vie, d'un grand nombre d'essais de ne pas vivre, de lui-même. L'être du poète, faible et fragile est brisé par l'ennemi qu'il connait, mais auquel il ne pouvait jamais se confronter - le Spleen puissant.

 

3. CONCLUSION

 

En cherchant l'univers pour lui-même, Baudelaire a découvert un univers nouvel et vraiment admirable. Il a pris sa douleur et l'a montrée à tout le monde d'une façon inexplicable. Il l'a cachée derrière un grand nombre de symboles en la présentant tantôt sous le masque d'une femme, tantôt comme un produit de Diable, tantôt comme une amie inséparable. Malgré ces symboles qui régnent dans sa poésie, nous sommes capables de reconnaître les nombreux sentiments qu'il éprouve: de sentir avec lui la peur quand il voit le crâne ruiné par l'Amour, l'exitation devant les paysages lumineux, le mépris pour les gens qui ne reconnaissent pas la valeur, l'ivresse d'un bon vin. C'est excitant de voir comment un poète et un malheureux deviennent une seule personne et nous, après avoir lu un poème, restant en dilemme: est-ce que nous allons regretter le poète triste ou on va le célébrer comme un être supérieur. Il nous semble que le Spleen a tout détruit, mais la seule chose qui a survecu est le talent du poète pour se confronter aux maux et avant tout de modeler cette douleur dans la poésie impressive et formidable. Cela l'a fait tellement courageux et différent. C'est à cela qu'Alfred de Musset pensait quand il a dit: "Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur."

 

LITTÉRATURE

 

     1. BAUDELAIRE Charles, Les Fleurs du Mal, Librio, Paris, 2003.

 

2. RAYMOND Marcel, De Baudelaire au surréalisme, Librairie José Corti, Paris, 1952.

 

3. MARTINO Pierre, Parnasse et Symbolisme (1850-1900), Librairie Armand Colin, Paris, 1954.

 

4. MORNET Daniel, La littérature française enseignée par la dissertation, Librairie Larousse, Paris, 1936.

 

5. CASTEX P.-G.; SURER P., Manuel des études littéraires françaises, Librairie Hachette, Paris, 1966.

 

6. RIPPERT Pierre, Dictionnaire des citations de langue française, Maxi-Livres, Paris, 2002.

 

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