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Suffit-il de communiquer pour dialoguer ?

Publié le 01/02/2004

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Nous nous trouvons là sur le terrain de facultés proprement humaines. Si l'on suit la thèse bergsonienne, l'homme a capacité à communiquer avec ses semblables dans le but d'agir sur le monde qui l'entoure, de manière utilitaire : le dialogue se définit-il de la même façon, dans une acception purement utilitaire ? Ou est-il autre chose que la communication à visée pratique ? Il semble bien que le propre du dialogue soit de se détacher de la vocation utilitaire pour élaborer de nouvelles idées. Alors, la communication est nécessaire, mais nous suffisante, pour fonder le dialogue.

La question « suffit-il « demande de décider si une condition posée est suffisante ou non pour provoquer tel ou tel effet. Ici, la condition interrogée est « communiquer «, l'action visée est « dialoguer «.

« Communiquer «, c'est, à la lettre, faire en sorte qu'une pensée, qu'une idée, qu'un affect, deviennent communs : celui qui communique cherche à former une communauté de compréhension avec celui à qui il adresse sa communication.

« Dialoguer « a un sens plus précis. Etymologiquement, c'est parler, raisonner (du grec « logein «) à deux (« di «), c'est échanger des idées par le biais du langage, de la discussion, dans le but de mieux comprendre des idées ou d'en élaborer de nouvelles. (cf. les dialogues « socratiques «).

La question est donc la suivante : la démarche de communication avec l'autre, comprise comme effort pour lui faire comprendre et partager une pensée, et posée comme nécessaire à cet effort, est-elle suffisante pour établir avec lui une discussion des points de vue, un travail commun des idées ? Si ce n'est pas le cas, quelles sont les conditions d'existence du dialogue qui manquent à la communication ?  

 

I. Les difficiles conditions d'existence du dialogue et de la communication

II. La fonction communicative du langage est-elle une fonction de dialogue ?

 

III. La détermination rationnelle de la communication comme condition du dialogue

 

 

« Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception Autrui ou moi, il faut choisir, dit-on.

Mais on choisit l'un contre l'autre, et ainsion affirme le conflit.

Autrui me transforme en objet et me nie, je transformeautrui en objet et le nie, dit-on.

En réalité le regard d'autrui ne me transformeen objet, et mon regard ne le transforme en objet, que si l'un et l'autre nousnous retirons dans le fond de notre nature pensante, si nous nous faisons l'unet l'autre regard inhumain, si chacun sent ses actions, non pas reprises etcomprises, mais observées comme celles d'un insecte.

C'est par exemple cequi arrive quand je subis le regard d'un inconnu.

Mais même alors,l'objectivation de chacun par le regard de l'autre n'est ressentie commepénible que parce qu'elle prend la place d'une communication possible.

Leregard d'un chien sur moi ne me gêne guère.

Le refus de communiquer estencore un mode de communication.

La liberté protéiforme, la naturepensante, le fond inaliénable, l'existence non qualifiée, qui en moi et en autruimarque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, maisne l'anéantit pas.

Si j'ai affaire à un inconnu qui n'a pas encore dit un seulmot, je peux croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mespensées ne sont pas dignes de figurer.

Mais qu'il dise un mot, ou seulementqu'il ait un geste d'impatience, et déjà il cesse de me transcender : c'estdonc là sa voix ce sont là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyaisinaccessible.

Chaque existence ne transcende définitivement les autres que quand elle reste oisive et assise sur sa différence naturelle. Merleau-Ponty Dans l'expérience du dialogue, il se constitue entre autrui et moi un terrain commun, ma pensée et la sienne ne fontqu'un seul tissu, mes propos et ceux de mon interlocuteur sont appelés par l'état de la discussion, ils s'insèrent dansune opération commune dont aucun de nous n'est le créateur.

Il y a là un être à deux, et autrui n'est plus ici pourmoi un simple comportement dans mon champ transcendantal", ni d'ailleurs moi dans le sien, nous sommes l'un pourl'autre collaborateurs dans une réciprocité parfaite, nos perspectives glissent l'une dans l'autre, nous coexistons àtravers un même monde.

Dans le dialogue présent, je suis libéré de moi-même, les pensées d'autrui sont bien despensées siennes, ce n'est pas moi qui les forme, bien que je les saisisse aussitôt nées ou que je les devance, etmême, l'objection que me fait l'interlocuteur m'arrache des pensées que je ne savais pas posséder, de sorte que sije lui prête des pensées, il me fait penser en retour.

C'est seulement après coup, quand je me suis retiré dudialogue, et m'en souviens, que je puis le réintégrer à ma vie, en faire un épisode de mon histoire privée, et qu'autruirentre dans son absence, ou, dans la mesure où il me reste présent, est senti comme une menace pour moi. II.

La fonction communicative du langage est-elle une fonction de dialogue ? Une fois définies le rapport à l'autre qui permet la communication et le dialogue, il s'agit d'interroger la nature mêmede la communication et du dialogue.

Nous nous trouvons là sur le terrain de facultés proprement humaines.

Si l'onsuit la thèse bergsonienne, l'homme a capacité à communiquer avec ses semblables dans le but d'agir sur le mondequi l'entoure, de manière utilitaire : le dialogue se définit-il de la même façon, dans une acception purementutilitaire ? Ou est-il autre chose que la communication à visée pratique ? Il semble bien que le propre du dialoguesoit de se détacher de la vocation utilitaire pour élaborer de nouvelles idées.

Alors, la communication est nécessaire,mais nous suffisante, pour fonder le dialogue. Bergson L'homme est organisé pour la cité comme la fourmi pour la fourmilière, avec cette différence pourtant que la fourmipossède des moyens tout faits d'atteindre le but, tandis que nous apportons ce qu'il faut pour les réinventer et parconséquent pour en varier la forme.

Chaque mot de notre langue a donc beau être conventionnel, le langage n'estpas une convention, et il est aussi naturel à l'homme de parler que de marcher.

Or, quelle est la fonction primitive dulangage ? C'est d'établir une communication en vue d'une coopération.

Le langage transmet des ordres ou desavertissements.

Il prescrit ou il décrit.

Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate, dans le second, c'estle signalement de la chose ou de quelqu'une de ses propriétés, en vue de l'action future.

Mais, dans un cas commedans l'autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale.

Les choses que le langage décritont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain.

Les propriétés qu'il signale sontles appels de la chose à une activité humaine. III.

La détermination rationnelle de la communication comme condition du dialogue Il faut donc déterminer la faculté qui, à partir de la communication, rend possible le dialogue.

Il apparaît alors que ledialogue consiste en un usage particulièrement élaboré de la communication, en une faculté d'abstraction et deremise en cause permanente propre à l'homme, si bien que, si les animaux communiquent d'une certaine manièreentre eux, cela ne fait pas d'eux des êtres de dialogue.

Cette distinction, appuyée sur le texte de Rousseau,permettra de définir finalement les modalités particulières par lesquelles la communication rend possible le dialogue. Rousseau. »

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