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Suis-je le mieux placé pour me connaître ?

Publié le 02/01/2004

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Au premier abord, il me semble que je suis le mieux placé pour me connaître. En tant qu'être conscient, j'ai le sentiment de savoir qui je suis, ce que je suis. En revanche, il m'arrive souvent de penser que les autres ne me comprennent pas, qu'ils ne peuvent avoir accès à mon intimité, et donc qu'ils ne me connaissent pas. Toutefois, ma subjectivité n'est-elle pas un obstacle à une connaissance objective de moi-même ? Quand je prétends me connaître, ne suis-je pas, au fond, de mauvaise foi ? Et s'il m'arrive de reconnaître tel ou tel défaut que j'ai, n'est-ce pas par complaisance ou pour le nier par cet acte même de sincérité ? En outre, à supposer que je m'efforce d'être le plus objectif possible, la simple conscience immédiate que j'ai de moi-même n'est-elle pas illusoire ?  Nietzsche a su prendre la mesure de la difficulté. Dans Le Gai Savoir, il écrit « Combien de gens savent-ils observer ? Et, dans le petit nombre qui savent, combien s'observent-ils eux-mêmes ? "Nul n'est plus que soi-même étranger à soi-même ", (...) c'est ce que n'ignore, à son grand déplaisir aucun sondeur de l'âme humaine; la maxime "Connais-toi toi-même" prend dans la bouche d'un dieu, et adressée aux hommes, l'accent d'une féroce plaisanterie « (§ 335, trad. A. Vialatte, coll. Idées, Gallimard, 1950).  Autrui est-il, pour autant, le mieux placé pour me connaître ? Il ne semble pas. Comment peut-il, partant de l'observation de mes comportements, avoir accès à mon intériorité ? N'est-il pas extérieur à moi, à ce que je ressens, à mes pensées les plus secrètes ? Rousseau nous raconte, dans Les Confessions, qu'accusé injustement d'avoir commis une faute, il découvre avec stupéfaction que son innocence n'est pas directement perceptible par les autres. En outre, comment autrui peut-il me connaître, s'il ignore la part d'étrangeté ou cet « autre « qui est en lui ? Ne risque-t-il pas de me voir tel qu'il souhaiterait consciemment ou inconsciemment que je sois ?  Faut-il, dès lors, pour vraiment se connaître, passer par la médiation d'un psychanalyste, c'est-à-dire d'un être qui se connaît suffisamment de l'intérieur pour éviter toute projection et qui, à défaut de me dévoiler ce que je suis vraiment, car il ne faut pas demander l'impossible -Freud ne cachait pas l'ampleur du projet analytique en le comparant aux grands travaux d'assèchement des polders en Hollande-, me permettra néanmoins de recouvrer une certaine intelligence de moi-même ?  On peut se demander si le rapport à soi se pose en termes de connaissance. La volonté de comprendre à tout prix, recherche butée de la transparence, ne vise-t-elle pas à bannir de ma conscience le sentiment de l'opacité de mon être, à résorber mon être dans la connaissance que je pourrai en avoir ? Pourquoi vouloir réduire le vécu à l'intelligible ? A moins d'être sans fin sujet à une compulsion de répétition, confronté toujours au retour du même, à l'échec et à la souffrance névrotique - auquel cas le recours à un psychanalyste s'avère souhaitable -, ce qui importe, n'est-ce pas, plus que la connaissance de soi, la quête de soi ? Quête qui peut prendre diverses formes (l'amour, la création) et qui devient ce qui me soutient dans l'existence et me porte en avant.

« Du latin solus, "seul", ipse, "moi-même", le solipsisme est le point limite de l'idéalisme métaphysique : il définit une attitude du sujet pour lequel rien n'existe en dehors de sa conscience.

Tout se passe dans la solitude dumoi : je suis seul dans ma tête et ne puis entrer dans la conscience d'autrui.

Dans cette perspective, lesautres se réduisent à n'être que de pures fictions créées par mon esprit.Pour le solipsisme • Descartes , découvrant le cogito, aboutit à une unique certitude après le doute : la seule existence de son être pensant.

Quant à l'existence des choses et à celle d'autres consciences, elle n'est pas encore avérée etfait problème.

Nous ne pourrions imaginer autrui que par le subterfuge d'un raisonnement par analogie.

Laconscience d'autrui découlerait ainsi de la conscience de soi.• Leibniz imagina aussi un monde d'esprits qu'il nomme monades et dont aucune n'aurait de "fenêtre" sur ledehors du monde.La question du solipsisme de l'apprentissage ne peut pas être pertinente dans la mesure où tout apprentissage suppose un médium, que ce soit un livre, un disque, un objet.

Dès lors on n'est plus seul, le travail se fait doncavec l'aide d'un médiateur.

Car on ne peut restreindre le terme « autres » à sa signification la plus élémentaire,c'est-à-dire un maître, ou encore un parent.« Le professeur ne doit pas apprendre des pensées [...] mais à penser.

Il ne doit pas porter l'élève mais leguider, si l'on veut qu'à l'avenir il soit capable de marcher de lui-même.

» Kant, Propos de pédagogie . Ainsi, en élargissant le contenu du mot on observe qu'il peut tout aussi bien désigner un travail qui a été faitpar un autre.

Apprendre uniquement dans les livres, c'est faire appel au savoir de ceux qui les ont écrits etc'est donc apprendre avec l'aide des autres.

Dans tous les cas l'apprentissage suppose l'autre. Même ceux qui me sont le plus proches ne peuvent me connaître que partiellement.

Tandis que je suis avec moi-même à tout moment de mon existence.

Je connais mes pensées et mes sentiments intimes, mes qualités et mesdéfauts, j'ai en mémoire la totalité de mes actes et de ma vie.

Ce qui fait l'originalité du rapport de la conscience àelle-même, c'est l'immédiateté.

Nul intermédiaire, nulle médiation, la conscience se donne immédiatement.

PourDescartes, la vérité se saisit dans le présent et plus précisément dans l'instant.

En effet, c'est au moment où jeprononce « je suis, j'existe » que cette proposition est vraie.

C'est dans l'instant où elle se donne que je l'éprouvedans sa vérité.

Le présent est la seule chose qui échappe au doute.

Il se distingue du passé qui, en tant qu'ilsuppose la mémoire, dépend de la fiabilité de cette dernière et de la reconstruction qu'elle implique.

Seul, le présentest ce qui peut signifier cette immédiateté.

Le présent est le temps de la vérité de la conscience. Je peux me connaîtreConnais-toi toi même disait Socrate.

La connaissance de soi est bien possible, pourvu que l'on accepte de jeter sursoi même un regard franc et sans complaisance.

Même les aspects inconscients qui nous échappent d'abordpeuvent être éclairés moyennant un effort un peu soutenu de notre attention.

Pour peu que je le veuille, je peux meconnaître de part en part.

Ce qui est présent dans la conscience semble directement accessible.

Un simple regard,une simple introspection suffisent.

De plus, le sens de ce qui est présent dans ma conscience est là en sa totalité. Avec la conscience, on est donc de plain-pied dans la signification.

Bref, la conscience est transparente à elle-même.

Et ce qui se présenterait comme une zone d'ombre ne serait que la conséquence de l'inattention ou d'uneattention insuffisante.

En cela le rapport de la conscience avec elle-même diffère de son rapport avec l'objet.L'objet est une zone d'opacité pour la conscience.

Quand je m'engage dans la connaissance du monde extérieur, jequitte le domaine de la certitude.Seule la transparence de la conscience avec elle-même ouvre la sphère de la certitude.

Autrement dit, je lis dansma conscience à livre ouvert.

La certitude n'est jamais que l'adhésion de la conscience à une vérité reconnue parelle avec évidence comme telle. Connais-toi toi même Il ne s'agit pas pour Socrate de se livrer à une investigation psychologique, mais d'acquérir la science des valeursque l'homme porte en lui.

Cette science importe essentiellement — bien avant de connaître la nature ou les dieux.Comment conduire sa vie pour être heureux ; voilà la question qui hante tous les hommes.

L'opinion, confortée encela par les sophistes, identifie le bonheur à la jouissance, au pouvoir, à la fortune, à la beauté.

Sans doute toutcela n'est-il pas négligeable, mais ce sont là des biens équivoques qui peuvent nous être utiles, ou nous nuire selonles circonstances, l'usage qui en est fait.

Pour qu'ils deviennent utiles, il faut que nous sachions nous en servir et sil'homme agit toujours en vue de son bien propre, il peut se tromper sur sa définition.

Si nul n'est méchantvolontairement, c'est d'abord parce que nul ne veut consciemment se nuire à lui-même et donc ce n'est que paraccident que la conduite qu'il adopte peut éventuellement s'avérer mauvaise.

Par accident, non volontairement, ilfaut entendre par là par ignorance : si je ne connais pas la hiérarchie des biens, je serai nécessairementmalheureux.

Par exemple, celui qui consacre son existence à acquérir la richesse, en viendra naturellement à nuire àautrui, donc il s'exposera à la rigueur de la loi ; de plus c'est là un bien qui dépend en large partie du hasard et quipeut échapper à tout instant.

Il est donc inconcevable que sachant tout cela on puisse vouloir agir de la sorte.C'est la science qui détermine l'action, elle ne peut être vaincue par les passions, seulement par l'ignorance.Le primat donné à la science explique les railleries dont Socrate accable aussi bien les institutions, en particulier le. »

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