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SUJET DU BAC 1999 : MICHEL TOURNIER, Vendredi ou les Limbes du Pacifique.

Publié le 08/09/2006

Extrait du document

Il ferma les yeux et appuya sa joue contre le tronc, seul point ferme dont il disposât. Dans cette vivante mâture, le travail du bois, surchargé de membres et cardant (1) le vent, s'entendait comme une vibration sourde que traversait parfois un long gémissement. Il écouta longuement cette apaisante rumeur. L'angoisse desserrait son étreinte. Il rêvait. L'arbre était un grand navire ancré dans l'humus et il luttait, toutes voiles dehors, pour prendre enfin son essor. Une chaude caresse enveloppa son visage. Ses paupières devinrent incandescentes. Il comprit que le soleil s'était levé, mais il retarda encore un peu le moment d'ouvrir les yeux. Il était attentif à la montée en lui d'une allégresse nouvelle. Une vague chaleureuse le recouvrait. Après la misère de l'aube, la lumière fauve fécondait souverainement toutes choses. Il ouvrit les yeux à demi. Entre ses cils, des poignées de paillettes luminescentes étincelèrent. Un souffle tiède fit frémir les frondaisons. La feuille poumon de l'arbre, l'arbre poumon lui-même, et donc le vent sa respiration, pensa Robinson. Il rêva de ses propres poumons, déployés au-dehors, buisson de chair purpurine (2), polypier (3) de corail vivant, avec des membranes roses, des éponges muqueuses... Il agiterait dans l'air cette exubérance délicate, ce bouquet de fleurs charnelles, et une joie pourpre le pénétrerait par le canal du tronc gonflé de sang vermeil...    MICHEL TOURNIER, Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Gallimard, 1967.        (1) carder : peigner, démêler la laine.  (2) purpurine : de couleur pourpre.  (3) polypier : armature solide du corail.      I - QUESTIONS (4 points) :    1 - Analysez le jeu des sonorités dans la deuxième phrase. (2 points)    2 - Nommez et analysez la figure de style concernant l'arbre aux lignes 6 à 8 : "L'arbre était (...) son essor". (1 points)    3 - Justifiez l'emploi du conditionnel dans la dernière phrase. (1 points)      II - COMMENTAIRE COMPOSE (16 points) :    Vous présenterez un commentaire composé de ce texte.

« PLAN I.

Une narration ou une descriptionUn homme dans la détresse et la solitude du naufrage voit son angoisse s'apaiser.1.

Il s'accroche à un arbre comme à une bouée.2.

Il exacerbe sa perception (ouïe, toucher) et rêve.3.

Le lever du soleil lui apporte chaleur et lumière et, joint au vent, le fait renaître.

II.

La nature s'anime1.

L'arbre devient un navire, ses branches une mâture.

L'immobile se change en dynamique. 2.

L'arbre devient humain : ses feuilles sont des poumons, son tronc transporte du sang.

Dominante de la couleurrouge, représentant le flux vital. 3.

Inversement, l'homme se mue en végétal : ses poumons sont un « buisson de chair purpurine.

» L'interpénétrationdu règne animal et du règne végétal, par le jeu des métaphores, est une transformation éminemment poétique. III.

Fusion de l'homme et de la nature Elle est traduite par la phrase en italique « La feuille...

» (lignes 14-16). 1 .

Effet apaisantLa nature l'enveloppe, le réchauffe.

L'homme retrouve sa sérénité.

Effet libérateur : paradoxalement, alors qu'il estprisonnier à tout jamais de l'île, il s'imagine partir.

C'est une anticipation du dénouement, où le personnage préférerarester. 2.

Échange sensoriel, presque érotiqueLa fusion est comme une extase que traduit le vocabulaire : « montée en lui d'une allégresse nouvelle, fécondait,vague chaleureuse, paillettes luminescentes, frémir ». 3.

InitiationRobinson devient solaire ; il entre dans une nouvelle vie, celle des limbes, ce monde intermédiaire des « bords »(sens latin), il quitte le monde occidental pour vivre un nouveau rapport au monde, la « vie sauvage », suivant lesous-titre que Tournier a donné à la version abrégée de son roman.. »

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