Devoir de Philosophie

Le surréalisme et le langage

Publié le 08/02/2011

Extrait du document

langage

Dans son ouvrage sur André Breton (Grasset, 1949), Claude Mauriac note : «Cherchant à élucider ce qui se trame à l'insu de l'homme au plus lointain de son esprit, c'est au cœur du problème du langage que se trouve placé le surréalisme, car il y a eu torpillage de l'idée au sein de la phrase.« Est-il exact que le problème du langage soit ainsi au cœur du surréalisme ?    André Breton écrit dans Légitime Défense (Gallimard, 1926) : «Nous avons toujours déclaré et nous maintenons que l'émancipation du style, réalisable jusqu'à un certain point dans la société bourgeoise, ne saurait consister dans un travail de laboratoire portant abstraitement sur les mots. Dans ce domaine comme dans un autre, il nous paraît que la révolte seule est créatrice et c'est pourquoi nous estimons que tous les sujets de révolte sont bons.« Georges Dupeyron écrira beaucoup plus tard (numéro spécial d'Europe sur le surréalisme, novembre-décembre 1968) : «La valeur primordiale que les surréalistes accordaient au langage poétique, dans leur volonté de transformation du monde, s'explique et se justifie par le potentiel de force explosive que recèle en soi l'expression spontanément poétique. Son refus de logique «contrôlée«, sa situation dans un temps qui est toujours un «entre-temps«, la pulvérisation des certitudes habituelles où elle conduit, tout cela constitue, à leur sens, la promesse d'une organisation inattendue et valable, parce qu'en coïncidence avec ce que souhaite l'esprit toujours tendu vers le devenir. Ainsi le langage poétique, délivré de toutes entraves scolaires ou autres, devient-il un élément éminemment constructeur, c'est-à-dire révolutionnaire par excellence, puisque ce langage éveille au rêve et que le rêve, loin de s'opposer au concret, conduit à l'action positive, à l'acte libérateur.« En vous appuyant sur ces deux textes, vous vous interrogerez sur les rapports de la révolte et du langage chez les surréalistes.    Lors des Entretiens de Cerisy-la-Salle sur le surréalisme en 1966, Gérard Legrand déclara : «La poésie crée sa propre matière et la consume du même coup. Bref, elle est ce que Georges Bataille appelait, dans une très heureuse inspiration, un holocauste de mots, mais un holocauste dont le phénix rejaillit à tout moment ; ce par quoi d'ailleurs elle se spécifie des autres arts, car les autres arts ne peuvent malheureusement que modifier ou transfigurer une matière qui leur est, pour une très large part, préexistante et qui en quelque sorte subsiste à côté d'eux. Le surréalisme, même poétique, n'est donc pas entièrement communication. Il est réellement création d'un monde évidemment écrit, mais d'un monde qui dépasse les emplois ordinaires du langage.« Vous semble-t-il que la poésie surréaliste soit à la fois création et abolition du langage ?    Expliquez et, s'il y a lieu, discutez cette remarque de Jean Laude : «C'est au surréalisme que nous devons maintenant de savoir que le langage n'est pas innocent, que l'écriture dévoile plus complètement l'auteur d'un livre que le contenu explicite de ce livre.« (Entretiens de Cerisy-la-Salle sur le surréalisme, 1966.)    Vous étudierez le texte suivant de Jacques Gaucheron, en vous demandant notamment dans quelle mesure l'effort surréaliste annonce les recherches modernes sur le langage : «Il était normal que l'interrogation sur la littérature et la poésie soit aussi une interrogation sur le langage. On parle et on écrit, on exprime ou on s'exprime par un moyen ; on trace des signes. La discussion est ici très moderne pour ne pas dire actuelle. Elle ne sort pas du surréalisme seulement mais il est d'évidence que le surréalisme a été préoccupé par les questions de linguistique et a inventé son expression, sa liberté d'expression. On ne s'exprime plus en poésie depuis comme on s'exprimait avant. Ce qui me frappe le plus, sans entrer dans des débats théoriques, c'est la vitesse de l'expression qui s'est acquise. A certains égards, l'image et l'expression accélérée se confondent, dont le célèbre «ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison« d'André Breton est un bon exemple, construction accélérée, apparemment fantastique, vertigineuse, et qu'il serait assez long de remettre à plat et au ralenti, bien qu'elle ne soit absolument pas une dislocation de la logique, c'est plutôt une logique précipitée et cependant majestueuse, saisie au seuil de l'obscurité, à son point d'évidence. Il est facile de dépasser ce seuil, de prendre cale comme un truc (tous les imitateurs l'ont fait et le font) et de glisser dans l'arbitraire. La limite est tremblante. Le surréalisme a contribué à détruire la croyance naïve en un surréalisme des mots et du discours, ou si l'on veut à la métaphysique sous-jacente qui attribue une réalité, nécessairement correspondante à chaque mot, comme dans les arts on a tendance à attribuer un objet représenté à la représentation. Il fallait apprendre à se méfier du langage et à mieux le connaître. La question a été suivie jusqu'à nos jours.« (Numéro spécial de la revue Europe, novembre-décembre 1968).    Que pensez-vous de cette analyse du langage surréaliste : «Ils ont voulu, en effet, non seulement montrer que le langage «libéré«, c'est-à-dire n'obéissant plus aux impératifs sociaux de la communication mais à la nécessité intérieure, formait de véritables «précipités du désir« qui, par leur caractère insolite, imprévu, provoquaient une émotion esthétique à la fois intense et radicalement différente de celle que peut provoquer un discours prémédité, mais encore que l'existence s'en trouvait profondément transformée. Car c'est précisément parce que «l'imaginaire«, «le merveilleux« qui imprègnent cette parole spontanée ne sont pas des ornements littéraires ou les produits des hasards de l'écriture mais la manifestation, le «message« codé du désir qui cherche à se réaliser, que le «parleur« a le sentiment de la gravité, de «la valeur d'oracle des mots qu'il prononce ou trace sur le papier, de l'urgence qu'il y a à en déchiffrer le sens pour savoir qui il est et ce qu'il est venu faire ici-bas« (Nadja, 1928) (R. Navarri, Histoire littéraire de la France, t.VI, Editions Sociales, 1982.)   

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles