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technique

Publié le 23/03/2011

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technique

« Il faut avouer, nous disait Voltaire, que les inventeurs des arts mécaniques ont été bien plus utiles aux hommes que les inventeurs de syllogismes [formes de raisonnement hérités d’Aristote].» En effet, on peut constater d’un point de vue historique que les grandes étapes de l’humanité ont toutes été marquées par des découvertes et des révolutions technologiques (la métallurgie, l’électricité etc.) qui ont libéré les hommes des contraintes extérieures imposées par la nature. La technique permet en effet de dominer la nature, de la rendre habitable pour les hommes. Grâce aux différents progrès techniques, la vie humaine s’est peu à peu dissociée de la vie animale et s’est affranchie des nécessités naturelles (chercher à se nourrir, à se vêtir, à se protéger contre les attaques extérieures…) La technique rend la vie plus facile aux hommes et lui permet d’étendre son pouvoir et son champ d’action. En un mot, elle semble être source, pour l’homme, de libération. [Amorce] Cependant [intervention d’un élément contradictoire], si la technique permet de dominer la nature, ne peut-elle pas aussi entraîner l’aliénation de l’ homme [alienus = étranger en latin . Aliéner = rendre étranger] ? On le voit en effet par certaines technologies, comme le travail à la chaîne, décrit par Charlie Chaplin dans son film, Les Temps modernes où l’homme se voit lui-même transformé en machine pour suivre le rythme imposé par la cadence. Ou encore, à notre époque, par la dépendance que nous avons à l’égard des objets techniques (comme notre téléphone portable, par exemple). En définitive la technique contribue t-elle à libérer l’homme ou à le rendre esclave ? la technique est-libératrice ? [reformulation du sujet] Cette question nous amènera à nous interroger sur la liberté : en quoi consiste t-elle ? Si libérer l’homme, c’est lui permettre d’agir sans contrainte, la technique ne renvoie-t-elle pas elle même à certaines contraintes auxquelles l’homme, dans sa vie de travail et sa vie en société, ne semble pas pouvoir échapper ? [problématique] Nous verrons dans un premier temps que la technique a été le moyen pour l’homme de se libérer de la nature : l’homme se définit, par opposition aux animaux, par son activité fabricatrice (homo faber). Ensuite, nous verrons que la technique, comme Frankenstein, finit par se retourner contre son créateur et que nous en sommes devenus esclaves. Enfin, nous nous demanderons si finalement la question n’est pas mal posée : ce n’est pas la technique qui est libératrice (ou pas) mais plutôt l’utilisation que les hommes en font.[Annonce du Plan] La technique désigne un savoir-faire destiné à faciliter la vie des hommes et à répondre à ses attentes. Elle est libératrice dans la mesure où elle lui permet de ne pas dépendre uniquement des conditions naturelles (des saisons par exemple), pour se nourrir, pour se vêtir etc. L‘homme, grâce à la technique, « s’est rendu comme maître et possesseur de la nature » (Descartes, Discours de la méthode) : il peut lutter contre la maladie, contre les intempéries, rendre fertiles des terres arides etc. C’est un véritable pouvoir et une supériorité dont dispose l’homme. En effet, l’homme fait, certes, partie de la nature mais il est naturel pour lui de chercher à s’en échapper (comme le disait Rousseau, l’homme est un être perfectible, cad capable de se perfectionner). L’humanité est donc naturellement disposée à sortir de l’animalité, à accomplir son développement historique et c’est la technique qui le lui permet. Par exemple, sans l’invention de l’agriculture, les hommes ne se seraient pas sédentarisés (ils seraient encore nomades) et n’auraient pas créé des villages, des villes et toute l’organisations sociale, économique et politique qui va avec. La technique est en effet révélatrice de l’intelligence humaine : l’utilisation de l’outil est l’une des caractéristiques humaines fondamentales (l’animal n’utilise que des instruments cad des objets à sa disposition : il ne fabrique pas d’outils). Comme le dit Leroi- Gourhan, célèbre ethnologue et préhistorien français, dans Le Geste et la Parole, l’homme, seul, est capable de produire des choses artificielles [par opposition à « naturelles »]. C’est ce que soutient également Bergson, dans L’Evolution créatrice lorsqu’il nous dit que : « l’intelligence envisagée dans ce qui paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d’en varier indéfiniment la fabrication. » La technique est révélatrice d’une intelligence exclusivement humaine et libératrice. Par opposition, les animaux sont toujours esclaves de la nature car ils sont dans l’incapacité d’inventer des moyens de s’en échapper. Dans un dialogue intitulé Protagoras, Platon nous raconte, à travers le « mythe de Prométhée », la naissance de la technique » : de tous les animaux créés, l’homme est le plus démuni (il n’a ni fourrure, ni griffes, ni rapidité etc.) et donc destiné à périr. Pour le sauver, Prométhée vole le feu sacré (feu de la connaissance) à Héphaïstos, dieu de la forge et la technique à Athéna. Il est, pour cela, puni par les dieux qui n’acceptent pas qu’une créature terrestre soit dotée du même pouvoir qu’eux. C’est grâce à la technique et à la connaissance que les hommes ont pu ainsi survivre et se libérer des contraintes naturelles : la technique les rend presque égaux aux dieux. Grâce à la technique, aux machines, nous gagnons du temps : la machine travaille à notre place et n’est jamais malade. Elle produit plus et plus vite que n’importe quel individu. Elle nous libère de lourdes tâches et nous fait gagner du temps que nous pouvons ainsi consacrer à nos loisirs et à notre liberté. Cependant, la technique nous rend aussi dépendants : sans elle, l’homme se trouve démuni, n’arrive plus à se débrouiller seul. Il est dépendant de cette technique qui l’a tout d’abord libéré de la nature. De plus, cette technique peut se retourner contre lui en devenant terrifiante et meurtrière.[Transition] Le développement des machines a fait naître au XXème siècle, la crainte que celles-ci ne se retournent contre lui (comme le montrent les nombreux films de science fiction où les machines finissent par dominer les hommes : Matrix, par exemple.) Cette crainte se manifeste déjà dans les mythes antiques de « l’apprenti sorcier » qui ne maîtrise pas ses créations. Ainsi, Frankenstein, dans le roman de Mary Shelley qui porte le même nom, fabrique une créature qui va se retourner contre lui, décimer toute sa famille et le conduire au désespoir et à la mort. Les fabuleuses inventions de l’homme peuvent en effet se retourner contre lui et échapper à son contrôle. Karl Marx, au 19ème siècle, perçoit déjà les dangers du machinisme qui sépare le travail intellectuel du travail manuel alors qu’ils étaient liés dans le monde artisan. L’ouvrier n’est plus qu’une machine qui répète inlassablement les mêmes gestes sans pouvoir réfléchir ou prendre du plaisir à son action. Il est robotisé, aliéné. Dans les « chaînes de production » industrielles, l’homme doit se plier au rythme de la machine et obéir à des objectifs de « rentabilité » et de « productivité », vocabulaire que l’on réservait autrefois aux machines. L’automatisation des tâches et le développement de l’informatique ont par ailleurs pour conséquence de supprimer des emplois et de créer du chômage, situation paradoxale dans laquelle l’homme, bien qu’il soit « libre » de son temps ne possède pas en réalité une grande liberté dans la mesure où il n’a pas les moyens financiers de réaliser ses désirs (est-on libre lorsque l’on est contraint de rester chez soi ou de faire la manche pour survivre ?) Georges Friedmann, dans Le Travail en miettes, dénonce l’environnement inhumain créé par la civilisation technicienne : celle-ci dépouille l’homme de ses rythmes naturels, l’oblige à se presser constamment (plus les moyens de communication et de transport évoluent, plus on demande aux salariés d’être « réactifs ».) La civilisation technicienne est une civilisation uniquement matérielle qui plonge l’homme dans un vide spirituel : quel est le sens de cette course au progrès ? Nous rend-elle plus heureux ? Non, dans la mesure où elle a tendance à isoler l’homme de liens sociaux qui lui sont indispensables : l’homme vit suspendu à son portable ou isolé du monde par son i-pod. Le temps qu’il passe devant la télé, devant son ordinateur ou ses jeux-vidéo est du temps pris au monde social : celui de la famille, des amis et des échanges humains qui seuls peuvent rendre heureux. C’est sans doute pour cela que nos sociétés occidentales, bien que technologiquement très développées soient des sociétés en perte de repères. Ainsi, les avantages amenés par le progrès technique semblent être compensés négativement par les inconvénients qui l’accompagnent : plus nous pouvons aller vite, et loin, plus nous pouvons communiquer facilement, plus les exigences du monde du travail et de la société sont oppressantes. Parce que la technique permet d’aller vite, nous n’avons plus le droit de « prendre notre temps ». Parce que la technique permet d’être relié au monde (par le téléphone portable) à chaque seconde, nous n’avons plus le droit à la solitude etc. L’homme n’impose pas son rythme et ses valeurs à la technique- C’est elle qui lui dicte et lui impose son mode de vie. Devons-nous cependant opposer « progrès technique » et « liberté » comme nous opposerions le bien et le mal ? Faut-il vouloir revenir à l’âge des cavernes ? Certainement pas ! La technique est en elle-même neutre : c’est nous qui en faisons une utilisation bénéfique ou nuisible pour l’homme [Transition] L’homme, parce qu’il est homme n’a pas le choix : il ne peut pas vivre comme l’animal car il est doté de conscience et d’intelligence. Il lui faut agir sur son milieu. C’est pourquoi on peut dire que la culture est devenue la véritable nature de l’homme - même si cette culture (ou plutôt « civilisation ») a encore de nombreux progrès à faire. Rousseau le disait déjà dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, une fois que la marche du progrès est enclenchée, l’homme ne peut plus revenir en arrière, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. On ne saurait donc condamner radicalement la technique dans la mesure où elle est « naturelle » chez l’homme et qu’elle lui permet de se libérer des contraintes naturelles pour créer un monde véritablement humain. La question n’est pas d’opposer ou d’associer « technique » et « liberté » comme le sujet le propose ou encore de se demander si la technique est bonne ou mauvaise en elle-même [remise en question des présupposés du sujet et autre point de vue permettant de répondre à la question] : la valeur de la technique dépend entièrement de ce que les hommes en font. Il s’agit en effet de se demander : quelle est la meilleure utilisation que l’homme peut faire de la technique ? [On sort ainsi de l’alternative dans laquelle nous enfermait le sujet : « technique libératrice ou non ? » On pose une autre question nous permettant de résoudre le problème posé] La technique pose en effet à l’homme le problème de sa responsabilité morale: la technique n’est qu’un moyen pour parvenir à des fins [cad à des buts] C’est à l’homme et à lui seul de fixer ces fins en fonction des valeurs morales qui lui semblent compatibles avec la notion d’humanité. Doit-on s’engager dans la voie du clonage humain si ce qui en ressort ressemble à ce que Aldous Huxley décrit dans Le meilleur des mondes : un monde dans lequel on créerait artificiellement des êtres inférieurs destinés à être les esclaves d’êtres supérieurs. Si cela devient un jour techniquement possible, faut-il pour autant le souhaiter et le réaliser? Tout ce qui est techniquement possible n’est pas pour autant souhaitable du point de vue de la morale (ou de l’éthique). C’est à l’homme, par son intelligence morale (sa raison qui fixe le « raisonnable ») de mettre des limites à son intelligence technicienne. La technique doit demeurer au service de l’humanité (amélioration des conditions de vie de façon compatible avec les contraintes écologiques, diminution des inégalités, de la souffrance, surtout dans les pays pauvres…) Ce n’est pas à l’homme d’être au service de la technique et des décisions de technocrates faisant peu de cas de l’humanité et de ses aspirations mais à la technique d’être mise au service des hommes. Conclusion (résumé du cheminement de pensée) : la technique est le propre de l’homme- Elle lui permet de se libérer de la nature et de l’animalité . Cependant, elle peut se retourner contre lui (domination de la machine, travail à la chaîne, conditions de travail et de vie dictées par les technologies etc.) Mais (troisième partie) : pour répondre à la question, il ne faut pas s’interroger sur la technique, qui peut être bonne ou mauvaise (tout dépend de ce que l’on en fait) mais de l’utilisation que les hommes en font. Ce qui est jeu ici = la capacité qu’ont les hommes de fixer des limites à leur curiosité et à leur envie d’expériences. En résumé, il faut que ce soit la morale qui guide le progrès technique, d’où l’importance des « comités d’éthique », composés de philosophes, de juristes, de scientifiques etc. qui réfléchissent aux conséquences possibles des différentes découvertes et qui ont par exemple interdit en France le clonage humain (= ouverture sur un sujet d’actualité)

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