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techniques, histoire des

Publié le 10/04/2013

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histoire
1 PRÉSENTATION

techniques, histoire des, évolution, au cours des âges, de l’ensemble des méthodes par lesquelles les êtres humains produisent et emploient les outils ou les machines.

2 TECHNIQUE ET TECHNOLOGIE

Le terme « technique « n’a pas un sens précis, tant il recouvre de domaines différents ; il dérive de la racine indo-européenne teks-, qui désigne toute activité de fabrication. La technique concerne communément les relations entre l’homme et son environnement matériel, mais on évoque aussi les techniques intellectuelles (méthodes de communication, de raisonnement, etc.) et les techniques organisationnelles (gestion, animation). L’idée de technique est associée aux outils ; il existe cependant des techniques du corps (certaines thérapies, yoga, arts martiaux), qui font appel exclusivement à une connaissance de l’organisme et à la maîtrise de soi. Au XVIIIe siècle, on employait plutôt le terme générique « arts mécaniques «.

Le terme « technologie «, d’abord inventé pour désigner les connaissances techniques et leur enseignement (une théorie de la pratique, en quelque sorte), a changé de sens. Il désigne aujourd’hui les techniques matérielles modernes, souvent fondées sur les sciences et faisant l’objet d’un enseignement formalisé. En anglais, technology signifie indifféremment « technique « et « technologie «.

La technique caractérise les hommes, même si certains animaux présentent parfois des comportements « techniques «, soit instinctifs, soit issus d’un apprentissage limité : techniques de chasse, de construction d’abris, etc. L’histoire du progrès humain est essentiellement liée à celle des techniques, dépendant elle-même de l’expansion démographique et géographique de l’humanité. L’accroissement des capacités de production et de destruction place l’humanité du XXe siècle dans un déséquilibre périlleux, qui peut l’amener à se détruire elle-même comme elle altère son environnement. Il est donc du plus haut intérêt de comprendre la technique, la dynamique du progrès humain, afin de pouvoir éventuellement la contrôler et l’orienter.

3 LA PRÉHISTOIRE

Que ce soit pour attaquer, se défendre ou transformer des objets, le corps humain n’est pas équipé d’« outils « naturels aussi efficaces que les griffes et les crocs des prédateurs, les nageoires des poissons ou la carapace des tortues. Pour survivre, l’homme a donc dû développer des outils, c’est-à-dire des prolongements externes de son corps. Le bâton ou les galets taillés par les Australopithèques africains d’il y a 3 millions d’années prolongeaient et renforçaient le poing, l’ongle ou les dents. Il y a 500 000 ans, les premiers Européens fabriquaient des vêtements de cuir, construisaient des huttes et commençaient à utiliser le feu pour se protéger du froid.

En contrepartie, précisément parce qu’il était démuni d’outils naturels qui l’auraient enfermé dans une spécialisation, l’homme se montra capable de vivre dans des environnements très variés, à condition de développer les techniques appropriées. C’est pourquoi, à partir de l’Afrique orientale, l’espèce se répandit sur toute la Terre et put affronter des conditions extrêmes.

3.1 La domestication du feu

La domestication du feu représenta une étape capitale dans l’histoire de l’humanité. L’homme mit au point les techniques nécessaires à son allumage (choc de pierres, frottage de bois durs) et à sa conservation. Dès lors, le feu permit la transformation des matériaux : cuisson ou séchage des aliments, durcissement des outils en bois, préparation de pigments, etc. Fournissant la lumière et la chaleur, il permit aux hommes de conquérir les régions froides, en les affranchissant des contraintes climatiques, et de tenir à distance les bêtes sauvages. Le groupe humain rassemblé autour du foyer, jouissant d’une sécurité nouvelle, pouvait s’adonner à la conversation. La maîtrise du feu a donc favorisé d’une certaine façon le développement de la vie sociale et de la pensée.

3.2 Le travail des matériaux

Au cours du paléolithique, nos ancêtres améliorèrent leur savoir-faire. En témoigne le progrès des méthodes de taille de la pierre : avec 1 kg de silex, l’australopithèque obtenait 20 cm de tranchant, l’Homo sapiens d’il y a 50 000 ans en produisait plusieurs dizaines de mètres, car il savait détacher des lames très fines, spécialisées dans différents usages : grattoirs, pointes de flèche, couteaux, etc. Ce progrès technique alla de pair avec l’émergence de l’esthétique et du sens du sacré : nos ancêtres néandertaliens taillaient les silex avec une extraordinaire dextérité, et enterraient leurs morts avec des accessoires qui manifestaient une croyance dans l’au-delà. Leurs successeurs, les hommes de Cro-Magnon, laissèrent des chefs-d’œuvre, notamment en France et en Espagne : outils et armes de chasse sculptés dans l’os ou l’ivoire ; bas-reliefs en argile, et surtout gravures et peintures rupestres peintures (grottes de Lascaux et d’Altamira). Leurs auteurs, des artistes de grand talent, allaient chercher fort loin les meilleurs pigments, construisaient des échafaudages de bois et de cordes pour peindre le plafond des cavernes, en s’éclairant avec des lampes à huile.

Les fouilles archéologiques ont révélé par ailleurs des traces de pratiques médicales, notamment des os ressoudés après fractures. On possède également des restes d’instruments de musique, à percussion et à vent (flûtes d’os). Le paléolithique supérieur fut caractérisé par un mode de vie semi-nomade de petits groupes de chasseurs-cueilleurs, connaissant bien les ressources de leur environnement, imprégnés de l’idée d’harmonie avec la nature, et ne cherchant sans doute nullement à innover. De très nombreux peuples à travers le monde ont conservé ce mode de vie jusqu’à l’époque moderne.

Voir aussi évolution de l’homme.

3.3 La « révolution néolithique «

Il y a environ 10 millénaires au Proche-Orient, le néolithique fut marqué par une série de changements qui transforma progressivement l’existence des hommes en les amenant à dominer la nature. Les pionniers de cette évolution apprirent à utiliser de nouveaux matériaux : ce fut l’âge de la pierre polie, et surtout de la poterie et du tissage. Pierre, bois et argile furent employés d’une manière nouvelle, pour construire des maisons et des villages. Un habitat fixe, un mode de vie sédentaire s’instaurèrent en effet, correspondant à une révolution dans l’utilisation des ressources vivantes : l’agriculture et l’élevage apparurent, marquant le passage d’une prédation (chasse et cueillette) à une économie de production.

L’homme apprit à semer, à cultiver et à récolter des céréales, en mettant au point les instruments adéquats — houe, araire, faucille. Il domestiqua d’abord les chèvres et les moutons, qui fournirent la laine. Cette économie nouvelle permit de nourrir des groupes plus nombreux, favorisant la croissance démographique qui, à son tour, obligea à défricher d’autres terres, à construire d’autres habitats. Avec la sédentarisation, il devint désormais possible de stocker des provisions, d’accumuler des richesses. Celles-ci suscitèrent des convoitises entre communautés voisines : la guerre naquit probablement de l’accroissement de la productivité et de l’augmentation de la densité humaine. Elle devint un facteur essentiel du progrès technique, et parfois de sa régression.

La principale source d’énergie était toujours la force physique des hommes, mais ils y ajoutèrent celle des animaux domestiqués : le chien (utilisé à la chasse depuis le paléolithique), les bovins, les ânes et plus tard les chevaux, que l’on pouvait atteler à une charrue, monter ou bâter. Toutes ces nouveautés se diffusèrent lentement, au rythme de voyages ou de migrations. Certaines furent sans doute inventées simultanément dans différents points du globe. On s’interroge sur les causes et les mécanismes profonds de cette « révolution néolithique «, même si de nombreuses hypothèses ont été proposées. Par exemple, on ne comprend pas pourquoi la poterie (voir céramique) n’est apparue qu’à cette époque, alors que l’argile est présente presque partout sur la terre et que le feu était connu depuis longtemps.

4 LA PROTOHISTOIRE

Vers 3 000 av. J.-C., quatre innovations majeures furent introduites au Proche-Orient, en particulier en Mésopotamie, puis en Égypte, ainsi que dans la vallée de l’Indus (Mohenjo-Daro) : le travail des métaux, le phénomène urbain, l’écriture et l’invention de la roue.

4.1 L’avènement de la métallurgie

La métallurgie mit à la disposition des hommes de nouveaux matériaux, plus solides ou se prêtant à des usages plus variés : le cuivre, le plomb, l’étain et l’or, puis le bronze, suivi du fer. Le bronze, alliage d’étain et de cuivre, n’est pas seulement plus malléable que le cuivre, il a un meilleur tranchant, qualité nécessaire pour les épées et les faucilles. Bien que des gisements de cuivre aient existé sur les contreforts des montagnes de Syrie et de Turquie, les plus grandes réserves du monde antique furent découvertes sur l’île de Crète, ce qui entraîna le développement du commerce maritime.

Comment a-t-on « inventé « l’usage des métaux, et pourquoi à cette époque ? Là encore, le mystère reste entier. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’avec des outils métalliques l’agriculteur était plus efficace, tout comme le tailleur de pierres, le charpentier, le guerrier ou le forgeron, qui à son tour put produire de meilleurs outils. Ainsi, les techniques sont solidaires les unes des autres : chaque avancée de l’une permet le progrès de ses voisines.

Voir âge du bronze ; âge du fer ; métallurgie.

4.2 La naissance de la ville

C’est au Proche-Orient, au VIIe millénaire avant notre ère, que furent construits les premiers sites urbains. Au IVe millénaire av. J.-C., la Mésopotamie était l’un des berceaux de la civilisation urbaine, entre le Tigre et l’Euphrate, dont les vallées fournissaient une nourriture abondante et les arbres nécessaires pour construire des bâtiments et faire du feu. Le phénomène urbain correspondait à la concentration des habitats, au perfectionnement des techniques de construction et au développement d’une couche sociale d’artisans, de commerçants et d’administrateurs vivant du surplus de la production agricole.

Par ailleurs, la guerre procurait des esclaves (pour construire les bâtiments et servir les maîtres) et imposait la concentration du pouvoir : l’apparition de la ville c’est aussi la naissance de l’État. Celui-ci exprima sa puissance en suscitant des chefs-d’œuvre architecturaux, comme les Jardins suspendus de Babylone et les pyramides d’Égypte. La pyramide du roi Djoser d’Égypte, qui régna de 2630 à 2611 av. J.-C., fut construite à Saqqarah par Imhotep, premier ingénieur connu par son nom, et qui fut glorifié comme un dieu. La construction de la grande pyramide du roi Khéops nécessita plus de 100 000 ouvriers et la découpe de 2,3 millions de blocs de pierre, chacun pesant entre 2 et 4 t.

Voir aussi urbanisation.

4.3 L’écriture

L’avènement de l’écriture est indissociable du phénomène précédent. La plus ancienne écriture connue date d’environ 3000 av. J.-C. et est attribuée aux Sumériens de Mésopotamie. L’écriture servit d’abord à comptabiliser les richesses, à identifier des propriétaires, puis à conserver des connaissances moins directement utilitaires : textes sacrés, astronomie, chroniques, etc. Elle prolongeait non plus un organe physique, mais l’esprit humain : la capacité de communiquer dans le temps (mémoire) et dans l’espace (courrier).

Les Mésopotamiens gravaient des signes en forme de coins (écriture cunéiforme) avec des stylets sur des tablettes d’argile. Les Égyptiens fabriquaient du papyrus, matériau semblable au papier, sur lequel ils écrivaient des hiéroglyphes. Les Phéniciens inventèrent plus tard l’écriture alphabétique, beaucoup plus simple.

Voir aussi alphabet ;écriture.

4.4 L’invention de la roue

La roue fut fabriquée pour la première fois en Mésopotamie, vers 3000 av. J.-C. Cette invention donna une ampleur nouvelle aux transports et constitua en quelque sorte les fondements du machinisme : c’est la roue qui permit l’avènement de la poulie, de la grue et du treuil, du moulin, du tour de potier, de l’engrenage, et de la manivelle.

Au début, elle permit surtout la réalisation de chariots, initialement à deux roues. Les systèmes d’attelage mis au point pour traîner les instruments agricoles (joug, timon, collier) s’adaptèrent à ces premières voitures. L’homme qui, jusque-là, ne se déplaçait qu’à pied ou exceptionnellement sur quelque pirogue ou radeau, se mit à construire des véhicules, des routes, des ponts, des navires aussi. Il apprit à maîtriser toutes les techniques annexes qu’il fallait développer pour exploiter des sources d’énergie nouvelles : l’eau et le vent.

5 L’ANTIQUITÉ

Égyptiens et Mésopotamiens entreprirent de grands travaux hydrauliques (canaux, digues, barrages) pour contrôler ou valoriser les puissants fleuves que sont le Nil, le Tigre et l’Euphrate. Les réflexions et les calculs nécessaires à ces travaux furent menés par des spécialistes parmi les administrateurs et les prêtres ; ceux-ci s’adonnaient par ailleurs à l’astronomie, notamment pour établir des calendriers. Ainsi naquirent les mathématiques appliquées. Les civilisations de l’Asie centrale (Perse), les Grecs puis les Romains héritèrent de ce riche système technique, auquel ils ajoutèrent l’écriture alphabétique et l’héritage indo-européen, notamment la maîtrise du fer et de l’équitation (selle, étrier, mors).

5.1 Les techniques militaires

Dans l’Antiquité, les techniques militaires connurent un développement en trois étapes. La première fut l’avènement de l’infanterie, avec les casques de cuir ou de cuivre, les arcs, les lances, les boucliers et les épées. Les villes du Proche-Orient construisirent des fortifications ; leurs assaillants développèrent des tactiques de siège.

Cette étape fut suivie par le développement des chars, qui étaient au départ des véhicules de commandement. L’invention des roues à rayons, plus légères que les roues pleines, ainsi que celle du mors et des brides pour les chevaux firent du char une machine de guerre légère et efficace.

La troisième étape consista à accroître la mobilité et la vitesse de la cavalerie. Les Hittites, puis les Assyriens, grâce à leur connaissance des armes en fer et à leur cavalerie, dominèrent le Proche-Orient de 1600 à 600 av. J.-C. Les Perses leur succédèrent ; ils furent les premiers à constituer un réseau de routes et de relais permettant à leur armée et à leur administration de contrôler un vaste empire, qui s’étendait de l’Inde à la Méditerranée. Là, ils se heurtèrent à la volonté d’indépendance des Grecs.

5.2 La Grèce classique

L’esprit extraordinairement inventif des Grecs sur le plan intellectuel permit, vers le Ve siècle av. J.-C., l’avènement de la démocratie et de la rhétorique, ou art du discours, de la philosophie et des mathématiques. Cet esprit s’appliqua également aux techniques, plus qu’on ne l’a souvent cru. Certes, dans ce pays pauvre et montagneux, l’agriculture resta peu productive et l’on ne chercha guère à construire des routes ; les minerais métalliques étaient rares. Il valait mieux importer les denrées, c’est ce qui explique le développement de la navigation.

Les navires de commerce et les navires de guerre, construits par les Phéniciens, étaient munis d’une voile unique utilisable surtout par vent arrière. Il fallait donc la compléter par des rameurs, rendus célèbres par les « trirèmes « qui remportèrent les victoires navales des Grecs sur les Perses, et conquirent des colonies sur toutes les côtes méditerranéennes. Les cités grecques, malgré leurs discordes, purent survivre et rayonner en grande partie grâce à leur maîtrise de la stratégie et des constructions navales. Des savants contribuèrent à cette domination, comme Thalès, qui introduisit les méthodes de navigation par triangulation, et Anaximandre, qui dressa la première carte du monde.

5.2.1 L’architecture et la mécanique

Les principales innovations grecques sont liées à l’architecture. C’est d’abord l’invention du port maritime. Les Grecs de l’âge classique construisirent des ports totalement artificiels faits de digues, de quais et de môles : Cnide, Antioche, Le Pirée, plus tard Alexandrie, où fut construit le fameux phare détruit en 1302, considéré comme l’une des Sept Merveilles du monde.

Par ailleurs, les temples et les théâtres grecs résultaient à la fois de concepts radicalement nouveaux en architecture et en géométrie, de nouvelles techniques dans le travail de la pierre, du creusement de carrières de marbre. Pour soulever, transporter et empiler précisément des fûts de colonnes de 5 t, des morceaux d’entablement de 30 t, on créa des dispositifs de levage comprenant poulies, moufles et treuils. Les ingénieurs qui les avaient conçus furent admirés dans les territoires méditerranéens et rédigèrent des traités qui influencèrent les architectes pendant des siècles.

Ainsi naquit la mécanique, technique rationnelle doublée d’une science ; les Grecs ne se contentaient pas de perfectionner et de transmettre des recettes et des solutions particulières : ils dégagèrent des principes généraux, transposables à des cas variés. Leur plus illustre représentant fut Archimède, dont les études sur les machines simples (levier, engrenage à vis sans fin, etc.), les corps flottants, l’optique (miroirs ardents) ou la géométrie sont encore enseignées de nos jours. D’autres savants construisirent des automates utilisant poids, arbres à cames et poulies. Au Ier siècle apr. J.-C., Héron d’Alexandrie expérimenta la force motrice de la vapeur d’eau dans l’éolipile. Enfin, les cités grecques, si souvent en guerre, mirent au point un arsenal de machines de guerre plus perfectionnées que les béliers des vieux empires orientaux : balistes, catapultes, mines, tours roulantes de 50 m de haut à pont-levis permettaient d’attaquer des fortifications qui, en réponse, évoluèrent.

L’urbanisme grec bénéficia lui aussi de tous ces progrès. Des villes comme Samos ou Milet furent reconstruites suivant un plan régulier, dotées d’aqueducs et de canalisations enterrées. Avec sa bibliothèque et ses écoles, Alexandrie, sous le règne des successeurs d’Alexandre le Grand qui protégeaient l’art et la science, fut le centre du savoir et de la technique hellénistiques.

5.2.2 Les limites des techniques grecques

On s’est souvent demandé pourquoi les mécaniciens grecs de cette époque, si avancés sur le plan théorique, n’avaient pas appliqué leurs idées à la vie économique ; pourquoi, au fond, ce foisonnement de machines n’avait pas déclenché une « révolution industrielle «. Il manquait simplement des éléments essentiels au développement du machinisme. D’abord, le choix des matériaux était très réduit. La plupart des machines étaient en bois, en cuir et en fibres végétales, ce qui limitait la précision, la solidité, l’étanchéité des montages ; les métaux restaient rares et chers. On ne pouvait parvenir à une industrie de la machine à vapeur car on ignorait tout des phénomènes de pression, on niait l’existence du vide et aucun usinage de précision n’était réalisable, faute d’outils adéquats et d’instruments de mesure. De plus, l’unique source d’énergie thermique de l’époque, le bois, n’aurait pas suffi ; il se raréfiait déjà, absorbé par les constructions.

Enfin, à quoi auraient servi ces machines à vapeur ? Ni à actionner les métiers à tisser (en bois, donc trop fragiles) ni à pomper l’eau des mines (le problème ne se posait pas). Cela montre, bien au-delà du cas particulier des Grecs, que toutes les techniques dépendent les unes des autres. Même si, marginalement, quelques secteurs progressent — comme les techniques militaires, puisqu’il s’agit de problèmes de vie ou de mort — pendant que d’autres stagnent, leur développement ne peut sortir du cadre limité par le niveau moyen du système, la demande du marché, le savoir et la culture de la société.

Voir aussi Grèce antique.

5.3 L’Empire romain
5.3.1 L’héritage des techniques grecques

En 205 av. J.-C., les Romains vainquirent les armées macédoniennes et s’installèrent en Grèce. Ainsi, l’Empire romain (de 27 av. J.-C. à 476 apr. J.-C. pour l’empire d’Occident), succédant à la République romaine, adopta en grande partie la civilisation, la science et les techniques grecques. Observateurs consciencieux, les Romains inventèrent le verre à vitre, le moulin à eau — qu’ils utilisèrent très peu —, différents outils élémentaires (vilebrequin, rabot, certains modèles de scies). Dans le domaine militaire, ils améliorèrent des armes, telles que le javelot et la catapulte. En agriculture, ils perfectionnèrent l’usage des engrais et introduisirent la culture de la vigne en Gaule. Les auteurs romains poursuivirent l’œuvre encyclopédique de l’école d’Alexandrie. On peut citer Vitruve, dont le traité d’architecture traite de la construction en général et des matériaux.

5.3.2 Les grandes constructions

La stagnation technique était un facteur d’ordre. Les Romains excellaient en matière d’organisation (droit romain), de construction et d’aménagement de l’espace. La dynastie des Flaviens (69-96 apr. J.-C.), soucieuse de se faire apprécier du peuple, entreprit un vaste programme de travaux publics. L’imposant amphithéâtre baptisé le Colisée, destiné à accueillir les combats de gladiateurs et certaines batailles très populaires, fut sa plus célèbre réalisation (voir amphithéâtre). Les Romains fondèrent une civilisation urbaine qui bénéficia d’une longue période de paix, la pax romana (IIe siècle apr. J.-C.), lors du règne des Antonins (96-192 apr. J.-C.).

Appliquant les techniques de l’architecture grecque, à laquelle ils ajoutèrent quelques nouveautés (coupole, charpente triangulaire, ponts voûtés), les Romains entreprirent de gigantesques constructions : ports abritant des flottes imposantes, fortifications, temples, tombeaux. En utilisant un ciment résistant à l’eau et en appliquant le principe de l’arche, les ingénieurs romains construisirent près de 300 000 km de routes pour l’administration, la défense et le commerce. Ils multiplièrent les arcs à grande échelle, notamment les arcs semi-circulaires pour les bâtiments profanes comme les amphithéâtres, les palais et les aqueducs. En revanche, leurs temples conservèrent le système pilier-linteau des Grecs ; parmi les quelques rares exceptions à cette règle figure le Panthéon de Rome. Ils édifièrent également de nombreuses arènes, des thermes publics et des centaines d’égouts pour une meilleure salubrité dans Rome, qui était alors la capitale du « monde civilisé «.

Cette organisation civile et militaire ainsi que ses nombreux équipements permirent aux Romains de conquérir des peuples qui leur étaient parfois supérieurs dans certaines techniques. Par exemple, les Gaulois, nettement plus créatifs, avaient bâti des villes fortifiées qui avaient fait l’admiration de César, et possédaient un artisanat très développé (forges, tonnellerie, etc.) ; les Germains savaient mieux travailler le fer. L’Empire romain d’Occident tomba d’ailleurs sous leur coupe en 476 apr. J.-C. ; l’Empire byzantin dura cependant jusqu’au XVe siècle de notre ère, sans innover plus que ne l’avaient fait les Romains de l’Antiquité.

Les Arabes, qui bénéficièrent également de l’héritage gréco-latin, inventèrent peu ; mais leur zone de conquête englobait des cultures très diverses, dont ils surent exploiter et diffuser les apports : chiffres indiens (dits « arabes «), chevaux iraniens (dits « arabes «), plantes médicinales andalouses, etc.

6 LE MOYEN ÂGE

L’Empire romain occidental assurait protection, paix, prospérité des échanges et de la vie intellectuelle. Après sa disparition, l’Europe occidentale traversa six siècles agités : invasions barbares, guerres, épidémies, famines réduisirent de moitié la population française. Jusqu’au XIe siècle, la situation fut donc défavorable à tout progrès, à part les techniques de navigation scandinaves (drakkar). Une partie de l’héritage antique fut oubliée ; elle ne fut conservée qu’à Byzance et dans les royaumes arabes.

À partir du XIe siècle, la chevalerie européenne opposa une résistance efficace aux invasions ; la paysannerie entreprit de grands défrichements en raison d’une croissance démographique importante.

6.1 L’architecture

Certains ordres monastiques (cisterciens, etc.), qui avaient précieusement conservé les œuvres de l’Antiquité, expérimentèrent et organisèrent de nouvelles techniques agricoles et artisanales. Les abbayes devinrent des centres d’innovation et leurs écrits permirent de répandre l’information. La civilisation urbaine renaquit alors, utilisant ce qui restait des équipements romains (routes, bains publics), et en créant de nouveaux monastères, palais, cathédrales où apparurent le vitrail, la voûte et les arcs-boutants. De plus, les savants du Moyen Âge exprimaient un véritable enthousiasme technique et désiraient accomplir, voire dépasser, les exploits de l’Antiquité gréco-romaine. Les contacts avec les cultures byzantine et islamique enrichirent encore leurs perspectives. Les croisés (voir croisades) rapportèrent de Palestine et de Syrie des fruits et des légumes exotiques (artichauts), ainsi que l’architecture du château fort en pierre.

6.2 Les sources d’énergie

L’évolution la plus importante concerna les sources d’énergie. D’abord, une série d’inventions permit d’employer plus efficacement l’énergie animale : la principale fut le collier d’épaule, grâce auquel le cheval put tirer sans s’étrangler des véhicules dépassant 500 kg, ou des charrues labourant des sols profonds. Cela conduisit à une meilleure productivité agricole. On développa également des races de chevaux plus lourds.

Surtout, le moulin à eau, dès l’an mille, se diffusa en Europe et fournit une puissance mécanique jusque-là inconnue. Il entraînait non seulement les meules à grain, à bière ou à huile de l’industrie agroalimentaire, mais également des scieries débitant le bois, des appareils brassant étoffes et teintures, des meules à aiguiser, des marteaux pour broyer les minerais, des soufflets de forge grâce auxquels la métallurgie fit ultérieurement de grands progrès (invention du haut-fourneau). On construisit ainsi de petites usines en Europe ; le moulin à eau resta la principale source d’énergie jusqu’au XIXe siècle. Le moulin à vent, provenant d’Iran, se répandit à la fin du Moyen Âge.

Le moulin à eau suscita d’autres innovations. Pour entraîner tous ces appareils, on perfectionna les mécanismes hérités de l’Antiquité et l’on inventa un dispositif capital : le couple bielle-manivelle, transformant le mouvement rotatif en mouvement alternatif, et sans lequel la révolution industrielle n’aurait probablement pas eu lieu. La plupart de ces mécanismes étaient encore en bois et en pierre, mais leur pratique, jointe au travail des métaux qui se développait (armures), permit de réaliser, au XIVe siècle, des engrenages métalliques et d’inventer une machine essentielle de la civilisation industrielle : l’horloge. En effet, cette dernière amena l’Occident à une notion du temps entièrement nouvelle, notamment pour l’organisation du travail et de la vie sociale ; elle constitua également un instrument de mesure, qui permit de développer certaines sciences : physique, navigation, etc.

En Europe, la redécouverte de la poudre à canon, connue depuis mille ans en Chine, conduisit à la fabrication d’armes à feu. Les canons allaient bouleverser non seulement l’art de la guerre, mais aussi l’organisation politique de l’Occident et, plus tard, du monde (voir artillerie).

6.3 La navigation

Héritant de deux traditions navales très différentes, celle des Vikings dans l’Atlantique et celle des Méditerranéens, les Européens conçurent le gouvernail d’étambot, les « châteaux «, la boussole, une voilure et une triple mâture qui permirent de remonter au vent. De nouveaux types de bateaux marchands firent la fortune des cités portuaires, de la mer Baltique à Gênes et à Venise. Espagnols et Portugais introduisirent la caravelle, navire des explorations lointaines et des grandes découvertes (voir exploration géographique).

6.4 L’imprimerie

L’avènement de l’imprimerie allait révolutionner la vie intellectuelle. Au IIe siècle apr. J.-C., les Chinois avaient inventé le papier (en 105) et les premières techniques d’impression — notamment sur tissus. Mais ces innovations ne parvinrent au monde occidental que bien plus tard. Elles furent complétées par celles de la presse typographique et des caractères mobiles, mis au point par l’imprimeur allemand Johannes Gutenberg vers 1450, ainsi que des encres adhérant au métal. Ainsi, une innovation réussie ne se réduit jamais à une seule idée : elle nécessite un ensemble cohérent d’inventions et de compétences.

Voir aussi imprimerie.

7 L’ÉPOQUE MODERNE

Pendant cette période, l’évolution technique fut un processus continu ; des savoir-faire, des modes de vie et des métiers traditionnels disparurent, des provinces et des villes autrefois prospères perdirent leur richesse au profit d’autres régions, mais ce fut toujours par un processus de destruction-création caractéristique du progrès technique. Celui-ci n’a plus subi de grand recul ou de stagnation sur une longue période. Malgré la guerre de Cent Ans (XIVe et XVe siècles) et la peste noire (XIVe siècle), qui tuèrent un tiers des populations française et britannique, le progrès technique n’a, en fait, cessé de s’accélérer. En effet, la mémoire des techniques était préservée par des écrits de plus en plus diffusés ; parmi une population croissante, réclamant toujours plus de biens et d’énergie, les savants étaient de plus en plus nombreux et se rencontraient, confrontaient leurs inventions (que ce soit par la conversation, la correspondance ou la guerre), s’inspiraient mutuellement de nouvelles idées. Les progrès de la communication, de plus en plus rapide et dense, ainsi que la concurrence, stimulèrent l’innovation.

7.1 La démarche scientifique

À partir du XVIIe siècle, un facteur nouveau, la science, intervint dans le processus d’innovation. Jusque-là, seule la mathématique avait joué un rôle, d’ailleurs limité, dans le progrès de la mécanique statique et de l’architecture depuis les Grecs. Les savants prirent désormais en compte les corps en mouvement : Galilée démontra aux artilleurs que leurs projectiles décrivaient des trajectoires paraboliques, jetant les bases de la balistique, et plus généralement de la mécanique dynamique. Blaise Pascal mit en évidence les notions de pression et de vide, dont les applications techniques furent nombreuses (hydraulique, machine à vapeur).

Toutefois, la science moderne, qui naquit à cette époque avec la physique, ne pouvait encore déboucher sur des applications techniques très variées. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, on ne peut guère citer que les instruments de mesure, que les savants inventaient ou perfectionnaient pour leur propre usage, et qui devinrent des éléments du système technique nécessitant toujours plus de contrôle et de précision. La machine à vapeur fut créée par des techniciens qui connaissaient ces notions générales, mais le principe scientifique de son fonctionnement, objet de la thermodynamique, ne fut découvert qu’au XIXe siècle. Ce domaine de la physique permit ensuite de grands progrès dans les moteurs thermiques.

On associa plus étroitement la science à la technique dans deux nouveaux secteurs : la chimie moderne, dont l’avènement est attribuée à Lavoisier à la fin du XVIIIe siècle, et l’électricité, développée au cours du XIXe siècle. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, la frontière entre science et technique s’estompa, et l’on put même parler de « techno-science «.

La raison majeure de ce rapprochement relève de l’éducation. À la Renaissance était apparu un personnage nouveau, l’ingénieur. Il se distinguait de l’artisan par sa culture scientifique, qui lui permettait d’innover dans des domaines très distincts. Le meilleur exemple en est Léonard de Vinci, qui s’efforça toute sa vie de systématiser le savoir technique en cohérence avec la science — projet fascinant, mais irréalisable à l’époque. À partir du XVIIIe siècle se créèrent en Europe des écoles où l’on formait les futurs ingénieurs.

Inversement, la science, en devenant expérimentale, nécessitait de plus en plus d’appareillage technique. Toutefois, la science et la technique sont restées deux activités distinctes qui ne poursuivent pas les mêmes buts : la science vise à expliquer les phénomènes, la technique, à réaliser des dispositifs qui fonctionnent, même si l’on n’en comprend pas toujours le principe.

7.2 La révolution industrielle

La population européenne tripla entre le XVe et le XIXe siècle, dans les campagnes et surtout dans les villes. Par exemple, en 1600, Londres et Amsterdam comptaient 100 000 habitants et Paris plus de 200 000. Pour subvenir aux besoins de cette population croissante, il fallut augmenter les rendements agricoles : l’agronomie se développa.

7.2.1 L’industrie textile

Pour vêtir une population croissante, on introduisit de nouvelles matières, comme le lin ou le coton, qui permirent de diffuser, à partir du XVIIIe siècle, d’une part des vêtements plus légers que les habits de drap, d’autre part le linge de corps. En Angleterre, les seigneurs étendirent l’élevage du mouton pour répondre à la demande de laine. Les campagnes jusque-là cultivées furent transformées en pâturages fermés par des haies (enclosures) ; les cultivateurs furent chassés et réduits soit à la mendicité, soit au travail salarié dans l’industrie. Ce fut le premier grand changement social lié à la révolution industrielle, qui allait provoquer partout l’exode rural.

Le développement de l’industrie textile était favorisé par la forte demande et par l’existence d’une main-d’œuvre nombreuse, et donc bon marché. Les propriétaires accumulèrent des capitaux réinvestis dans cette industrie et dans d’autres activités. Ainsi, au XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, apparurent des techniques de production de masse destinée à la classe moyenne. Des inventions telles que la navette volante et les machines à carder de John Kay (1735), le métier continu à l’eau de Richard Arkwright, le métier à filer de James Hargreaves et la mule jenny de Samuel Crompton (1777) fondèrent un nouveau système industriel, où chaque innovation en entraîna d’autres : chaque progrès dans le tissage accroissait la capacité de production ; la filature devait innover à son tour pour répondre à la demande de fil et devenait bientôt excédentaire, déclenchant un nouveau cycle. Entre 1790 et 1830, plus de 100 000 métiers mécaniques équipés de 9 330 000 fuseaux furent mis en service dans les îles Britanniques.

L’une des innovations parmi les plus importantes dans le tissage fut introduite en France en 1801 par Jacquard ; il s’agit d’un métier automatique qui utilisait des cartes perforées permettant de déterminer l’emplacement des fils dans la chaîne. Dès 1820, plus de 10 000 métiers Jacquard fonctionnaient en Europe.

Voir aussi textiles.

7.2.2 La navigation

La navigation fut l’une des technologies de pointe de l’époque moderne. La construction navale accumula des trésors de connaissance — connaissance des matériaux, du jeu des forces, de l’équilibre des masses — grâce à l’expérience pratique et aussi à l’espionnage entre les grandes puissances. La rame avait été pratiquement abandonnée, depuis la fin du Moyen Âge, par les navires dont les formes se spécialisèrent pour différents usages. Plus encore que le navire, l’art de naviguer se transforma radicalement. Les cartes, les tables de trigonométrie, l’astrolabe, le loch permirent de se diriger, en pleine mer, plus précisément qu’à la simple estimation.

Par ailleurs, la navigation induisit des progrès dans de nombreuses branches d’activité, notamment dans la fabrication des instruments de mesure et surtout des chronomètres, où s’illustrèrent de grands techniciens comme les Breguet. C’est avec l’horlogerie que se développa un nouveau secteur industriel, la mécanique de précision. Le commerce maritime permit de drainer des ressources de tous les continents et de concentrer, dans les grands centres (Venise, Anvers, Londres, New York, etc.), des richesses que l’on réinvestit ensuite dans l’économie et l’innovation.

Voir aussi construction navale.

7.2.3 L’artillerie et la métallurgie

L’artillerie fut, elle aussi, un moteur du progrès technique. Ce rôle vaut aussi bien pour les canons du XVe siècle que pour les missiles actuels. Instrument décisif du pouvoir et de la survie des États, elle eut la faveur des gouvernants et bénéficia de budgets considérables. Non seulement sa propre histoire est une longue suite de perfectionnements, mais elle a entraîné d’autres secteurs à sa suite, comme le secteur minier et la métallurgie, qui se sont fortement développés depuis la fin du Moyen Âge pour fournir les métaux nécessaires aux tubes et aux projectiles.

Dans les mines, on apprit dès la Renaissance à aérer les galeries, à faire sauter des blocs à l’explosif, à transporter le minerai dans des wagonnets sur des rails, à le remonter à l’aide de treuils perfectionnés. En métallurgie, on mit au point de puissantes souffleries hydrauliques et des hauts-fourneaux, dans lesquels on prépara la fonte ; le laminage — la laminoir fut inventé à Liège au XVIe siècle —, remplaça avantageusement le martelage dans la production des tôles. Les progrès accomplis dans ces domaines provoquèrent la baisse du prix des métaux, qui purent être employés dans d’autres activités à la place du bois. Avec des outils plus solides et plus précis, les activités industrielles devinrent à leur tour plus productives.

7.2.4 Les machines

Grâce aux progrès de la métallurgie, des machines complexes, imaginées depuis longtemps, mais qui étaient irréalisables avec les matériaux organiques, purent être construites. Pour travailler le métal, il fallut mettre au point de nouvelles machines-outils ; c’est l’essentiel de l’œuvre d’ingénieurs du XVIIIe siècle comme Vaucanson, plus connu pour ses automates. Le besoin des hauts-fourneaux en combustible, combiné avec la demande en bois de chauffage et de construction, déclencha l’exploitation intense des forêts et d’une nouvelle source d’énergie, le charbon. La demande croissante en métal et en charbon obligea à creuser des mines de plus en plus profondes. On se heurta bientôt à un problème délicat : comment vider l’eau qui inondait les galeries souterraines ?

La solution fut inventée au cours du XVIIIe siècle. Il s’agit de la machine à vapeur, dont un premier prototype avait été imaginé par Denis Papin à la fin du XVIIe siècle. Notons à quel point celle-ci était solidaire de tout le système technique de son époque : par exemple, les pièces soumises à la pression (cylindres) étaient fabriquées grâce aux outils qui servaient à forer les canons. Les premières « machines atmosphériques «, ou « pompes à feu «, furent mises au point par le mécanicien anglais Thomas Newcomen. Elles furent transformées vers 1780 par l’Écossais James Watt en un véritable moteur universel, symbole de la première révolution industrielle.

Dépassant le pompage de l’eau, la machine à vapeur put entraîner les machines textiles, obligeant les entrepreneurs à concentrer celles-ci dans de vastes usines : ainsi naquit le capitalisme moderne. Les moyens de transport traditionnels ne suffisant plus pour acheminer les produits textiles, le charbon et les minerais, on combina vers 1820 différentes techniques : en installant une machine à vapeur sur un véhicule à roues, lui-même guidé par des rails empruntés aux galeries de mines, on inventa la locomotive, qui atteignit 100 km/h dès 1860.

7.2.5 Les transports

Au XIXe siècle, le chemin de fer unifia et rapprocha les marchés, favorisant encore la consommation et la production industrielles. Avec les navires, il facilita également la conquête et l’exploitation des continents nouveaux et des mondes colonisés. Parallèlement, les bateaux s’équipèrent du moteur à vapeur, s’affranchissant des capricieuses sources naturelles d’énergie, le vent et l’eau, puis furent propulsés par la roue à aubes et par l’hélice (Frédéric Sauvage, 1837) ; on commença à construire les navires en fer (ligne Paris-Le Havre, 1823).

La gestion de ces vastes réseaux de transport posa rapidement des problèmes : accidents ferroviaires, défaut de correspondance, tarification, assurances, etc. Pour les résoudre, il fallut innover dans un nouveau domaine, celui des méthodes de gestion et surtout de l’information. Si le télégraphe de Chappe avait été établi pour les besoins de l’administration civile et militaire française, le télégraphe électrique inventé par Morse aux États-Unis (1832) se répandit dans le monde entier en suivant les lignes de chemin de fer, puis les lignes de navigation (câbles sous-marins).

Voir aussi révolution industrielle.

7.3 La « deuxième révolution industrielle «

La première industrialisation avait été centrée sur la machine à vapeur, les industries textiles, métallurgiques et minières, les chemins de fer et la navigation. Au début du XXe siècle apparurent de nouvelles activités : production d’électricité et de pétrole, industries chimique, automobile, puis aéronautique, sans oublier les moyens de communication de masse.

7.3.1 La chimie

Les textiles nécessitent des produits de lavage et de teinture ; la métallurgie incite à mieux connaître les minéraux et leurs réactions. Ce sont deux raisons importantes du développement de la chimie. Une chimie empirique, purement technique et parfois associée à la pharmacie, existait depuis longtemps. Les travaux des physiciens, qui permettaient d’approfondir les connaissances de base et les méthodes expérimentales, conduisirent à un profond changement à la fin du XVIIIe siècle, quand Lavoisier découvrit la composition de l’air et le principe de la combustion, fondant la science chimique. Un élève de Lavoisier, DuPont de Nemours, avait fuit la France révolutionnaire et s’était installé aux États-Unis en 1799 pour produire de la poudre à canon, créant la firme qui porte son nom (et qui devait, cent trente ans plus tard, mettre au point le Nylon).

En fait, les premières applications de la chimie à grande échelle datent de la seconde moitié du XIXe siècle. L’Allemagne s’en fit le champion, avec les inventions de Liebig et la création d’une industrie des colorants de synthèse (aniline), puis des engrais, avec leurs dérivés : explosifs et gaz de combat. Le charbon fournissait une abondante matière première à cette industrie (production de gaz d’éclairage et de goudron) ; en Europe, à partir de 1945, le pétrole devint une importante source d’énergie.

7.3.2 L’électricité

L’électricité avait connut trois âges successifs. De l’Antiquité au XVIIIe siècle, on ne connaissait que l’électricité statique, produite par frottement, dont la seule application fut l’invention du paratonnerre par Benjamin Franklin.

En 1800, Volta inventa la pile, produisant pour la première fois un courant continu, maîtrisé ; celui-ci permit de fonder, d’une part une science de l’électricité (travaux d’Ørsted, Ampère, Faraday), d’autre part une première industrie électrotechnique : électrodéposition, télégraphie, électrochimie, fabrication d’électroaimants et des premiers moteurs électriques (Zénobe Gramme, 1871).

La troisième époque commença lorsque l’on s’aperçut que le principe du moteur était inversable : s’il recevait un mouvement rotatif, le dispositif produisait du courant continu ou alternatif. La dynamo et l’alternateur en découlèrent, et l’électricité s’imposa comme source d’énergie à partir de 1880. À la fin du XIXe siècle, l’ampoule électrique, inventée par Thomas Edison, commença à remplacer les bougies et les lampes à huile ; en l’espace de trente ans, chaque nation industrielle se mit à produire de l’électricité. Les alternateurs étaient mûs par les sources primaires disponibles : eau entraînant des turbines, machines à vapeur dans les centrales thermiques, remplacées à partir des années 1960 par des cœurs nucléaires. La construction de barrages, de centrales et de réseaux de distribution exigea d’immenses efforts scientifiques et technologiques, qui firent de l’électricité, dans tous les sens du terme, un moteur du progrès technique contemporain.

Voir aussi production et distribution de l’électricité ; centrale nucléaire ; énergie nucléaire.

7.3.3 L’automobile

En 1770, le Français Joseph Cugnot construisit le fardier à vapeur, premier véhicule automobile, c’est-à-dire se mouvant par lui-même. En fait, l’histoire de l’automobile commença réellement avec la mise au point de moteurs autonomes suffisamment légers pour être posés sur les châssis fournis par les carrossiers : machines à vapeur d’Amédée Bollée, qui permirent, dès les années 1870, de mettre en service des lignes d’autobus ; moteur à explosion (voir moteur à combustion interne) auquel contribuèrent notamment Lenoir, Benz et Levassor dans les années 1880.

Les premières courses automobiles provoquèrent une émulation qui stimula l’esprit inventif des mécaniciens. On atteignit 100 km/h en 1900, époque où des centaines de constructeurs se lancèrent. Les voitures électriques ou à vapeur circulèrent jusqu’aux années 1920, mais, dès le début du siècle, la structure générale d’une « automobile à pétrole « était fixée. Les progrès visèrent à améliorer non seulement la vitesse et l’accélération, mais aussi le contrôle, le confort et la sécurité : freinage, pneumatiques, carrosserie, transmission furent perfectionnés par des milliers d’ingénieurs et de techniciens. Mais l’automobile n’est pas qu’une technique, elle a transformé les modes de vie et de déplacement, les paysages urbains et ruraux, à tel point qu’elle est devenue le principal accusé dans maints problèmes d’environnement.

Voir aussi industrie automobile ; pollution automobile.

7.4 La « troisième révolution industrielle «
7.4.1 L’aéronautique

L’aviation a suivi un parcours assez comparable à l’industrie automobile, ses pionniers étant souvent issus du milieu de l’automobile, dont ils utilisaient notamment les moteurs. Ils bénéficiaient d’une certaine connaissance du voyage aérien, grâce aux ballons développés depuis les expériences des Montgolfier, Blanchard et Pilâtre de Rozier sous Louis XVI. Des dirigeables avaient été lancés en France dès 1851. Dans les années 1890, Clément Ader avait réussi à décoller sur un avion propulsé par une machine à vapeur ultralégère, mais ses expériences, financées par l’Armée, étaient restées secrètes.

Ce furent les essais de planeur et de cerf-volant (Lilienthal, Chanute, les frères Wright, ferber) qui apportèrent les bases nécessaires non seulement pour décoller, mais surtout pour se diriger, pour piloter. En cela, les maîtres furent les frères Wright. Après des décennies de tâtonnements, les progrès s’accélérèrent. En 1908, le Français Louis Blériot parcourut 40 km à 80 km/h. À la fin de la Première Guerre mondiale, pendant laquelle 50 000 avions furent construits en France par 102 usines, on pouvait voler à plus de 300 km/h sur des centaines de km.

Le facteur décisif de l’évolution des avions fut le progrès en performance des moteurs : l’accroissement de la vitesse et de l’altitude obligea à améliorer l’aérodynamique et la résistance des structures ; le monoplan s’imposa vers 1930, suivi par les carlingues métalliques et par le train d’atterrissage rétractable. La Seconde Guerre mondiale fit faire des progrès rapides à l’aviation (voir aviation militaire). L’innovation la plus spectaculaire fut la mise au point du moteur à réaction, qui allait progressivement remplacer les moteurs à piston et à hélice. La forme des avions continua à évoluer en conséquence : ailes en V, ailes delta.

Les fusées modernes furent développées simultanément, en Allemagne sous le IIIe Reich, puis aux États-Unis, en URSS, en France, en Grande-Bretagne. Les anciens collaborateurs de Wernher von Braun devinrent ainsi les premiers techniciens des programmes spatiaux (voir exploration de l’espace).

7.4.2 Les nouveaux matériaux et la maîtrise du vivant

L’évolution des véhicules terrestres ou aérospatiaux illustre bien la riche variété de matériaux qui caractérise le système technique contemporain. Depuis un siècle, la métallurgie est passée maître dans la production de métaux et d’alliages optimisés pour des usages précis. La chimie a participé à cette diversification et a surtout permis de fabriquer une gamme extraordinairement étendue de matériaux synthétiques (matières plastiques, résines, carbones, verres, etc.). Alliages légers, matériaux composites, voire céramiques, entrent de plus en plus dans la composition des objets de notre monde, qu’il s’agisse de voitures, d’avions ou d’articles de sport.

La maîtrise du vivant connaît elle aussi une véritable explosion. C’est, d’une part, la médecine et la chirurgie qui ont fait reculer la plupart des maladies, ainsi que l’âge moyen de la mort, au prix d’une invasion de la technique dans les corps et le système hospitalier. C’est, d’autre part, la révolution agronomique qui, à partir du XVIIIe siècle, a permis de nourrir des populations en forte croissance, mais a également favorisé le dépeuplement des campagnes. Aujourd’hui, le génie génétique permet d’intervenir sur les fonctions de reproduction des espèces animales et végétales (voir clonage), et de pousser plus loin que jamais la domestication de notre environnement.

7.4.3 Les technologies de l’information

Au cœur du système technique contemporain, l’électronique permet la communication et le contrôle sans lesquels ce système ne fonctionnerait pas. Les technologies de l’information ont emprunté les composants disponibles à chaque époque : mécaniques dans les machines à calculer (Blaise Pascal, 1642) ou à écrire (vers 1870), dans les dispositifs électromécaniques puis électroniques. Les télécommunications par fil, télégraphe puis téléphone, se sont développées depuis la seconde moitié du XIXe siècle en utilisant les dispositifs électromécaniques : relais, câbles, microphones, etc. L’invention du tube électronique, en 1905, permit l’essor des télécommunications sans fil : radio et télévision à partir des années 1940. La course aux hautes fréquences ouvrit des applications variées : radar et radionavigation, faisceaux hertziens, etc.

Le traitement de l’information et le calcul automatique suivirent la même évolution, avec un décalage de quelques dizaines d’années, les nombreuses pièces incorporées dans chaque machine devant être très fiables. Une industrie des machines comptables et des machines à cartes perforées (machine d’Hollerith, 1890) s’était développée depuis la fin du XIXe siècle pour répondre aux besoins de contrôle et de gestion des grandes administrations (recensement, armées, finances) et des réseaux (chemins de fer). À la faveur de la Seconde Guerre mondiale et des urgences qu’elle imposa, des ingénieurs britanniques et américains construisirent les premiers calculateurs électroniques (Colossus, 1943, ENIAC, 1945). L’idée de les programmer, non plus par des câblages matériels mais par des instructions symboliques enregistrées en mémoire (« logiciels «), conduisit à la réalisation des premiers ordinateurs vers 1950, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. L’industrie américaine s’imposa d’emblée, avec Univac et IBM au premier rang. Les composants étaient alors encore des pièces hétérogènes empruntées à des secteurs voisins : tubes radio, écrans et mémoires de radars.

À partir de la fin des années 1950, ils furent supplantés par les semi-conducteurs : transistors (inventés en 1948 aux laboratoires Bell d’ATT), puis circuits intégrés. En 1973, la mise au point des premiers microprocesseurs (Intel 8008) permit de construire des micro-ordinateurs, qui allaient bouleverser l’industrie informatique et le monde du travail. Simultanément, les circuits intégrés furent jugés suffisamment fiables pour être utilisés dans les systèmes de télécommunications. Ceux-ci, jusque-là analogiques, devinrent numériques et purent désormais être connectés avec les ordinateurs. Cette convergence de l’informatique et des télécommunications se manifesta par la mise en service de Transpac et du Minitel en France, d’Arpanet et d’Internet aux États-Unis puis dans le monde entier.

8 OPTIMISME ET DÉSILLUSIONS

L’optimisme technologique, déjà présent chez les ingénieurs du Moyen Âge et de la Renaissance, est devenu, avec la philosophie du siècle des Lumières et la révolution industrielle, une véritable idéologie. Des réalisations telles que le canal de Suez (1859) et celui de Panamá (1905-1914), la construction de la tour Eiffel (1889), ou la conquête spatiale créèrent en leur temps un sentiment de fierté nationale, d’admiration et de confiance, renforcé par la propagande des États et la publicité commerciale. Des inventions telles que le téléphone, la radio, le moteur à explosion et l’avion permirent non seulement d’améliorer la vie de leurs utilisateurs, mais ajoutèrent également au respect que la société éprouvait à l’égard de la technologie. L’acceptation des innovations, l’idée que la nouveauté est bonne en elle-même, a imprégné les esprits, dans des sociétés industrielles caractérisées par une mobilité croissante, des communications rapides et une quantité considérable d’informations issue des médias.

Des doutes et des critiques vis-à-vis du progrès n’ont jamais cessé d’exister. Ils ont été renforcés par les contradictions de la civilisation moderne et par les catastrophes technologiques, envisagées ou constatées. Tout d’abord, en rationalisant la production, la révolution industrielle a engendré la division du travail en tâches parcellaires, provoquant la déqualification des travailleurs qui les exécutaient. Le travail des hommes, des femmes et des enfants devint une matière première comme une autre dans le processus de production. Cette évolution a été critiquée à la fois par les syndicats ouvriers et par ceux qui, d’un point de vue philosophique, dénonçaient la dégradation de la personne humaine.

La question se renouvelle aujourd’hui avec le remplacement de la force de travail par des systèmes automatisés, les changements brusques et radicaux du mode de vie, qui constituent un véritable choc social et culturel (voir automatisation).

Par ailleurs, pendant la Première Guerre mondiale, des millions d’hommes ont été tués ou mutilés par les produits les plus élaborés de la science et de la technique (voir guerre chimique et bactériologique). La grande crise des années 1930 a considérablement augmenté le chômage et fait perdre à beaucoup la confiance dans les vertus de l’économie libérale. En outre, au terme de la Seconde Guerre mondiale, l’humanité découvrit que les techniques pouvaient être utilisées à des fins meurtrières atroces : d’une part, les camps de concentration ou d’extermination nazis ou japonais confirmèrent que le progrès des techniques et de l’organisation ne s’accompagne guère d’un progrès moral ; d’autre part, si la bombe atomique eut le mérite de précipiter la fin de la guerre et du régime totalitaire nippon, elle apparut bientôt comme une menace généralisée pour la vie sur Terre (voir prolifération nucléaire).

Même l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, pour la production d’électricité, a fini par inspirer des méfiances et des critiques violentes, aboutissant à l’arrêt des programmes de construction de centrales dans différents pays. Les doutes portent sur les risques de pollution radioactive ou thermique, sur le problème à long terme des déchets ; ils ont été confirmés par plusieurs catastrophes, notamment celle de Tchernobyl, advenue précisément dans un pays où l’idéologie communiste n’admettait aucune critique contre le progrès technique, considéré comme intrinsèquement bénéfique. Ainsi, il semble que les problèmes créés par la technologie ont été principalement causés par l’absence de prévision ou de prise en compte de ses effets annexes.

Voir aussi pollution atmosphérique ; écologie ; économies d’énergie ; couche d’ozone ; pluies acides ; retombées radioactives.

Bien que la technologie du XXe siècle se soit répandue depuis l’Europe et les États-Unis à d’autres grandes nations comme le Japon, elle n’a guère pénétré certaines régions du monde. Lorsqu’elle l’a fait, l’introduction de la technique occidentale dans des économies traditionnelles a enfermé celles-ci dans la dépendance à l’égard des produits occidentaux. La technique est généralement peu adaptée aux habitants des pays vivant d’une agriculture de subsistance. Au cours de ces dernières années, des efforts ont été entrepris par des organismes internationaux pour développer des technologies répondant mieux aux besoins de ces populations, utilisant les techniques et les matériaux locaux (voir pays en voie de développement).

Voir aussi anthropologie ; invention ; science.

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