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Le temps est-il un processus linéaire ?

Publié le 23/01/2004

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Le futur est-il la finalité du temps ? Des notions comme celle de progrès ou de modernité véhiculent sur ces questions un parti pris dont nous ne sommes pas toujours conscients.Le temps, on l'a vu, est vécu comme une force contraignante, qui s'impose à nous, dont nous sentons le poids que nous le voulions ou non. Nous le percevons à travers des processus physiques qui semblent en être la manifestation ; le mouvement des planètes, par exemple. Mais ce qu'il y a de paradoxal, c'est que dès que nous quittons l'expérience elle-même pour essayer de penser le temps en soi, nous sommes frappés par son caractère d'irréalité, voire d'illusion. Il apparaît insaisissable, frappé du signe du non-être : le passé, parce qu'il n'est plus, le futur parce qu'il n'est encore rien, le présent enfin, parce qu'il est fuyant ou que, selon le mot d'Augustin, tout son être se résume en ce qu'il tend toujours à ne plus être. Notre rapport avec le temps futur souffre de la même ambiguïté : nous le pensons à la fois comme la répétition du présent, son prolongement ou sa conséquence, et comme essentiellement nouveau, ouvert, imprévisible. Entre les cultures aussi, la perception du temps varie : est-il cyclique ou linéaire ? Quoi qu'il en soit, le temps reste une convention utile à la compréhension du réel et à l'organisation de la vie.NIETZSCHE: Le poids le plus formidable.

    Un processus consiste en une suite de phénomènes ou d’opérations présentant un caractère homogène et régulier, et aboutissant à un résultat déterminé. Dire d’un processus qu’il est linéaire, cela suppose en outre la succession de ses éléments constitutifs - ordonnés selon l’antérieur et le postérieur - et leur irréversibilité, c’est-à-dire qu’un élément antérieur à un autre ne peut pas lui être postérieur, et réciproquement. Un processus linéaire comprend donc les quatre propriétés fondamentales que sont l’homogénéité, la régularité, la successivité et l’irréversibilité.

     L’expérience quotidienne que nous faisons du temps semble nous confirmer qu’il obéit à un tel processus. En effet, nous expérimentons que les instants qui le composent sont homogènes et réguliers, car ils ne diffèrent pas en nature et se suivent uniformément, mais aussi ils sont aussi irréversibles, parce que nous sommes impuissants à en remonter le cours. Pourtant, nous les vivons différemment et leur prêtons des qualités différentes, de sorte qu’ils nous apparaissent bientôt comme radicalement hétérogènes. De même leur passage nous semble-t-il plus ou moins long, dépourvu de régularité. Enfin, la simple présence d’un souvenir à notre esprit suffit à faire vaciller notre certitude quant à la nature linéaire du temps. Ce qui n’était plus réapparaît et se superpose au moment actuel, de sorte que ces deux moments nous semblent simultanés.

     Cette première difficulté concernant le temps subjectif se double d’une autre lorsque nous le considérons dans son objectivité. En effet, le temps désigne aussi la mesure de la durée, obtenue en choisissant comme repère un événement ou en prenant comme unité la durée d’un mouvement régulier et observable. Or cette durée mesurée ne consiste pas nécessairement en un processus linéaire. Dans la Grèce antique, par exemple, la longueur des heures est différente suivant les moments de la journée ou les saisons considérées. Ainsi, il n’y a pas de référent absolu pour mesurer le temps.

     Notre réflexion tiendra compte de ces deux aspects du temps, à la fois subjectif et objectif, pour déterminer s’il consiste en un processus linéaire.

 

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« voûte céleste sont uniformes et déterminent des divisions égales de temps, si bien que le jour sidéral est d'unelongueur constante.

Mais le temps terrestre est inégal, car si le jour solaire se décompose en jour et nuit subdivisésen un nombre égal d'heures, cette longueur est variable suivant la saison.c.

La mesure du temps repose sur la régularité d'un phénomène.

Or, cette mesure est toujours relative à l'unité ouau phénomène pris en compte.

Dans l'antiquité, on se servait de l'uniformité d'un processus pour mesurer le temps.Ainsi, Ctésibios maintient constant le niveau de l'eau dans un des récipients de sa clepsydre pour lui permettre de s'écouler à vitesse constante dans un autre.

Les modernes se serviront quant à eux de la répétition périodique d'unphénomène dans son identité : par exemple, l'isochronisme du pendule, découvert par Galilée, en étudiant la chutedes graves le long des cordes d'un cercle placé verticalement, après avoir établi les lois du mouvement accéléré.

Parconséquent, le temps objectif consiste bien en un processus linéaire, mais relatif à l'unité de mesure utilisé, c'est-à-dire à une convention.

III.

Le temps scientifique est un processus linéaire, au contraire du temps de la conscience a.

Dans ses calculs, ses hypothèses et ses expérimentations, la science considère le temps comme un processuslinéaire.

En effet, un scientifique peut répéter un nombre invariable de fois les mêmes phénomènes qui obéissent à lamême succession.

Cependant, ce temps scientifique doit être distingué du temps de la conscience,fondamentalement simultané et hétérogène.

b.

Dans l' Essai sur les données immédiates de la conscience (ch2), Bergson distingue ainsi la durée pure de la durée spatialisée.

Le temps ne consiste pas enun processus linéaire.

En effet, la s uccession conçue comme juxtaposition suppose nécessairement la simultanéité.

Si un point A conscient de lui- même se déplace sur une ligne, alors la succession ne prend la forme d'une ligne que s'il peut s'élever au-dessus d'elle pour apercevoir simultanément plusieurs pointsjuxtaposés.

Il est vrai que la mesure de la durée suppose la représentation del'espace comme milieu homogène : par exemple, une minute composée de 60oscillations successives, dont chacune est juxtaposée à l'oscillation précédente.Mais la durée pure est hétérogène : ainsi, les oscillations régulières d'une horlogepeuvent inviter au sommeil de par leur seule organisation rythmique.c.

Si l'on réduit le temps vécu à un processus linéaire, c'est que la conscience anaturellement tendance à se représenter la durée sous forme d'espace.

Ainsi,une multiplicité indistincte, constituée d'unités spécifiques produisant unemodification de l'ensemble par leur addition, est réduite à une multipliciténumérique composée d'unités identiques, juxtaposées dans un milieu homogène.Par exemple, la perception d'une série de coups de marteau forme un progrèsdynamique que la conscience découpe en phases identiques en l'assimilant à sacause objective.

Conclusion Au terme de notre réflexion, l'assimilation du temps à un processus linéaire nous a semblé reposer sur uneconfusion.

Mais si cette dernière est si fréquemment répandue, c'est avant tout qu'elle repose sur la constitutionpropre de notre conscience tendant toujours à faire du temps de l'espace.

Ainsi, la succession des instantssupposant nécessairement une simultanéité devient pure juxtaposition d'éléments, et leur hétérogénéité se résouten homogénéité.

Penser le temps autrement qu'un processus linéaire constitue donc un défi à la représentationnaturelle que nous nous en faisons.. »

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