Devoir de Philosophie

LE THÉATRE DE DIDEROT

Publié le 15/06/2011

Extrait du document

diderot

 

J'ai dit, dans le chapitre premier de cette troisième partie, que Diderot n'avait été ni le premier ni le seul à se rendre compte d'une sorte d'épuisement des genres consacrés, de la comédie et de la tragédie strictement classiques. Lui-même a rappelé que la Sylvie de Landois et la Cécile de Mme de Graffigny étaient déjà des comédies bourgeoises. Mais ni la comédie larmoyant; ni l'opéra-comique, ni les parodies n'avaient discrédité la comédie sérieuse et réglée ou la tragédie noble et discoureuse. Quand on voulait conquérir la gloire et l'Académie c'est sur le succès d'une comédie ou d'une tragédie de ce genre qu'il fallait compter. Et Diderot lui-même est un novateur respectueux de cette tradition. Il n'a pas élevé autel contre autel ; il a simplement voulu, comme les Romains, construire un temple à un dieu nouveau, sans renverser les temples des anciens dieux. Il a fait l'éloge de la tragédie classique, notamment dans le Paradoxe, tout autant que sa critique. Il a répudié le mélange du tragique et du bouffon. Quand Mile Clairon demande pour la tragédie de Voltaire, Tancrède, un échafaud sur la scène il est d'avis que ce pathétique est de mauvais goût. Il a écrit une petite tragédie en prose et en un acte, les Pères malheureux, qui, imitée de l'idylle dramatique de Gessner, Eraste, a bien par la généralité des personnages (un père, une mère, deux enfants, un vieillard, un cavalier), par l'indétermination du lieu, les caractères d'une pièce classique. Il rédige un Avis à un jeune poète qui se proposait de faire une tragédie de Régulus. Pour le conseiller François Tronchin il a écrit, en vue de refondre une tragédie de celui-ci, le plan d'une tragédie en-prose, Terentia, ; et il lui donne des conseils pour d'autres tragédies, une Princesse de Portugal, un Prince de Condé, un Coriolan, sans jamais lui suggérer qu'il vaudrait mieux s'essayer dans le drame bourgeois. Là comme ailleurs, Diderot est sollicité entre des tendances contradictoires, son goût de l'ordre classique et son besoin de vie tumultueuse et pathétique.

 

diderot

« théâtre du XIXe siècle.

Non pas du tout le drame romantique comme pourrait le faire croire l'expression dramebourgeois et malgré l'importance donnée au décor dans ce drame romantique comme dans celui de Diderot.

Le drameromantique sort d'une part de la tragédie classique — quoi qu'il en ait — par le choix de personnages d'exceptionplacés dans des situations d'exception, par le goût des discours et tirades qui sont simplement lyriques au lieu d'êtreréglés par la rhétorique ; d'autre part, du mélodrame qui se développe à partir de 1760 et qui échappe sur beaucoupde points à la doctrine de Diderot ou qui la déborde ; et enfin, de conceptions; plus proprement romantiques, dushéros s et de sa destinée.

Mais la tragédie domestique et bourgeoise, ce sont toutes sortes de pièces écrites avantAugier et Dumas fils ; c'est ce théâtre d'Augier et de Dumas fils.

Le genre sérieux, intermédiaire entre le rire de lacomédie et les noires catastrophes de la tragédie, ce sont ces pièces, ces théâtres et beaucoup d'autres.

Lesconditions, ce sont des pièces beaucoup moins nombreuses parce que les caractères et les mœurs sont moinsinfluencés que ne le croit Diderot par les professions mais ce sont tout de même toutes sortes de pièces sur lesgens de justice, les gens de finance, les gens d'affaire, les journalistes, les politiciens, les gens de lettres, etc...,etc...

La pantomime et les tableaux, c'est le retour au jeu « vrai », l'importance donnée à la mise en scène, etc...Malheureusement, de cette doctrine si féconde Diderot n'a su tirer que des pièces d'une extrême médiocrité, mêmesi l'on s'en tient à celles qui sont les moins mauvaises, le Fils naturel et le Père de famille.La raison en est d'abord que ces pièces qui devraient être vraies, proches de la vie moyenne, sont des aventuresdont le romanesque est digne d'un roman feuilleton.

Sujet du Fils naturel t Dorval aime ou croit aimer une jeune fille,Rosalie.

Mais Rosalie est aimée ardemment par l'ami de Dorval, Clairville ; elle est sa fiancée, elle va l'épouser.

Ledrame se complique.

Rosalie qui aimait Clairville senti naître en elle un penchant irrésistible pour Dorval.

Clairville seronge bientôt d'inquiétudes et de soupçons.

Tout s'arrange.

Lysémond revient d'un voyage « aux îles » où sesparents l'avaient forcé de partir pour l'empêcher d'épouser la jeune fille qu'il aimait et qui lui avait donné un fils ; ils'est marié dans ces « climats éloignés » ; il a eu une fille ; Dorval et Rosalie sont ses enfants ! Mon fils, voilà ta soeur...

Ma fille, voilà ton frère:ROSALIE.

— Mon frère !DORVAL.

— Ma sœur !ROSALIE.

— Dorval !DORVAL.

— Rosalie ! Tout s'explique.

Ils obéissaient à la voix du sang.

Ils s'aimaient comme frère et soeurs Rosalie épousera Clairville, etDorval Constance, une jeune veuve qui l'aime et qui lui a prêché inlassablement la vertu et le renoncement.

Sujet duPère de famille : M.

d'Orbesson "père de famille" a un fils, Saint-Albin, et une fille, Cécile.

Saint-Albin s'est épris deSophie, a une jeune inconnue «, qui vit misérablement de son métier de lingère, qui est un « ange », qui a toutes lesbeautés et toutes les vertus et auprès de qui il passe pour un jeune homme d'humble condition et sans fortune.Mais, au xviiie siècle, le fils d'un M.

d'Orbesson n'épouse pas une pauvre lingère, même si elle est un ange, sans sedéshonorer et déshonorer les siens.

Le devoir du père, malgré le désespoir de Saint-Albin, est de s'opposer à cemariage.

Le drame se complique par le fait que le beau-frère du père de famille, « le commandeur » emploie lesgrands moyens.

Il obtient une lettre de cachet pour faire enfermer la jeune lingère et charge Germeuil, fils d'un amidu père de famille, son pupille et son protégé, de la faire exécuter en lui promettant beaucoup d'argent, car il estpauvre, et la main de Cécile fille du père de famille, car il l'adore.

Mais Germeuil est un noble coeur ; au lieu de livrerSophie aux exempts il la cache dans la maison même du père de famille, avec la complicité de Cécile.

Tout s'arrange,car on découvre que Sophie est la fille d'un frère du commandeur, mort dans la misère.

Elle est donc de bonne lignéeet elle épousera Saint-Albin, tandis que Cécile épousera Germeuil.

Rien de plus conventionnel que cesreconnaissances ; et d'ailleurs rien de plus banal, puisque c'est un ressort traditionnel de la tragédie du XVIIe siècle,de plusieurs tragédies de Corneille, de l' Iphigénie de Racine, de la Zaïre de Voltaire, etc...Au surplus, de pareils drames ne remplissent pas ou ne remplissent guère plusieurs des conditions si longuementcommentées par Diderot dans ses exposés du théâtre nouveau.

Ce n'est guère un théâtre bourgeois ; nous sommestout au moins dans la bourgeoisie riche avec le Fils naturel ; et nous sommes dans l'aristocratie avec le Père defamille, M.

d'Orbesson et son frère le commandeur, car c'est seulement pour une famille noble qu'un mariage avecune ouvrière serait un ineffaçable déshonneur ; le père de Diderot s'était opposé de toutes ses forces au mariage deson fils avec la lingère Antoinette Champion, mais pour des raisons pratiques et non pas en alléguant l'honneur dunom.

Peinture des conditions ? On ne voit pas comment elle intervient dans Le Fils naturel.

Dorval pourrait aimerRosalie fiancée à son ami plus cher, sans se douter qu'elle est sa soeur aussi bien s'il était prince ou maçon ; sansprofession, comme c'est le cas, ou financier, juge, officier ou marchand de drap.

C'est parce qu'il est père et chargéde l'honneur de la famille que le père de famille s'oppose au mariage de Saint-Albin et de Sophie.

Mais père de famillen'est pas une condition ; pas plus que d'être gentilhomme ; sinon toutes lis tragédies, où des mariages sontimpossibles à cause de la différence du rang, seraient des peintures de conditions.Sans doute, il y a, dans ces deux drames, de la mise en scène, des "tableaux".

Acte I du Fils naturel : "La scène estdans un salon.

On y voit un clavecin, des chaises, des tables de jeu ; sur une de ces tables un tric-trac ; sur uneautre quelques brochures ; d'un côté, un métier à tapisserie, etc...

; dans le fond, un canapé, etc...".

Scènepremière : "Dorval seul.

Il est en habit de campagne, en cheveux négligés, assis dans un fauteuil, à côté d'une tablesur laquelle il y a des brochures ...".

Acte II du Père de famille, scène première.

« Le Père de famille, Cécile,Mademoiselle Clairet, Monsieur Le Bon, un paysan, Madame Papillon, marchande à la toilette avec une de sesouvrières ; La Brie ; Philippe, domestique qui vient se présenter ; un homme vêtu de noir qui a l'air d'un pauvrehonteux, et qui l'est.

Toutes ces personnes arrivent les unes après les autres.

Le paysan se tient debout, le corpspenché sur son bâton.

Madame Papillon, assise dans un fauteuil, s'essuie le visage avec son mouchoir ; sa fille deboutique est debout à côté d'elle, avec un petit carton sous le bras.

M.

Le Bon est étalé négligemment sur un. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles