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La thèse de Molière dans "LES FEMMES SAVANTES" : ses idées sur l'éducation des femmes

Publié le 07/03/2011

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   Molière n'était certainement pas l'ennemi de la science. Il était trop instruit lui-même pour dédaigner l'instruction. Dans sa bibliothèque, dont nous n'avons qu'une description très incomplète, il avait, à côté des grands auteurs latins, des ouvrages d'histoire et même d'archéologie, des traités de morale, un gros Plutarque (dans lequel il ne mettait pas ses rabats), un Montaigne, des livres de philosophie, un Dictionnaire de Philosophie in-quarto, la Physique de son grand ami Rohault: ce n'était pas la collection d'un simple amateur.    Mais que pensait-il au juste de la science des dames ? La comédie ne nous offre pas sur ce point tous les éclaircissements qu'on pourrait souhaiter.

« deux reprises sur cette question, au premier acte devant Henriette, au quatrième acte devant Philaminte etTrissotin. Il dit des choses fort raisonnables : « les femmes docteurs ne sont pas de son goût », il ne supporterait pas chezune dame « la passion choquante » De se rendre savante afin d'être savante. Je hais seulement La science et l'esprit qui gâtent les personnes.

Ce sont choses de soi qui sont belles et bonnes ;Mais j'aimerais mieux être au rang des ignorants, Que de me voir savant comme certaines gens. Ces derniers mots visent Trissotin, mais peuvent aussi bien s'appliquer aux femmes.

Tout le monde les approuverait :c'est l'opinion de Montaigne, c'est celle de La Fontaine. Mais le fameux vers, tant discuté : Je consens qu'une femme ait des clartés de tout, même à cette époque, n'était-ce pas une concession bien modeste ? Des connaissances, si l'on veut qu'elles portent sur tous les sujets, nepeuvent être que des notions très superficielles : à peine ce qu'il faut pour suivre une conversation dans les bonnescompagnies et pouvoir y ouvrir la bouche, de temps en temps, sans risquer de dire une sottise. Et lorsque, parlant encore de la femme, Clitandre émet le vœu Que souvent, aux questions qu'on fait.

Elle sache ignorer les choses qu'elle sait ; lorsqu'il ajoute : De son étude enfin je veux qu'elle se cache,Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache... n'a-t-on pas le droit de se demander pourquoi des personnes véritablement instruites feraient cette concession auxignorantes de paraître s'abaisser à leur niveau ? C'était hélas ! la grande loi de la bienséance mondaine, bien plusrigoureuse pour les femmes que pour les hommes.

Ce préjugé avait été enfin vaincu, au moins en partie, danscertains groupes de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie ; mais il dominait encore parmi les courtisans, qui sefaisaient honneur de leur oisiveté en répétant qu'avec le seul « génie de la cour » on jugeait parfaitement bien detoute chose. Clitandre n'irait pas jusqu'à l'excès de ce « galant », dont parle Boileau dans sa quatrième satire, qui, « à l'abri d'uneperruque blonde », Condamne la science et, blâmant tout écrit, Croit qu'en lui l'ignorance est un titre d'esprit. Mais il n'en est pas très loin.

Homme de qualité, il est naturel qu'il juge les choses comme les gens du bel air.

Il nefaut pas oublier d'ailleurs qu'il est jeune encore, qu'il n'a guère étudié et qu'il n'a pas été réconcilié avec le hautsavoir par ce qu'il a vu dans la maison de Philaminte.

Amoureux d'Henriette, il trouve très suffisant le degré deculture dont elle s'est contentée : c'est à elle qu'il pense, sans doute, et à ce qu'on s'attendra à trouver en elledans le monde auquel il appartient, à la cour où il la présentera lorsqu'elle sera sa femme. Son point de vue ne peut être tout à fait celui de Molière. Il est clair que Molière méprise, autant que Clitandre, « le savoir obscur de la pédanterie » et que, respectueux,comme il l'est, de la nature, il donnerait, comme lui, l'avantage au « simple bon sens naturel ».

Il est certain qu'aumoment de jouer une pièce, par certains côtés assez hardie, il a intérêt à se rapprocher de l'opinion de la cour, pours'assurer davantage sa sympathie : c'est une précaution qu'il avait déjà prise dans la Critique de l'Ecole desFemmes, à un moment important de sa campagne.

Mais comment aurait-il cru que « le bon air » et les belles façonspouvaient dispenser d'une formation plus solide ? Ne s'était-il pas moqué de cette prétention dans les PrécieusesRidicules, où Mascarille affirmait avec autorité : « Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris » ?N'aurait-il pas été plutôt d'accord avec cette charmante Mme de Scudéry, la belle-sœur de la romancière, quiécrivait à peu près à cette date : « On dira tout ce qu'on voudra du grand livre du monde, il faut en avoir lud'autres pour profiter de celui-là » ? Dans cette question de l'instruction féminine, il est bien difficile de savoir jusqu'où Molière aurait été.

Le rôle de lacomédie est de ridiculiser les erreurs et les excès, non de tracer des programmes. Au XVIIe siècle surtout, on l'a souvent remarqué, la comédie et la satire ont un caractère essentiellement prohibitif,marquant moins ce qu'il faut faire que ce qu'il faut condamner. Ce que l'on peut dire, c'est qu'il n'a pas jugé avec son libéralisme ordinaire le mouvement qui, depuis quelquesannées, portait les femmes d'une certaine classe vers des études assez hautes.. »

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