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La tolérance n'est-elle qu'indulgence ?

Publié le 29/03/2004

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La tolérance telle que nous l'avons définie n'est pas seulement une disposition intérieure : c'est une certaine manière de concevoir les rapports entre l'individu et la société. Nous y trouvons d'abord une prise de conscience lucide et réaliste de ce qui est possible ou non : on se résigne alors à une situation qui ne paraît pas aisément modifiable. La société offre chaque jour le spectacle de ces hommes qui ne combattent pas les opinions adverses si leurs intérêts risquent d'en souffrir, mais qui imposent les leurs s'ils le peuvent. Chez beaucoup la tolérance apparente cache le regret profond de ne pouvoir convaincre autrui par la force : dans la Chronique des Pasquier de Duhamel, Joseph ne laisse qu'à contre-coeur les membres de son entourage acquérir leur indépendance. Peut-on parler de « tolérance » lorsqu'il s'agit d'une acceptation plus ou moins imposée du fait accompli ? Beaucoup ont voulu s'arrêter à cet aspect, et, « vomissant les tièdes », ont refusé la tolérance, car, vue sous ce jour, elle justifie de nombreuses accusations. Peut-on d'abord à la fois être convaincu d'une vérité et accepter que tous ne le soient pas ? Cela suppose une conviction peu ardente, bien proche de l'indifférence, et Claudel a souvent utilisé cet argument contre ceux qui lui reprochaient un certain fanatisme. Dans ces perspectives, ce sont les « hommes de peu de foi » qui pratiqueraient la tolérance, avec les paresseux, qui craignent de déranger leur tranquillité, avec les pessimistes, qui ne croient pas à la vertu des petits nombres, avec les lâches qui ont peur de se nuire à eux-mêmes. Comment vanter dès lors une attitude qui se confond souvent avec certains défauts et s'oppose aux vertus viriles que l'on prône traditionnellement, le courage, la combativité ?

« temps de guerre, et Romain Rolland ne fut pas épargné pour s'être placé « au-dessus de la mêlée ».

Son cascependant nous amène à formuler quelques réserves concernant l'efficacité de cette tolérance. III.

LA TOLÉRANCE EST-ELLE POSSIBLE ? Tarrou, dans la Peste, se jugeait lui-même incapable d'agir pour une cause dès lors qu'il renonçait à être intolérant.Les idéologies qui veulent défendre la tolérance créent une nouvelle forme d'intolérance : Voltaire luttant contre uneÉglise toute puissante et arbitraire crée un mouvement sectaire dont Flaubert peint l'aboutissement dans MonsieurHomais.

Comment expliquer cette dégradation d'un idéal ?La tolérance intégrale doit amener celui qui veut la pratiquer à refuser la violence, pour ne pas porter atteinte à laliberté d'autrui.

C'est un problème souvent abordé par les écrivains contemporains ; Camus, se refusant comme sonhéros à avoir « les mains sales », se retira peu à peu de l'action, demanda l'indulgence, au lendemain de la guerre,pour ses adversaires.

Cet effort de compréhension, nous le trouvons aussi chez Vercors dans Le Silence de la Mer.Beaucoup de révolutionnaires souhaitent au départ verser le moins de sang possible, mais peu à peu la réalité lesamène à un combat sans pitié.

Quelle justification peuvent-ils donner à leur attitude ?La raison et la force Ils sont convaincus de travailler pour la justice et pour le bien du plus grand nombre, selon laraison.

C'est en son nom qu'agirent les Révolutionnaires de 1789.

Héritiers des philosophes, ils voulurent recréer lasociété sur des bases logiques, et, pour y parvenir, ne reculèrent pas devant les méthodes de la Terreur.

Pourtant,plus profondément tolérant qu'eux, Montaigne sentait les dangers de la « nouvelleté », et dans l'Apologie deRaymond Sebond, dénigrait systématiquement cette raison à laquelle le xviiie siècle crut pouvoir soumettrel'humanité.Les limites de la tolérance Mais nous retrouvons alors cet«exil définitif» auquel Tarrou s'est condamné en refusant de devenir un « meurtrier raisonnable ».

Bien d'autres ontdû accepter de le devenir, sous peine de jouer V) LA TOLERANCE le rôle de l'agneau en face du loup.

Montesquieu faisait analysa par ses Persans les heureux effets de la multiplicitédes religions dans un État — et nous savons aujourd'hui que la liberté religieuse est un idéal réalisable.

Maiscomment aurait-on pu laisser se répandre l'idéologie national-socialiste qui tendait à systématiser universellement leracisme, le génocide, la haine et la peur ? La tolérance a donc pour limites sa propre sauvegarde et Saint-Justs'écriait avec raison : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » CONCLUSION La tolérance est pour nous une attitude beaucoup plus compréhensive et plus modeste que ne semble le laisserentendre la définition du dictionnaire.

Elle constitue un idéal essentiel pour l'individu, auquel elle apporte l'habituded'une rigoureuse discipline intérieure, et pour la société dont elle assure la cohésion harmonieuse.

Mais elle ne doitpas être désarmée en face de ses propres ennemis, et c'est là que se glisse le danger : il est bien difficile de définirle point où s'arrête la liberté de chacun et où commence l'emprise nécessaire de la collectivité.. »

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