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LE TOURISME, UNE RENCONTRE MANQUÉE ?

Publié le 22/02/2011

Extrait du document

Avec le tourisme, les tendances fondamentales de la société de consommation sont en train de pénétrer notre société 1. Les touristes sont des Occidentaux en vacances, venus vivre une semaine de loisirs pour oublier les fatigues et les soucis de l'année. Le touriste est un travailleur en liberté. Ayant trimé tout le long de l'année, il change de cadre, de régime, de système et de genre de vie. Ce faisant, il introduit un comportement de société de gaspillage au sein d'une société en pénurie. Ce choc des sociétés riches et des sociétés pauvres n'est plus ici un scandale théorique, découlant d'une analyse académique. Il est une réalité quotidienne. Le moindre petit objet que possède le touriste représente une fortune ou un rêve pour beaucoup de ceux qui sont appelés à le servir et à le côtoyer : qu'il s'agisse d'un ballon de plage, d'un drap de bain, d'un bâton de rouge à lèvres ou d'une paire de lunettes. Il y a, à bien réfléchir, quelque chose de diabolique dans cette tentative permanente et dans cette invite à goûter aux charmes indiscrets, mais encore interdits, de la société de consommation. Ainsi, dans une enquête sur la délinquance juvénile, il nous est apparu impossible de ne pas retenir le tourisme et la tentation perpétuelle qu'il représente comme un facteur notable de l'inconduite de nos jeunes délinquants. Nous avions alors souligné que la délinquance juvénile ne ressortissait nullement de la nécessité de satisfaire des besoins élémentaires et immédiats, mais plutôt des besoins secondaires nés de l'accession à une autre mentalité, à de nouveaux types de comportement, à une nouvelle vision du monde. Autre aspect, le rôle du tourisme dans l'évolution des moeurs est indéniable. Le touriste vient pour s'amuser, il lui faut des « boîtes de nuit «, des « dancings «, des « night-clubs «. Et pour créer animation et « ambiance «, le public local est toujours le bienvenu. Les censeurs ne manquent d'ailleurs pas pour vitupérer ces lieux de « dépravation et de débauche «. On aurait tort cependant d'imputer au seul tourisme une tendance qui nous semble beaucoup plus générale. Si l'impact du tourisme sur les valeurs et attitudes traditionnelles est réel, il faut se garder de le rendre responsable de tout ce qui ne va pas. Le facteur touristique précipite l'évolution de la société et sa modernisation. Il va dans le même sens que le courant historique qui entraîne l'ensemble de la société. C'est un catalyseur plus qu'autre chose. Le problème est surtout de savoir si le tourisme, en accélérant le rythme d'une évolution à notre sens inéluctable, ne contribue pas à, emballer une machine soumise déjà à des mouvements contradictoires. La création de nouveaux besoins est inscrite dans le processus même du développement. L'idéal serait que de nouveaux besoins n'apparaissent pas avant que la société ait dégagé les moyens d'y faire face. En tant qu'industrie, le tourisme est appelé à créer ces moyens, mais en tant que phénomène social, il a tendance à réduire l'impact des moyens ainsi créés en suscitant l'apparition de besoins prématurés. Le problème demeure de savoir si le tourisme, qui est un système de production orienté vers la satisfaction de la consort): mation des autres, peut se développer dans un climat d'austérité, économique ou moral. Sur un autre plan, on peut dire que le tourisme est une rencontre manquée. Le tourisme est un moyen d'accès à l'autre. Il est l'occasion d'un dialogue pacifique et amical qui n'a pas toujours eu lieu dans le passé. Aussi l'éducation du public, et plus particulièrement des milieux en contact direct avec les hôtes, vise-t-elle à élever à un degré aussi haut que possible le sens de l'accueil, de la courtoisie, de la serviabilité, mais aussi de la fermeté, de la dignité et d'une saine fierté nationale. Aussi voudrions-nous que le tourisme soit rencontre et non pas promenade. La rencontre fonde une dialectique de la révélation. Chacun, le touriste qui vient en hôte dans mon pays tout comme moi-même, s'exprime dans sa propre culture. Et il faut qu'il en soit ainsi ; car c'est le choc de la rencontre de l'autre qui lui révèle par différence ce qu'il est. Malheureusement, il n'en va pas toujours ainsi, car le touriste ne répond que très imparfaitement à notre attente. Pour une rai-son très simple qui tient aux motivations profondes qui l'animent. Le touriste, au fond, est venu pour le pays, il n'est pas venu pour les hommes. Finalement, le touriste est un homme qui passe et qui ne voit rien. Et d'ailleurs que cherche-t-il sinon à être confirmé dans ses propres préjugés, à retrouver ses propres habitudes de confort et jusqu'aux fausses images qu'il transporte avec lui sur le pays qu'il visite ?

Extrait d'un article paru dans le Courrier de l'UNESCO en février 1981.

L'épreuve comprend deux parties :

1. Vous présenterez de ce texte soit un résumé, soit une analyse, en indiquant clairement votre choix. 2. Pour la seconde partie de l'épreuve intitulée discussion, vous dégagerez de ce texte un problème qui offre une réelle consistance, vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues sous la forme d'une argumentation ordonnée, illustrée d'exemples et menant à une conclusion.

Corrigé REMARQUE

L'enchaînement logique des idées de ce texte est aisément repérable. On choisira donc la formule du résumé.

THÈMES DE RÉFLEXION SUGGÉRÉS

• L'évasion touristique : simple changement de décor, ou ouverture sur le monde ? • A la détente des uns correspond le travail des autres : ceux qui « consomment « des loisirs en sont-ils assez conscients ? • Le tourisme dans la société de consommation : n'est-il pas souvent une recherche artificielle de bonheur ?

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