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Tout ce qui est possible techniquement est-il pour autant légitime ?

Publié le 26/01/2004

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Testart, en nous mettant en garde, vient nous donner le critère de légitimité des possibilités techniques : «Le chercheur n'est pas l'exécuteur de tout projet naissant dans la logique propre de la technique. Placé au creuset de la spirale des possibles, il devine avant quiconque où va la courbe, ce qu'elle vient apaiser, mais aussi ce qu'elle vient trancher [...], renier. Moi, chercheur en procréation assistée, j'ai décidé d'arrêter. Non pas la recherche pour mieux faire ce que nous faisons déjà, mais celle qui oeuvre à un changement radical de la personne humaine [...]. Je revendique [...] une logique de la non-découverte, une éthique de la non-recherche« (L'oeuf transparent).La sagesse contenue dans cette perspective présente un paradoxe. Faire du respect religieux de la nature la règle d'or de la moralité de la technique risque de supprimer et la technique et la morale.

« génétiques sont moralement autorisées sinon en découvrant les remèdes aux malformations que le diagnosticprénatal permettra d'élaborer? Le donné naturel sur quoi travaille le technicien n'est pas du tout-fait irréformable,mais une matière à modeler et dont les virtualités sont les lignes de force indicatrices des finalités à poursuivre.

Serefuser à considérer le corps humain et l'univers comme un champ à cultiver c'est se priver des moyens del'améliorer conformément aux fins morales rationnelles.

De la consommation d'herbes abortives à la fécondation invitro, en passant par le coup de canif qui dénoue l'aiguillette, l'histoire des performances biotechniques est celled'une maîtrise croissante de l'énergie vitale dont seuls les succès nous ont assurés de la légitimité.

Fors l'autonomiede la personne, aucune limite ne peut être arrêtée à la créativité technique.

Ce qui concrètement est bon pourl'homme, nul ne le sait avant d'en faire l'expérience parce que ce qui définit l'homme transcende les formeshistoriques et contingentes qu'a prises son aménagement de la nature en lui et hors de lui.La difficulté que pose cette solution tient au caractère formel de l'impératif moral.

Qu'il faille traiter la personnehumaine toujours comme une fin soit, mais qu'est-ce qui fait la personne? L'autonomie? Le seul consentement nepeut être un critère objectif de sélection des techniques légitimes.

Qu'il soit interdit de tenter une expérience sansl'accord de l'intéressé laisse la porte ouverte à tout et n'importe quoi.

Qu'un homosexuel exige d'être artificiellementéquipé du sexe de son choix suffit-il à légitimer sa demande? Qu'un pervers souhaite, pour le plus grand bien de sesfutures victimes, d'être stérilisé justifie-t-il sa requête? Qu'enfin le concert des nations soit unanime dans son projetde conquête de la planète Mars pour y installer, moyennant un équipement idéal, tous les inadaptés changerait-ilquoi que ce soit à l'immoralité de l'entreprise?Mais il y a plus grave.

Du fait que la raison pure pratique est pliable en tous sens, il n'y a en définitive aucunprincipe d'autolimitation propre à l'essence de la technique sinon ses possibilités opératoires.

A la vérité, l'homme nese donne jamais qu'après coup des justifications idéologiques dont la principale est que tout vaut mieux que de nepas utiliser ce qui est techniquement possible ! Ne voir donc dans la nature que ce dont l'homo faber peut révélerles possibilités, c'est supprimer toute loi naturelle et lui substituer un vouloir humain déréglé en quête d'une«perfection» dont il a perdu la clé. 2.

Suivre la nature La difficulté qui nous occupe ne peut être résolue si on ne dispose d'une règle objective assignant à l'homme desbuts autres que ceux qu'il se choisit arbitrairement.

La légitimité d'une pratique, quelle qu'elle soit, renvoie d'ailleurstoujours à sa conformité à une loi naturelle.

Seule donc la découverte de celle-ci permettra de fixer les limites à latransformation de la nature qu'est la technique.La tradition est là qui voit dans le sequi naturam l'alpha et l'omega de la morale.

Mais pourquoi suivre la nature? «Parnature, on entend ce qui est [...], ce qui a été éprouvé et même prouvé à travers sa solidité, sa permanence et savalidité.

[...] Ou bien la nature a été créée par Dieu, on se gardera alors de se substituer à elle ; ou bien, dans unehypothèse matérialiste et évolutionniste, ont été peu à peu éliminés les changements désavantageux et tropcoûteux.

Ne subsisteraient donc que le valeureux et l'efficace, alors conservons-le» (F.

Dagognet, La maîtrise duvivant).

Si l'homme s'est engagé dans l'aventure technique, il la vit souvent comme une transgression dont lecaractère sacrilège finira par l'atteindre dans sa vie.

Aussi les Grecs étaient-ils attentifs à ne pas violenter la naturepour ne pas s'attirer la colère des dieux.N'ont-ils rien fait devant les irruptions volcaniques, les inondations et les tremblements de terre? Non pas, mais ilsont composé.

L'artisan-technicien ne peut jamais qu'imiter cette perfection indépassable qu'est la nature.

Les outilscopient les organes : la pince reproduit la main ; la béquille, la jambe.

Mais entre la nature et l'objet fabriqué qui leprolonge, il y a une différence essentielle : le germe d'un végétal a tout ce qu'il faut pour donner naissance à laplante, alors que le menuisier doit apporter au bois qu'il façonne la forme du meuble.

Ce qui est naturel a en lui lacause de sa croissance et de sa reproduction, et si quelque facteur l'altère, c'est de lui-même qu'ils se régénère.Ainsi l'os fracturé se ressoude et la plaie cicatrise.

C'est pourquoi certains estiment qu'il n'y a jamais eu de médecineefficace que «naturelle», le médecin ne faisant guère plus que faciliter les processus par lesquels le malade sedéfend contre la maladie.

Pour la soigner, du bon sens et beaucoup de patience suffisent.

«Laisser faire la nature»,l'aider par nos modestes moyens à retrouver son équilibre, tel est l'idéal de la médecine homéopathique et de lasagesse écologique.A partir du moment où on redécouvre que la nature n'est ni un outil ni un matériau neutre mais le fondement et leprincipe dont participe toute technique, tout asservissement de son essence profonde à des buts étrangers estcondamnable moralement.

Sans doute les possibilités que dévoilaient, il n'y a pas si longtemps, les ouvrages descience-fiction — chimères faustiennes — sont-elles devenues réalité, mais toujours pour plus de désordre et dedestruction.Les récents enseignements d'un H.

Jonas vont dans ce sens: «Et si le nouveau type de l'agir humain voulait dire qu'ilfaut prendre en considération davantage que le seul intérêt de l'homme – que notre devoir s'étend plus loin et que lalimitation anthropocentrique de toute éthique du passé ne vaut plus? Du moins n'est-il plus dépourvu de sens de sedemander si l'état de la nature extra-humaine, de la biosphère dans sa totalité et dans ses parties qui sontmaintenant soumises à notre pouvoir, n'est pas devenu par le fait même un bien confié à l'homme et qu'elle aquelque chose comme une prétention morale à notre égard, non seulement pour notre bien, mais également pourson propre bien et de son propre droit» (Le principe responsabilité).

La technique tient alors sa légitimité de lanature en nous et hors de nous au service de laquelle l'homme se met parce qu'elle est ce sans quoi il ne serait pas.La confession d'un J.

Testart, en nous mettant en garde, vient nous donner le critère de légitimité des possibilitéstechniques : «Le chercheur n'est pas l'exécuteur de tout projet naissant dans la logique propre de la technique.Placé au creuset de la spirale des possibles, il devine avant quiconque où va la courbe, ce qu'elle vient apaiser, maisaussi ce qu'elle vient trancher [...], renier.

Moi, chercheur en procréation assistée, j'ai décidé d'arrêter.

Non pas larecherche pour mieux faire ce que nous faisons déjà, mais celle qui oeuvre à un changement radical de la personnehumaine [...].

Je revendique [...] une logique de la non-découverte, une éthique de la non-recherche» (L'oeuf. »

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