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Le travail est-il le lien le plus étroit entre l'homme et la réalité ?

Publié le 02/03/2004

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travail
Aussi, si le travail humain naît d'une relation à la nature, il ne reste pas soumis à cette dimension. Par la ruse technique la conscience échappe à la réification qui la guettait, et conquiert par là sa liberté. Le travail apparaît bien ici comme conquête de l'autonomie par la médiation de la technique et de l'outil : il est le lieu d'une médiation par laquelle l'homme se soumet pour être libre. Le travail ne se contente donc pas de satisfaire mon besoin, il me libère du domaine du besoin. C'est ce qui fait qu'on peut dire que le travail ne s'entend pas seulement du travailleur sur la nature, mais aussi du travailleur sur le travailleur : en d'autres termes, il y a un « choc en retour » du travail sur le travailleur. Si le travail constitue une relation médiate et d'enjeu éminemment culturel, c'est grâce à la médiation de la technique. Ceci n'est pas sans conséquences : en effet, le travail est véritablement le lieu d'une dialectique qui est constitutive de l'homme lui-même en tant que tel : dans le travail, l'homme conquiert son humanité et sa liberté. On objectera pourtant qu'il est bien paradoxal de se libérer en se soumettant, et que les inconvénients qui résultent de l'état social de l'homme surpassent en aliénation ce qu'ils apportent en autonomie. Rousseau avait protesté contre la malignité de l'intervention culturelle humaine, et voulait invoquer le bonheur de l'équilibre entre des besoins strictement naturels et la présence, dans la nature, des moyens de les satisfaire. Visant directement Rousseau, Hegel répondra qu'il n'existe rien de tel que des besoins strictement naturels : « C'est une opinion fausse de penser que l'homme vivrait libre par rapport au besoin dans l'état de nature où il n'éprouverait que des besoins naturels soi-disant simples et où il n'utiliserait pour les satisfaire que les moyens qu'une nature contingente lui procure.
travail

« retour » du travail sur le travailleur.

Si le travail constitue une relation médiate et d'enjeu éminemmentculturel, c'est grâce à la médiation de la technique. Ceci n'est pas sans conséquences : en effet, le travail est véritablement le lieu d'une dialectique qui estconstitutive de l'homme lui-même en tant que tel : dans le travail, l'homme conquiert son humanité et saliberté.

On objectera pourtant qu'il est bien paradoxal de se libérer en se soumettant, et que les inconvénientsqui résultent de l'état social de l'homme surpassent en aliénation ce qu'ils apportent en autonomie.

Rousseauavait protesté contre la malignité de l'intervention culturelle humaine, et voulait invoquer le bonheur del'équilibre entre des besoins strictement naturels et la présence, dans la nature, des moyens de les satisfaire.Visant directement Rousseau, Hegel répondra qu'il n'existe rien de tel que des besoins strictement naturels : «C'est une opinion fausse de penser que l'homme vivrait libre par rapport au besoin dans l'état de nature où iln'éprouverait que des besoins naturels soi-disant simples et où il n'utiliserait pour les satisfaire que les moyensqu'une nature contingente lui procure.

» ($194).

L'allusion à l'état de nature vise évidemment Rousseau ; etce débat entre les deux penseurs porte sur les deux socles de la notion de travail. ¨ Premier socle : la détermination du besoin.

Là où Rousseau voulait limiter le besoin au besoin naturel, Hegelmet en cause la simplicité de ces besoins naturels, et recentre la notion de travail sur un autre besoin, lebesoin culturel.

Le besoin qui, d'après Hegel, a la « prépondérance » dans ce qu'il appelle le « moment social», c'est un « besoin spirituel de la représentation ».

Ce qui se joue dans ce passage du naturel au culturel estde toute première importance pour la notion même de travail : selon que le travail est censé répondre à unbesoin naturel ou à un besoin culturel, c'est son sens même qui s'en trouvera changé.

Si le travail ne répondqu'à un besoin naturel, alors le travail est une malédiction qui ne peut surgir que si la nature devientinsuffisamment prodigue, ou si, ce qui revient au même , l'organisation sociale prive certains de ses bienfaits :et Rousseau disait, dans le « Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes » : « vousêtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne ».

Le travail se voitchez Rousseau dénoncé comme un trait culturel, alors que c'est précisément en tant que passage à la cultureque Hegel en fera le moment de la libération.

Le travail est donc bien un passage de la nature à la culture,qu'il faille, comme Rousseau, s'en plaindre, ou, comme Hegel, s'en féliciter.

De nouveau ici se manifeste un lienentre les notions de travail et de technique : la technique en effet peut être comprise, on le verra plus tard,comme une création de besoins artificiels.

Mais n'anticipons pas, et retenons pour l'instant l'idée que le travailassume le besoin naturel en l'incarnant comme besoin culturel. ¨ Deuxième socle : l'idée de liberté.

Si, en effet aux yeux de Hegel le travail ne s'en tient pas au besoinnaturel, c'est que s'il en restait là il ne serait pas libérateur : « le besoin naturel, explique Hegel plus loin dansce même paragraphe 194 des « Principes de la philosophie du droit », et sa satisfaction immédiate ne seraientque l'état de la spiritualité enfoncée dans la nature, et, par conséquent, l'état de sauvagerie et de non-liberté».

Cette libération que toute l'analyse hégélienne veut proclamer se comprend en termes de différenciation etde spécification : en rendant conscients les besoins et en faisant intervenir des moyens techniques de lessatisfaire, l'homme se distingue de la nature et conquiert par là sa liberté.

Quitte à aller contre nos habitudesde pensée, qui voient dans tout travail une corvée emprisonnante, on peut donc définir ici le travail comme lelieu d'une médiation qui libère, et comme ce par quoi l'homme devient lui-même : Marx reconnaîtra à Hegel, lemérite d'avoir saisi « l'essence du travail » et « l'homme objectif, véritable parce que réel, comme le résultatde son propre travail ».

Le travail n'est plus seulement libérateur : il est littéralement la production de l'hommepar lui-même. 2) Travail et liberté. Prétendre ainsi que le travail libère, c'est se placer dans une perspective proprement humaine, qui consiste àmettre l'accent sur ce que le travailleur retire de son travail plutôt que sur le produit lui-même de son travail.Cette prise de position ne va pas de soi, parce qu'après tout le mot « travail » renvoie apparemment de façonindistincte à l'activité et au résultat de cette activité.

Le mot « travail » en français confond donc l'activité etle résultat, que les deux substantifs anglais « labour » et « work » distinguent.

Toute la question ici est biende savoir jusqu'à quel point on peut appeler « travail » une activité qui n'a pas de résultat visible, comme parexemple l'entraînement d'un athlète ou d'un gymnaste : pour pouvoir dire que le gymnaste travaille, il faut quela notion ne soit pas réductible au résultat, même si la perspective du résultat n'est jamais radicalementabsente.

Donc, tant que l'on prend le mot travail au sens de l'activité distincte du résultat, il est possible demaintenir la position selon laquelle le travail est humain et libérateur.

Cette perspective est-elle pourtantlongtemps tenable ?. »

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