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Le travail est-il nécessaire à la réalisation de soi ?

Publié le 08/11/2005

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travail

• Le travail, comme nous le signale l'étymologie du terme, représente d'abord une activité pénible et douloureuse. Le mot tripalus ne désignait-il pas, dans le latin populaire, une machine formée de trois pieux, permettant d'assujettir les animaux difficiles ? Aussi le sujet semble-t-il posséder la signification suivante : l'activité pénible et contraignante, exigeant un effort douloureux, activité ayant pour but de produire ce qui est utile est-elle indispensable à la création et à la mise à jour de soi, à savoir de l'aspect le plus profond de la personnalité, ou, plus précisément, de la conscience que le sujet cherche à prendre de son unité et de sa continuité ?  • Le travail est-il condition d'une existence réelle ? Est-il le fondement de notre vie ? Mais que peut bien signifier cette vie ? Pour mieux comprendre le sens de la question, il importe de savoir ce que désigne notre « soi « et comment on l'édifie. La personnalité, le soi et la conscience unifiée représentent-ils une intériorité pure et simple ou bien le fruit d'une activité pratique, fruit construit par le travail ? Tel est le problème inhérent à la question, problème concernant cette conscience par laquelle le sujet saisit son unité : est-elle ou non le fruit d'un travail d'extériorisation ?

  • A. Thèse : le travail est nécessaire à la réalisation de soi
  • B. Antithèse : le travail n'est pas nécessaire â la réalisation de soi
  • C. Synthèse : le vrai travail, comme expression de la « puissance «

 

travail

« B.

Antithèse : le travail n'est pas nécessaire â la réalisation de soiPourquoi le travail s'avèrerait-il nécessaire à la réalisation de soi ? Pourquoinous permettrait-il de nous former ? Loin d'être nécessaire, ne serait-il pasplutôt fréquemment un obstacle à la production de soi-même et de laconscience unifiée ? Ne peut-on s'inquiéter, avec Nietzsche, de la glorificationmoderne du travail ? Loin d'être formateur, le travail est bien souvent ce quiarrache à la réflexion et à la pensée : ce qui déforme le soi et nuit à sa pleineréalisation.

En retirant les forces nerveuses indispensables à la réflexion pourles attacher à un but mesquin, le travail détourne les puissances créatricesde leur authentique fonction – l'exercice de la pensée – pour les investir dansun registre inférieur.

« Le travail use la force nerveuse dans des proportionsextraordinaires, il retire cette force à la réflexion, à la méditation, aux rêves,aux soucis, à l'amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un butmesquin et accorde des satisfactions faciles et régulières.

» (Nietzsche,Aurore) C'est dans « Aurore », dans un paragraphe intitulé « les apologistes du travail », que Nietzsche déclare que le travail constitue la meilleure des polices. On connaît Nietzsche par ses attaques contre la religion et la morale, par son projet de création de nouvelles valeurs, mais on oublie souvent sacritique de la société de son temps, société du commerce, du travail, de cel'on nommera « culture de masse ».

Dans une optique strictement opposée au socialisme, méprisé par Nietzsche , il s'agit d'une dénonciation en règle du nivellement des valeurs, de la promotion de la médiocrité. « Dans la glorification du travail, dans les infatigables discours sur la ‘bénédiction du travail', je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce quiest individuel […] on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir - qu'un tel travail constitue lameilleure des polices. » NIETZSCHE comprend la société de son temps (mais la nôtre correspond à ses analyses) comme celle du culte de l'activité, du travail, du commerce.

Derrière cette boulimie d'activité se cache toujours le même but : la sécurité« et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême ». Or le danger, pour la foule, réside toujours dans l'individualité.

Le travail et son culte imposent une fatigue telle, unedépense d'énergie, si immense, que toute cette force est soustraite « à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour, à la haine, il présence constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactionsfaciles et régulières. » La sécurité, c'est la routine et le nivellement.

Le gaspillage des forces à des buts mesquins au lieu d'une pensée durisque.

Le monde moderne est l'anti « il faut vivre dangereusement ».

Le travail et le commerce imposent le manquede distinction entre les choses, les activités et les valeurs, l'incapacité à s'affirmer par soi-même et la nécessité detout juger selon autrui.

Or tout cela signifie refuser l'individu, l'individualité, tout ce qui est grand ou seulement soi-même. « On assiste aujourd'hui […] à l'apparition de la culture d'une société dont le commerce constitue l'âme tout autantque la rivalité individuelle chez les anciens Grecs et que la guerre, la victoire et le droit chez les Romains. » Les sociétés antiques étaient des sociétés antagonistes, polémiques, où l'on se battait pour s'affirmer, se faire valoircomme individualité.

Le monde moderne est un monde de commerçants et de travailleurs. Le commerçant est celui qui taxe « d'après les besoins du consommateur, non d'après ses propres besoins les plus personnels ».

Cela est d'autant plus dramatique que ce type d'estimation est appliqué à l'art et aux sciences, à la politique.

« A propos de tout ce qui se crée, il s'informe de l'offre et de la demande, afin de fixer pour lui-même la valeur d'une chose. » C'est abaisser toute création au rang de marchandise, tout fruit de la culture à celui d'objet de vente, toute réussite d'un individu à une valeur d'échange. Le travailleur est celui qui s'abêtit en gaspillant ses forces au lieu de se former lui-même, de devenir une œuvre Dès« Aurore », NIETZSCHE voyait le modèle de la société moderne dans la culture américaine, une non-culture en vérité, une « sauvagerie » dans l'aspiration à l'or et la frénésie au travail. Les textes sont on ne peut plus explicites et scandent la mort de la haute culture, de l'individu, de la méditation etde l'art. « On a maintenant honte du repos et on éprouverait presque un remords à méditer […] Car la vie, devenue chasseau gain, oblige l'esprit à s'épuiser sans trêve au jeu de dissimuler, duper […] la véritable vertu consiste maintenant àfaire une chose plus vite qu'une autre […] le goût de la joie s'appelle déjà ‘besoin de repos'. » (« Gai Savoir », $329).. »

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