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Les trois blessures infligées à l'homme

Publié le 25/07/2004

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A. L'illusion du géocentrisme * Pourtant, au cours de l'histoire, cette supériorité que l'homme s'attribue si volontiers a été mise en question par des découvertes décisives. Dans un texte de 1917 intitulé « Une difficulté de la psychanalyse «, Freud dit que l'humanité s'est vue infliger - dans l'image qu'elle avait d'elle-même - trois graves blessures. La première blessure, antérieure même à la fière proclamation cartésienne du cogito, s'est produite au xvie siècle avec les travaux de Copernic. La terre où l'homme, « roi de la création «, avait établi son empire n'est plus le centre du monde : elle est une simple planète qui Chapitre 43 L'anthropologietourne autour du soleil ; elle n'est qu'un grain de poussière perdu dans l'immensité cosmique. L'amour-propre humain éprouve alors, dit Freud, sa première humiliation, « l'humiliation cosmologique «. B. L'homme, cousin du singeAu XIXe siècle, la découverte de Darwin comble le fossé que l'homme avait cru pouvoir creuser entre humanité et animalité. L'homme, issu des lentes mutations accompagnant la succession des espèces vivantes, n'est plus qu'un « animal évolué «. Il y a loin du roi de la création, fait par Dieu à son image, à ce cousin du singe, à cet « arrière-petit-neveu de la limace « dont parlait Jean Rostand ! Nos prédécesseurs immédiats, dont l'homme de Neandertal, avec sa face projetée en avant, ses mâchoires proéminentes et son absence de menton, nous rappellent avec une évidence irrécusable nos origines animales.

« C.

L'homme est le jouet de maints déterminismes La troisième humiliation est «l'humiliation psychologique» introduite par Freud lui-même avec sa découverte del'inconscient.

Nous croyons agir pour des motifs réfléchis, alors que nous sommes agités à notre insu par des mobilesd'ordre instinctif et passionnel.

En fait, l'anthropologie moderne, sous toutes ses formes, semble déchoir l'homme decette singularité et de cette dignité qu'il s'était arrogées en d'autres temps.

Nos enthousiasmes, nos indignationsdépendraient des sécrétions des glandes endocrines.

Ces idées que nous croyons originales et fondées sur la claireraison, sont déterminées par l'éducation que nous avons reçue, par le milieu où nous vivons.

Bref, tandis que lathéorie copernicienne plonge l'homme dans un univers immense et indifférent, la biologie et l'anthropologie luirappellent les origines animales et instinctives de cette raison dont il était si fier.

Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi d'actes quotidiens s'expliquent si l'on admet l'hypothèse de l'inconscient.

Il yaurait en nous u « réservoir » de forces et de désirs (ou pulsions) dont nous n'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..

Pour le direbrutalement, en ce sens, l'homme n'agirait pas (ne choisirait pas ses actes etoute connaissance de cause, dans la clarté), mais serait agi (c'est-à-diresubirait, malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas« maître dans sa propre maison », il ne serait pas maître de lui. Empruntons à Freud un exemple simple.

Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée » au lieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».

Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait ne pas être là.

Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimerdirectement, car il heurterait la politesse, les obligations sociales,professionnelles, morales du sujet.

Notre président subit donc deux forcescontraires : l'une parfaitement en accord avec les obligations conscientes,l'autre qui ne l'est pas et qui ne peut s'exprimer directement, ouvertement.Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient,conforme aux normes morales et un autre désir plus « gênant ».

Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la volonté de politesse du président,parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue a fourché ». Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas êtrelà.

Mais dans bon nombre de cas, quand ma langue fourche, je ne sais pas pourquoi, c'est-à-dire que j'ignore moi-même ce qui me pousse à dire tel mot plutôt qu'un autre.

Or pour Freud le cas est exactement identique et s'interprète de même, comme le conflit entre deux désirs dont l'un est gênant et peut être ignoré par le sujet.

Il n'ya pas d'actes innocents ou anodins.

Tous sont révélateurs d'un affrontement en moi de deux forces. L'hypothèse Freud ienne de l'inconscient revient à dire que bon nombre d'actes « normaux » (oubli, actes manqués, rêves), mais aussi « maladifs », pathologiques (névroses, psychoses, obsessions) s'expliquent en gros selon le même schéma.

L'individu subirait un conflit psychique (dans son âme), conflit parfois extrêmement violent entre les normesconscientes (morales, esthétiques, sociales) et des désirs qui bousculent et négligent ces règles.

Ce second groupede désirs, le sujet les trouverait, s'il en avait conscience, tellement monstrueux, qu'ils ne peuvent parvenir à laconscience que sous une forme voilée, déformée, indirecte : le lapsus, le rêve, ou le symptôme maladif. Le symptôme est donc un compromis entre le désir inconscient et inavouable que je subis, et les normesconscientes et morales que j'accepte.

« Le moi n'est pas maître dans sa propre maison » signifie que je n'ai pas conscience et que je ne maîtrise pas, ne contrôle pas une bonne part de ce qui se passe en moi-même, ce conflit,ce symptôme. L'hypothèse de l'inconscient est donc qu'une bonne partie de ce qui se passe en moi (dans mon âme, ma psyché) nem'est pas connu, m'échappe, et cependant influe sur moi.

C'est ainsi qu'il faut comprendre notre passage : lapsychanalyse se propose de « montrer au moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est réduit à se contenter de renseignements vagues et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience,dans sa vie psychique ».

La plupart des choses qui se passent dans l'âme échappent à la conscience. Pour Freud , o a surestimé le rôle de la conscience dans la vie de l'âme, et ainsi on s'est privé des moyens : ¨ De comprendre bon nombre de phénomènes comme les lapsus et les rêves ; ¨ De soigner un certain nombre de maladies, qui ne peuvent s'expliquer que par le conflit psychique qui agite lepatient. Adopter l'hypothèse de l'inconscient permet de comprendre et de guérir, c'est un gain de sens et de pouvoir.

Le butde la psychanalyse est alors de faire en sorte que l'individu, au lieu de subir les forces qu'il ignore et ne contrôle pas, puisse recouvrer sa liberté.. »

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