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Trotski, Léon

Publié le 29/03/2013

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trotski

1   PRÉSENTATION

Trotski, Léon (1879-1940), théoricien et homme politique russe, qui fut l'un des principaux acteurs de la Révolution russe, puis l'un des dirigeants de l'Union soviétique, jusqu'à son éviction par Joseph Staline, qui le contraignit à l'exil.

2   UN ENGAGEMENT POLITIQUE PRÉCOCE

De son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein, Trotski naquit dans la province de Kherson en Russie du Sud. Issu de la moyenne bourgeoisie juive, il fit des études de mathématiques à Odessa puis à Nikolaïev (aujourd'hui Mykolaïv), mais il ne tarda pas à abandonner l'université pour se consacrer au militantisme révolutionnaire. En 1896, il adhéra à un groupe de populistes, mais se convertit rapidement au marxisme. Après un bref séjour à l'université d'Odessa, il rentra à Nikolaïev en 1897 pour y organiser l'Union ouvrière de la Russie méridionale, activité qui lui valut d'être arrêté, emprisonné et exilé.

Il s'évada de Sibérie en 1902 et se réfugia en Europe où il adopta le pseudonyme de Trotski. À Londres, il se lia avec Lénine, Iouli Martov, Gueorgui Plekhanov et plusieurs sociaux-démocrates russes, qui publiaient la revue Iskra (l'« Étincelle «). Écrivain surdoué, doté d'un sens aigu de la polémique et de qualités oratoires exceptionnelles, il ne tarda pas à s'imposer dans le milieu russe en exil.

Lors du second congrès du parti ouvrier social-démocrate russe en 1903, Trotski s'opposa à Lénine et aux bolcheviks, prenant parti pour les mencheviks. En effet, bien que politiquement plus proche de Lénine, Trotski lui reprochait son « scissionnisme « et son hypercentralisme, et s'opposait à lui sur la question de l'organisation du parti. Toutefois, l'indépendance qui le caractérisait l'empêcha de former une véritable faction au sein du parti, mais, tenu à l'écart de ces instances dirigeantes, il préféra retourner en Russie où il prit une part active à la révolution de 1905, épisode qui lui permit d'acquérir une expérience pratique en tant que président du soviet des délégués des travailleurs de Saint-Pétersbourg. Emprisonné en décembre 1905, puis exilé en Sibérie, d'où il s'échappa pour gagner Vienne en 1907, Trotski profita de cette période d'inaction forcée pour affiner son analyse de la révolution dans un pays comme la Russie, encore faiblement industrialisé. Il résuma ses réflexions dans deux ouvrages, 1905 et Résultats et Perpectives. C'est à cette époque qu'il élabora sa théorie de la révolution permanente. Partant à la fois des conclusions théoriques élaborées par Marx et de l'analyse des forces sociales propres à la Russie, Trotski parvenait à des conclusions qui allaient se vérifier lors de la Révolution russe de 1917. Selon lui, la Russie, caractérisée simultanément par un retard économique et une intervention massive de capitaux étrangers, ne pouvait connaître qu'une révolution dirigée par le prolétariat, à condition que ce dernier parvienne à entraîner la paysannerie. Mais le parti du prolétariat, quand il aurait conquis le pouvoir, ne pourrait se limiter à un programme démocratique et serait contraint d'entrer directement dans la voie des mesures socialistes. Selon lui, la révolution russe ne pouvait réussir qu'à condition de transférer le pouvoir au prolétariat, qui devait transformer la révolution en une révolution du prolétariat européen. Cette conception allait à l'encontre de celle des mencheviks pour lesquels la révolution devait nécessairement passer par une phase bourgeoise, mais aussi à Lénine et aux bolcheviks qui crurent jusqu'en 1917 à la possibilité du rôle moteur du peuple et de la paysannerie dans le développement capitaliste de la Russie, préalable nécessaire à l'instauration d'un État socialiste. Originale et radicale, la théorie de la révolution permanente fut ensuite approfondie au cours des années d'un exil que Trotski consacra à la rédaction de la Pravda (« la Vérité «), journal qu'il fonda à Vienne en 1908. Sa théorie sous-tendait que la révolution socialiste, qui devait immédiatement se transformer en révolution permanente par la dictature du prolétariat, devait se propager à l'échelle mondiale dès les premiers jours. Il en résultait que dans les pays arriérés (précapitalistes) « la dictature du prolétariat pouvait advenir plus rapidement que dans certains pays avancés «, mais que la phase d'instauration définitive du socialisme serait plus longue dans ces pays. Enfin, la révolution permanente continuerait au-delà même de l'instauration du pouvoir ouvrier.

3   LE CHEF RÉVOLUTIONNAIRE

Trotski se trouvait à New York lorsque éclata la révolution de février 1917. Il arriva en Russie en mai, et devint président du soviet de Petrograd (nom que portait alors Saint-Pétersbourg). En juillet, après avoir été sollicité par Lénine dont il s'était rapproché, Il rejoignit le parti bolchevique et fut élu à son Comité central. Il ne tarda pas à y imposer sa voie, la révolution permanente, et son mot d'ordre, « tout le pouvoir aux Soviets «. Alors que Lénine se cachait en Finlande, Trotski s'employa à rassembler toutes les forces nécessaires à l'insurrection bolchevique et prit la tête du mouvement insurrectionnel d'octobre.

Nommé commissaire du peuple aux Affaires étrangères après le succès de la révolution, il fut chargé de négocier une paix séparée avec l'Allemagne à Brest-Litovsk. Après s'être prononcé pour l'interruption de la guerre tout en refusant de signer une paix très défavorable à l'Union soviétique naissante, espérant ainsi gagner du temps et favoriser le développement du mouvement révolutionnaire en Allemagne, il finit par se plier à la position de Lénine, qui privilégiait la paix immédiate pour consolider la révolution. Commissaire du peuple à la Guerre à partir de 1918, il dirigea l'Armée rouge dont l'action permit la victoire du camp révolutionnaire durant la guerre civile.

4   L'EXIL

Trotski occupa, après Lénine, le second rang au sein du Politburo. Il appuya les principales mesures politiques prises par Lénine, tout en conservant une grande indépendance d'esprit : il s'opposa ainsi à la Nouvelle Politique économique (NEP), préconisant la poursuite du communisme de guerre. Lorsqu'une attaque cérébrale obligea Lénine à se retirer de la vie politique en mai 1922, Trotski ne parvint pas à s'imposer comme son successeur. De plus, malgré les recommandations de Lénine le mettant en garde dans ses dernières lettres contre le danger que représentait Staline, Trotski sous-estima gravement ce dernier. Peu impliqué dans les intrigues du parti, il ne trouva pas les soutiens nécessaires pour contrebalancer la montée en puissance de la troïka formée par Zinoviev, Kamenev et Staline, qui s'empara du pouvoir en 1924. Bien qu'ayant pris la tête d'une opposition de gauche très hétérogène, prônant la démocratisation et la poursuite de l'industrialisation du régime, il ne put lutter à armes égales avec la machine bureaucratique instaurée par Staline. Avec sa thèse de la révolution permanente, Trotski souhaitait une intensification graduelle ainsi qu'une extension au reste de l'Europe de la révolution bolchevique tandis que Staline défendait sa thèse (élaborée en 1924) du socialisme dans un seul pays. Avec l'échec de la révolution mondiale (en Allemagne, en Chine, etc.), la République soviétique se replia sur elle-même, favorisant la ligne stalinienne. Redoutable homme d'appareil, Staline s'assura le contrôle du parti, privant rapidement les trotskistes de toute liberté d'opposition à sa politique en invoquant l'interdiction des fractions décidée par Lénine aux heures de la guerre civile. En 1925, ses adversaires destituèrent Trotski de ses fonctions au commissariat à la Guerre. En 1926, ils le chassèrent du Politburo et, en 1928, Staline l'exila en Asie centrale. Enfin, il fut expulsé d'Union soviétique en 1929.

Trotski passa le reste de sa vie en quête d'une retraite sûre afin de rédiger ses travaux critiques concernant la Russie staliniste. En Turquie, en France, en Norvège et enfin au Mexique, il fit paraître plusieurs ouvrages, dont une autobiographie, Ma vie (1930), une Histoire de la Révolution russe (3 volumes, 1931-1933) et la Révolution trahie (1936). Il écrivit également des articles sur les principaux problèmes de son époque (le nazisme, le fascisme, la guerre d'Espagne). Il se consacra inlassablement au travail qu'il jugeait être le plus important de sa vie, « munir d'une méthode révolutionnaire la nouvelle génération «. Il apporta ainsi plusieurs apports novateurs à la théorie marxiste, notamment la théorie du stalinisme comme système bureaucratique construit à partir d'un État ouvrier isolé et affecté à l'origine d'un retard massif de développement économique, et la théorie du fascisme comme solution politique mise au service de la bourgeoisie pour lutter contre la révolution. Il passa la majeure partie de son temps à diriger et à organiser la IVe Internationale, fondée en 1938, qui n'obtint jamais une influence à la mesure de l'aura de son principal dirigeant, et qui souffrit d'une absence cruelle de moyens et de la lutte menée contre elle par les agents du Komintern stalinien.

Traqué par les services secrets de Staline, Trotski fut assassiné en août 1940 à Coyoacán, au Mexique, par un agent du service secret du Guépéou, Ramón Mercader (alias Jacques Mornard) qui lui défonça le crâne à coups de pistolet. Agonisant, il eut encore le temps de prononcer ces dernières paroles : « Dites à nos amis que je suis sûr de la victoire de la IVe Internationale. «

5   TROTSKI ET L'HISTOIRE

Les talents exceptionnels d'organisateur, d'orateur et de polémiste dont Trotski fit preuve correspondirent parfaitement à la période de la révolution : son énergie lui permit de créer et, par-dessus tout, de sauver l'Union soviétique pendant la guerre civile. Toutefois, dépourvu des qualités de stratège politique d'un Staline, il fut broyé par l'implacable logique d'un parti en quête de « normalisation révolutionnaire «.

Ses théories connurent un regain de fortune dans les années 1960 lors de l'agitation étudiante qui se manifesta dans les pays occidentaux. Classés à l'extrême gauche, les mouvements trotskistes (Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière en France) luttèrent à cette époque contre les partis communistes considérés comme petits-bourgeois et trop timides dans leur critique du capitalisme, dénonçant leur inféodation à l'URSS et leur conservatisme bureaucratique. Aujourd'hui encore, les communistes russes continuent de considérer Trotski comme un traître, et bien que le régime marxiste-léniniste ait disparu dans ce pays, l'œuvre et la figure de Trotski restent largement déconsidérés dans l'histoire russe du XXe siècle.

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