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LA TROUPE DU SPLENDID: Le Père Noël est une ordure

Publié le 22/02/2012

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Le Père Noël est une ordure ne se conforme à rien. Il s'invente en même temps que la forme café-théâtre se met au point, vient après ses débuts encore brouillons (Le Graphique de Boscop) et avant de foisonner (Elle voit des nains partout, Nuit d'ivresse), puis de devenir à son tour une institution que ses règles, tout en l'officialisant, corsètent, et un réservoir à scénarios de films (Les Bronzés, Les Bronzés font du ski) où le public retrouvera à la fois les acteurs et les types qu'ils ont dessinés, le tout étroitement mêlé, sinon confondu. Le tout en moins d'une dizaine d'années, par un processus bien connu de l'évolution des genres (débuts, classicisme, décadence), mais qui, avant l'audiovisuel, avait besoin de plusieurs siècles pour se déployer. Cela dit, dans ses représentations des années 80 à la Gaîté-Montparnasse, ainsi fonctionnait sans doute le théâtre du XVIIe, où de nombreuses pièces mettaient en scène le personnage de Jodelet (Jodelet devient roi, Jodelet est cocu, etc.), lequel Jodelet n'était autre que l'acteur qui incarnait le personnage. Rostand l'évoque dans Cyrano de Bergerac.

« Même en relayant électriquement la relation directe, l'extension de la taille des salles ne peut pas être indéfinie.L'impression de la communauté restreinte a été bouleversée complètement par les médiations de masse ; plusencore, ce qui était jadis unique est enregistrable et répétable indéfiniment d'une façon immuable et donc définitive.Il en apparaît d'autant mieux qu'avant cela, le plaisir théâtral venait plus qu'aujourd'hui de l'aspect éphémère etunique de chaque représentation. UN CONTACT PROCHEOr il est frappant que le café-théâtre a tiré une part de son succès de l'effort même intuitif de retrouver l'essentieldes plaisirs essentiels au théâtre : un contact proche entre des comédiens qui tirent leur plaisir de jouerdirectement sur scène devant un public, une salle qui vient voir des acteurs présents devant lui, et une pièce quin'ait pas l'aspect définitif d'un rite figé où toutes les représentations sont interchangeables (soit comme à latélévision, soit comme à la Comédie-Française).Il est capital de comprendre que tout ceci influe comme ingrédient direct d'une recette sur ce que la pièce va êtreet contenir : ce théâtre n'est pas celui où un auteur seul écrit solennellement des répliques sacro-saintes, pouralimenter le vecteur par excellence du spectacle collectif de son temps (comme c'est le cas d'Euripide à Giraudoux).Mac Luhan dirait : le café-théâtre doit une grande part de son contenu (son « message ») aux conditions de sonapparition comme medium parmi et à cause d'autres media.

Et on peut ainsi dire que ce qui est présenté sur lascène, la façon dont c'est créé (collectivement), puis joué et interprété (avec des créations spontanées et desimprovisations ou des trouvailles sur le coup) est étroitement dépendant de l'époque où le théâtre se voit forcé à denouvelles règles du jeu.La pièce a été jouée d'octobre à décembre 1980 au théâtre de la porte Saint-Martin et de janvier 1981 à janvier1982 à la Gaîté-Montparnasse.

Son succès a confirmé auprès du public la notoriété des acteurs qui avaient créé lesrôles, et leur place dans le folklore populaire contemporain : la « troupe du Splendid » est devenue à la fois unelégendaire bande de complices, une pépinière de futures vedettes, et une sorte de personnage collectif, notammentvia le cinéma. Résumé Le soir de Noël dans une permanence d'une organisation de secours téléphonique aux personnes en détresse, «S.O.S.

Détresse-amitié », les deux personnes de garde s'apprêtent à remplir leur tâche.

Il y a là Pierre et Thérèse,la trentaine, pleins d'un mélange de blocages ridicules et de zèle altruiste qui laisse deviner des personnalitéstourmentées de frustrations reconverties.La soirée ne devrait comporter que des tâches de routine (y compris les appels d'un habitué de pornographietéléphonique).

Bien qu'à tout moment le voisin du dessous, Monsieur Preskovic, caricature d'émigré balkan, réfugié «de l'Est » calamiteusement serviable, trouve un prétexte obligeant pour faire irruption dans la permanence : il offredes friandises de Noël (immangeables, mais qu'il faut avaler, « par charité »), propose de jouer au bandonéon desairs de musique de son pays.Pierre et Thérèse ne s'efforcent pas moins de tenir leur service comme ils peuvent, à leur façon guindée et terne,ridicules jusque dans leur petit échange de cadeaux de Noël, ratés ou grotesques.

Mais les événements vont seprécipiter, tourner au tragique de comédie-farce, ou même de Grand-Guignol, le burlesque de la paillardiseincontrôlée se mélangeant à qui mieux mieux avec le sang de carnages en série.Dans un excès incontrôlé d'altruisme, Pierre va enfreindre le règlement qui interdit tout accès étranger à lapermanence, et accepter qu'une Katia en détresse vienne chercher un peu de réconfort.

Katia, qui se révèle être unhomme, un travesti en quête d'affection, plonge Pierre dans le plus grand des embarras.De son côté, Thérèse va devoir assumer les conséquences imprévues de ses propres bonnes intentions : sa cousineJosette, véritable « cas social », aussi caractérielle que naïve, fait irruption dans les locaux : elle est poursuivie parson compagnon qui, à la suite d'une furieuse dispute, a des velléités de meurtre.Lui-même, voleur, escroc, et socialement irrécupérable, mélange incontrôlable de méchanceté et de veulerie, prêt àtout et imprévisible, il a parmi ses emplois d'occasion celui de Père Noël saisonnier de devant les grands magasins.C'est ainsi costumé (d'où le titre de la pièce) qu'il va faire irruption sur la scène et plier tout le monde à ses pulsionsincontrôlables, où l'escalade de la démence n'a d'égale que l'énormité des rebondissements.Il menace de tuer tout le monde, contraint Thérèse et Pierre à assumer (devant lui) les pulsions qu'ils ont tant demal à se cacher à eux-mêmes et l'un à l'autre, puis décide de laisser tomber celle qu'il réclamait à grands cris etgrands coups de revolver pour proposer assez rondement la botte à Thérèse, laquelle, «depuis longtemps privéed'une vraie vie de femme », se laisse vite aller à l'écouter.Mais ce n'est pas tout : Katia se révèle aussi être l'ex-mari de Thérèse.

La façon dont la situation évolue le pousseau suicide.

Il se fera sauter la cervelle avec le revolver du Père Noël, dans la chambre qui vient tout juste d'être lecadre d'étreintes à la hussarde.Il va bien falloir se débarrasser du cadavre, et le Père Noël en est à le découper en morceaux lorsque le téléphonesonne : Monsieur Preskovic, une nouvelle et une dernière fois, cherche à s'immiscer dans la permanence : c'est pourannoncer qu'il a essayé en vain de se faire écouter toute la soirée, et qu'il est lui aussi un désespéré qui va mettrefin à ses jours.

Tout de suite, à l'étage au-dessous : il choisit le gaz, et fait ainsi exploser tout l'immeuble.

Rideau.Rouge comme la houppelande de cette ordure de Père Noël. Le principe et la fonction du jeu de massacrePièce où l'on vient « rire et passer un bon moment », Le Père Noël est une ordure détaille ce qui fait passer un bon. »

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