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Que vaut l'excuse : « C'est plus fort que moi » ?

Publié le 04/02/2004

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On voit mal en effet comment on pourrait soutenir que, si j'agis bien, j'en revendique la responsabilité, alors que, si j'agis mal, c'est que je suis soumis momentanément à « plus fort que moi « : la responsabilité doit être dans les deux cas constante, ou inexistante. En d'autres termes, c'est la volonté – ou son absence – qui doit dans tous les cas déterminer ma conduite. Il n'est dès lors pas surprenant que Kant, qui place précisément la volontéau fondement de l'existence morale, refuse ce genre d'excuse : de son point de vue, aucune circonstance ne peut être « plus forte que moi «, parce que mon existence, en tant que sujet moral, implique une liberté toujours entière, et nécessite que je sois défini comme « sujet rationnel «, c'est-à-dire comme m'imposant à moi-même les lois auxquelles doit obéir ma conduite.

[Il. Inconscient et responsabilité]

Une telle théorie du sujet moral est très satisfaisante pour qui veut affirmer que l'homme a en lui une dignité qui le distingue du reste du monde : elle constitue en morale l'aboutissement de la conception classique du sujet, repéré comme doté d'une complète maîtrise sur ses pensées et ses actes. Reste à savoir s'il demeure possible de se considérer, selon la formule d'Auguste dans Cinna, comme « maître de [s]oi comme de l'univers « à partir du moment où l'on est attentif à l'existence, dans le sujet lui-même, de ce que Freud repère comme l'inconscient.Ce dernier, en effet, paraît nier la prétendue maîtrise. À suivre la théorie psychanalytique, on s'aperçoit que l'individu effectue bien souvent des actes, prononce des paroles, prend des attitudes, qui paraissent être provoquées par «plus fort que lui « : lapsus, actes manqués, tics, gestuelle signaleraient une sorte de détermination interne, et par ce qui est à la fois le plus profond dans le sujet et le plus méconnu de lui-même : l'ensemble des pulsions, des désirs, des fantasmes qui résultent de sa biographie et qui, stockés dans son inconscient, l'amènent à faire autre chose que ce qu'il voulait, à dire d'autres mots que ceux qu'il avait prévus. On comprend alors la réaction des esprits classiquement rationalistes face à de telles révélations : dans ces conditions, le sujet « n'est plus maître chez lui «, il semble aussi déterminé ou peu rationnel qu'un animal (« la psychanalyse «, dit Alain, « n'est qu'une psychologie de singe «), condamné à être victime de « plus fort que lui «. Comment, par exemple, traîner un violeur en justice s'il a la possibilité de faire valoir qu'il est la proie de pulsions « plus fortes que lui « et que, tout en sachant que son comportement est coupable, il n'a pas les moyens d'y échapper ?

  • I) Une violente passion peut être plus forte que moi.

a) Sous le coup d'une émotion, je ne contrôle pas mes réactions. b) Nous avons tous des phobies. c) La passion peut dominer la vie de l'esprit.

  • II) Je suis libre d'être le plus fort.

a) Ma liberté ne peut être atténuée par des pulsions. b) Inconscient et mauvaise foi. c) L'homme est entièrement libre et responsable.

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« Une telle théorie du sujet moral est très satisfaisante pour qui veut affirmer que l'homme a en lui une dignité qui ledistingue du reste du monde : elle constitue en morale l'aboutissement de la conception classique du sujet, repérécomme doté d'une complète maîtrise sur ses pensées et ses actes.

Reste à savoir s'il demeure possible de seconsidérer, selon la formule d'Auguste dans Cinna, comme « maître de [s]oi comme de l'univers » à partir du momentoù l'on est attentif à l'existence, dans le sujet lui-même, de ce que Freud repère comme l'inconscient.Ce dernier, en effet, paraît nier la prétendue maîtrise.

À suivre la théorie psychanalytique, on s'aperçoit quel'individu effectue bien souvent des actes, prononce des paroles, prend des attitudes, qui paraissent êtreprovoquées par «plus fort que lui » : lapsus, actes manqués, tics, gestuelle signaleraient une sorte de déterminationinterne, et par ce qui est à la fois le plus profond dans le sujet et le plus méconnu de lui-même : l'ensemble despulsions, des désirs, des fantasmes qui résultent de sa biographie et qui, stockés dans son inconscient, l'amènent àfaire autre chose que ce qu'il voulait, à dire d'autres mots que ceux qu'il avait prévus.

On comprend alors la réactiondes esprits classiquement rationalistes face à de telles révélations : dans ces conditions, le sujet « n'est plus maîtrechez lui », il semble aussi déterminé ou peu rationnel qu'un animal (« la psychanalyse », dit Alain, « n'est qu'unepsychologie de singe »), condamné à être victime de « plus fort que lui ».

Comment, par exemple, traîner un violeuren justice s'il a la possibilité de faire valoir qu'il est la proie de pulsions « plus fortes que lui » et que, tout ensachant que son comportement est coupable, il n'a pas les moyens d'y échapper ? Le problème, de moral, devientjuridique, ou médical, et l'on sait que, de plus en plus, la condamnation du violeur à la prison s'accompagne d'uneobligation de traitement psychiatrique. Freud lui-même n'a pas considéré que l'existence de l'inconscient ouvrait lapossibilité de nier la responsabilité de l'individu : lorsqu'il affirme que « là oùest le ça, le je doit advenir », cela signifie aussi que chacun a l'obligation,pour être authentiquement humain, de connaître ses pulsions et de s'enprotéger - faute de quoi il deviendrait trop facile de trouver à tout coup uneexcuse dans une enfance malheureuse ou dans les mauvais traitements quel'on a subis, pour s'abriter derrière l'allusion à des pulsions qui, bien queparfaitement « en moi », sont aussi « plus fortes que moi ».... »

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