Que vaut l'irrationnel ?

« Kierkegaard dans le Post-Scriptum aux miettes philosophiques disait qu'il est impossible de dissoudre l'existence dans le déploiement de la raison universelle.

L'irrationnel en tant qu'absurde prend donc toute sa valeur dansl'existence.c) Mais l'irrationnel, c'est aussi ce qui n'est pas le produit d'une activité consciente.

En ce sens, l'irrationnel est lavie de l'esprit dans sa forme la plus spontanée.

Rêve, inconscient, désir ne dérivent pas d'une activité rationnelle,mais forment au contraire la nappe abyssale de notre psyché.

Et c'est bien ce qu'on peut observer par exempledans le Surréalisme qui prend bel et bien appui sur l'irrationnel comme base de création tel qu'on peut le voir dans leManifeste du Surréalisme de Breton . Transition : Ainsi, l'irrationnel est irréductible à la raison, il est son pendant absolu, c'est-à-dire la limite permanente àl'intelligibilité et c'est dès lors ce qui peut en faire sa valeur.

Mais dire cela c'est supposer une revalorisation de lanotion d'irrationnel, chose qu'il est nécessaire d'entreprendre pour saisir ce « que vaut l'irrationnel ».

III – Redéfinition et revalorisation a) La question qui se pose alors ici est donc la revalorisation de l'irrationnel, c'est-à-dire sa valeur.

L'irrationnel nouspermet donc de relativiser la raison.

L'irrationnel vaut par lui-même mais aussi en tant qu'il permet de relativiserl'hégémonie de la raison.

Autrement dit, il s'agit alors d'établir un nouveau modèle de pensée ou un nouveauparadigme.

Et c'est bien ce que l'on peut voir avec cette sentence de Bachelard dans la Philosophie du non : « La philosophie traditionnelle d'une raison absolue et immuable n'est qu'une philosophie.

C'est une philosophie périmée.

»Autrement dit, la raison bien qu'elle puisse être un centre actif n'en reste pas moins seulement un centre et ne doitpas régenter les toutes les choses.b) Mais dès lors que vaut l'irrationnel ? Pour l'homme, cela peut nous permettre de comprendre que ce dernier a uneface qui nous est restée cachée : sa folie et sa démesure.

En ce sens, si la raison n'est plus cet absolu qui peutdonner sens à toutes les choses, alors l'homme vis à vis de cet absolu peut se comprendre comme un être de raisonet de folie.

C'est donc une nouvelle définition de l'homme qui se trouve engager par cette réflexion sur la valeur del'irrationnel.

L'originalité de l'homme, ce qui pourrait constituer son essence même, c'est qu'il est un animal doué deraison et de déraison.

Et c'est bien ce que l'on retrouve dans le mouvement de la vie, c'est-à-dire cette folieconçue comme absence d'ordre et déraison organisatrice, qui est en somme constitutive de l'existence humaine.C'est pourquoi E.

Morin dans Le paradigme perdu : la nature humaine nous dit : « On ne pourra opposer substantiellement, abstraitement, raison et folie.

Il nous faut au contraire surimposer au visage sérieux, travailleur,appliqué d'homo sapiens le visage […] d'homo demens.

L'homme est sage-fou.

»c) Mais peut-être peut-on aller encore plus loin avec Nietzsche et les premiers paragraphes du Crépuscule des Idoles .

En effet, Nietzsche remarque que la passion et le désir sont l'essence même de la vie.

Or la passion par sa nature est irrationnelle, spontanée, difficilement contrôlable.

Dans ce cas, l'irrationnel c'est la vie même.

Il faut alorsvoir l'ensemble de la nature comme manquant de profondeur, c'est-à-dire n'ayant un sens que de surface façonnéepar besoin par la raison alors que le réel manquerait justement de sens.

L'irrationnel serait donc une donnéepremière.

La valeur de l'irrationnel serait la vie même dans toutes contradictions et toute sa force créatrice.

Et laquestion serait alors mais que vaut le rationnel ? N'est-ce pas le fruit de imagination, ou un besoin d'illusion sur unréel justement irrationnel et dont nous ne percevons effectivement pas le sens ? Conclusion : Ainsi, la valeur de l'irrationnel se mesure à sa capacité à limiter le rôle de la raison, c'est-à-dire qu'il est le pendantabsolu de la raison et réduit toute tentative d'une intelligibilisation totale du réel.

L'irrationnel est constitutif desaffaires humaines et amène une redéfinition de l'homme où l'existence avec toutes ses contradictions prend saplace.

L'irrationnel est l'absence de sens et il ne peut être saisi par la raison, autrement dit, il peut être lemouvement même de la vie, c'est-à-dire de la passion et du sentiment.. »