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Que veut-on dire quand on dit : «C'est beau » ?

Publié le 23/03/2004

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Cette finalité ne se ramène pas au critère classique de la perfection puisque celle-ci suppose Inadéquation de ce qui est à l'idée ou concept. Or, nous venons de le voir, le jugement de goût est toujours particulier et ne procède pas par concepts. Cette finalité est sans fin. On ne peut lui assigner une fonction.  La forme finale de l'objet a l'apparence de la gratuité. Les êtres vivants ont aussi la forme de la finalité mais cette finalité n'est pas sans fin puisque les parties concourent à une fin, la survie. Cette troisième définition montre que Kant ne définit pas la beauté à partir de la seule qualité de l'émotion. La beauté n'est pas que dans le sujet.  Tout n'est pas beau, tout n'est pas susceptible de produire le plaisir esthétique, cela ne dépend pas de la seule disposition intérieure. D'où vient le plaisir?

Pour saisir le sens et l'enjeu de la question, faites résonner en vous cette exclamation : « c'est beau ! « ou encore « que c'est beau ! «. Des souvenirs viendront certainement accompagner cette image acoustique : des paysages, un vol d'oiseaux, une musique, un tableau... Mais les œuvres d'art tiendront vraisemblablement une place assez restreinte. Le sujet porte donc sur l'expérience de la beauté en général, pas nécessairement ni même prioritairement sur l'art.

« RAPPEL: JUGEMENT RÉFLÉCHISSANT ET JUGEMENT DÉTERMINANT Le jugement déterminant part de l'universel pour l'appliquer au particulier.

A l'inverse du jugement réfléchissant quipart du particulier pour rejoindre l'universel.Par exemple, lorsque nous disons que les chats sont des félins, nous subsumons la catégorie "chat" sous celle de"félin" comme plus générale parce que nous possédons déjà cette généralité.

En revanche, lorsque nous disons quece tableau de Picasso est un chef d'oeuvre, nous n'usons pas de la notion de chef d'oeuvre comme d'un outil pour laconnaissance.Le jugement de goût qui porte sur les oeuvres est un jugement réfléchissant cad qu'il n'est pas un jugement deconnaissance.

En revanche, le jugement déterminant n'est pas celui par lequel nous apprécions la beauté, mais celuipar lequel nous connaissons. [Introduction] « C'est beau ».

Constat ou exclamation, cette proposition intervient dans des circonstances très variées.

Elle peutsanctionner un spectacle, la lecture d'un texte, la contemplation d'un paysage ou d'un tableau, parfois même uneperformance sportive, ou le caractère bienvenu d'une réplique dans une conversation.

Mais que désigne-t-elleréellement ? La « beauté » à laquelle elle fait allusion est-elle toujours la même ? Et sa reconnaissance ou laconfirmation de sa présence ne dépend-elle pas aussi de celui qui parle ? Un tel jugement émane-t-il du seulindividu, ou ne fait-il que témoigner de sa faculté à repérer ou reconnaître ce qu' « on » lui a dit ou enseigné ? Si le« on » désigne à la fois le plus grand nombre et n'importe qui, les avis qu'il formule pourraient bien ne pas dépendredu seul sujet. [I.

Que peut être le beau ?] Il peut être utile de commencer par formuler les caractères fondamentaux du beau, ne serait-ce que pour vérifierque la formule «C'est beau » les prend effectivement en considération.

La définition du beau a été chez Kant l'objetd'une réflexion approfondie, qui souligne son intervention dans ce que l'on peut nommer un jugement esthétique.L'intervention d'un jugement indique immédiatement que la perception du beau ne relève pas du sentiment –davantage concerné par ce qui n'est qu'agréable, émouvant ou joli. Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne ce que son jugement, fondésur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soitrestreint à sa seule personne.

Il admet donc quand il dit : le vin des Canariesest agréable, qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : ilm'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, dupalais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles dechacun.

L'un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouvemorte et terne ; l'un préfère le son des instruments à vent, l'autre celui desinstruments cordes.

Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le jugementd'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ceserait folie ; au point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : àchacun son goût (il s'agit du goût des sens).

Il en va tout autrement dubeau.

Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme qui se piquerait dequelque goût, pensât justifier ses prétention en disant : cet objet (l'édificeque nous voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nousentendons, le poème que l'on soumet à notre jugement) est beau pour moi.Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de l'appelerbelle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et del'agrément, personne ne s'en soucie mais quand il donne une chose pourbelle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge passeulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elleétait une propriété d'objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté diverses reprises cetaccord mais c'est qu'il l'exige.

Il blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en aient; et ainsi on ne peut pas dire : chacun son goût.

Cela reviendrait à dire : il n'y a pas de goût, c'est-à-dire pas dejugement esthétique qui puisse légitimement prétendre l'assentiment universel.

KANT C'est pourquoi le plaisir qu'apporte le beau est désintéressé : il ne peut venir flatter mes pulsions, ne comble pasmes préoccupations pratiques.

De ce point de vue, « C'est beau » signifie que l'objet qualifié se situe dans undomaine totalement étranger aux exigences pragmatiques du quotidien une « belle » nature morte ne satisfera pasma faim, un « beau » nu, en peinture ou sculpture, ne suscitera pas de réaction libidinale de la part du spectateur.C'est précisément parce que le beau est indépendant de l'intérêt personnel qu'il serait, toujours d'après Kant,capable de susciter un plaisir universel.

Ce qui souligne que, lorsque j'affirme la beauté de quoi que ce soit, je sous-entends la possibilité, ou même la nécessité, d'un accord de tout le monde sur sa présence.

Ce que je juge beau nepeut l'être seulement pour moi, et il y a dans la formule « C'est beau » l'implication d'une universalité au moinspotentielle du jugement, qui se distingue clairement de ce que pourrait signifier « C'est beau pour moi », ou « Moi, je. »

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