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Victor Hugo écrit dans la Préface de Cromwell : « La vérité de l'art ne saurait être la réalité absolue ». Que pensez-vous de cette opinion ?

Publié le 27/02/2008

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hugo
Il a un idéal, un tempérament, des expériences, une technique, qui lui sont propres. Aussi ne voit-il pas les choses comme tout le monde, et de ce qu'il voit retient-il seulement ce qui s'accorde avec sa conception du beau. C'est ensuite à sa manière qu'il exprime ce qu'il a retenu : il a ses couleurs préférées, des tons plus ou moins vifs ; l'écrivain recherche naturellement un certain rythme multiplie les images brillantes ou au contraire n'aime qu'un style dépouillé... Or quelle est la raison principale de l'intérêt que suscitent les créations artistiques et des sommes énormes qu'atteignent certaines toiles dans les enchères ? Non pas, certes, le plus souvent, leur beauté absolue, le sentiment qu'un état d'âme, un paysage, une course de chevaux... ne furent jamais aussi bien rendus, bref leur fidélité au réel. Ce qui nous intéresse le plus, c'est ce que l'auteur a mis de lui-même dans son oeuvre, sa vision de la réalité et sa manière de la traduire. Aussi pour nous, un tableau de maître, ce n'est pas un Coucher de soleil. La moisson, Le moulin, mais un Corot, un Matisse, un Van Gogh... La réalité en soi, la réalité absolue, est presque totalement oubliée.
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« prend comme modèle pour exécuter une oeuvre d'art : un beau paysage, une belle femme...

Ces « réalités absolues» sont belles, par hypothèse, mais on ne trouve pas en elles « la vérité de l'art » : d'abord parce qu'elles sont unecréation de la nature et non de l'art ; ensuite parce qu'il manque un terme de comparaison par rapport auquel onpuisse les juger plus ou moins vraies.

La vérité de l'art ne peut être que dans la statue du sculpteur ou dans la toiledu peintre.Cette statue, cette toile recouverte de couleurs, ont bien une réalité absolue : c'est du marbre, un tissu de lin surlequel le peintre étala au pinceau un mélange d'huile et de pigments.

Mais la vérité de ces oeuvres d'art n'estévidemment pas dans cette réalité absolue, réalité brute qui n'a rien d'artistique.Ne consisterait-elle pas dans la perfection avec laquelle est reproduite la réalité absolue du modèle ? La meilleurepreuve de la vérité de la peinture représentant des raisins ne serait-elle pas que des oiseaux viennent la picorer,ainsi qu'on le raconte d'un tableau d'Apelle ? Sans doute est-ce par là que commence l'art, mais ce n'en est quel'enfance.

Celui qui, devant une toile de paysagiste, admire en disant : « Comme c'est bien vu, c'est tout à fait cela! » manifeste une éducation artistique bien élémentaire.

Ce n'est pas la ressemblance qui fait la vérité de l'art, sinonil y aurait moins d'art dans un tableau que dans une photographie, et dans une photographie prise par un artistehabile à produire l'impression qu'il désire que dans celle de l'amateur ignorant des artifices du métier.

Unephotographie artistique peut bien représenter un paysage, mais tel qu'il est vu par l'artiste et non dans sa réalitéabsolue.

Il faut en dire autant du tableau, de la description poétique, d'une page d'analyse psychologique et de toutce qui mérite d'être compté au nombre des oeuvres d'art. B.

La vérité dans l'art ne peut donc consister que dans une réalité relative.

Mais relative à qui ou à quoi ?Cette réalité est relative tout d'abord à la constitution organo-psychique de l'homme, à ses fonctions perceptives :elle est dans les couleurs et les formes, dans les sons et les rythmes..., autant de choses qui n'existent pas en soi,mais seulement pour un être capable de percevoir et de se rappeler.

On peut même dire que la vérité de l'oeuvred'art appartient à la catégorie du paraître plutôt qu'à celle de l'être.Elle est ensuite relative à la personnalité de celui qui perçoit : à ses idées, à ses intérêts, à son état affectif...

Laperception du beau suppose dans l'esprit certaines normes : c'est par référence inconsciente à ces normes quej'apprécie les beautés de toute sorte, naturelles et artificielles.

De là vient la diversité des appréciations dans cedomaine.

Ces normes, en effet, dépendent de l'éducation et du tempérament personnel : ce qui est beau pour vousne l'est pas toujours pour moi.

A plus forte raison suis-je quelque peu déconcerté quand un professionnel del'histoire de l'art prétend me faire admirer des oeuvres d'une civilisation complètement étrangère à celle dans laquellej'ai été élevé : il faut une certaine accoutumance pour comprendre son admiration et surtout pour la partager.

N'enest-il pas d'ailleurs de même des productions d'artistes d'avant-garde ou même simplement des modes nouvelles ?Ajoutons que, dans le domaine du beau, les préférences se fondent sur une réaction affective plus que sur unjugement intellectuel et critique.

Aux normes se superposent des sentiments, ces raisons du coeur que la raison neconnaît pas : celle qu'on aime est facilement la plus belle, non pas en réalité absolue, évidemment, mais en réalitérelative.Ce que nous venons de dire du simple spectateur des choses belles l'est également de l'artiste : la vérité de l'oeuvred'art est relative à la personnalité de l'artiste.

Il a un idéal, un tempérament, des expériences, une technique, qui luisont propres.

Aussi ne voit-il pas les choses comme tout le monde, et de ce qu'il voit retient-il seulement ce quis'accorde avec sa conception du beau.

C'est ensuite à sa manière qu'il exprime ce qu'il a retenu : il a ses couleurspréférées, des tons plus ou moins vifs ; l'écrivain recherche naturellement un certain rythme multiplie les imagesbrillantes ou au contraire n'aime qu'un style dépouillé...Or quelle est la raison principale de l'intérêt que suscitent les créations artistiques et des sommes énormesqu'atteignent certaines toiles dans les enchères ? Non pas, certes, le plus souvent, leur beauté absolue, lesentiment qu'un état d'âme, un paysage, une course de chevaux...

ne furent jamais aussi bien rendus, bref leurfidélité au réel.

Ce qui nous intéresse le plus, c'est ce que l'auteur a mis de lui-même dans son oeuvre, sa vision dela réalité et sa manière de la traduire.

Aussi pour nous, un tableau de maître, ce n'est pas un Coucher de soleil.

Lamoisson, Le moulin, mais un Corot, un Matisse, un Van Gogh...

La réalité en soi, la réalité absolue, est presquetotalement oubliée.

L'important c'est la manière dont l'artiste l'a vue et rendue.

La vérité d'un tableau de Van Goghconsiste à être traitée dans le genre de Van Gogh. Conclusion. — II y a un siècle, en esthétique, les discussions entre réalistes et idéalistes étaient encore ardentes. Aujourd'hui, elles sont bien dépassées.

Personne ne prétend que l'oeuvre d'art copie aussi parfaitement que possiblela réalité.

Personne non plus n'enseigne que l'artiste doit lui tourner le dos et créer d'après les seules conceptions deson esprit.

C'est bien dans la réalité qu'il trouve la matière de ses oeuvres ; mais cette matière, son regard déjà latransforme et lui donne un sens qu'elle n'a pas par elle-même ; ensuite en réalisant son oeuvre il poursuit ce travailde transformation, si bien que ce qui vient de lui l'emporte bientôt sur ce qui vient des choses.

Il se trouve devantune réalité nouvelle, création de son art, et non devant la réalité absolue.. »

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