Devoir de Philosophie

vité, il est impossible de la soustraire à la nécessité.

Publié le 23/10/2012

Extrait du document

vité, il est impossible de la soustraire à la nécessité. Pour mettre la liberté à l'abri du destin ou du hasard, il fallait la faire passer de l'action dans l'existence. (Monde, III, 133-4.) 3. L'UNITÉ DU VOULOIR-VIVRE ET L'ILLUSION DE LA PLURALITÉ De même que la nécessité n'appartient qu'au phénomène, et non à la chose en soi, c'est-à-dire à l'essence véritable du monde, de même aussi la multiplicité. J'ai déjà assez longuement exposé cette idée au § 25 du premier volume. Je n'ai ici qu'à ajouter quelques considérations, destinées à confirmer et à éclaircir cette vérité. Tout homme ne connaît directement qu'une seule chose, sa propre volonté dans la conscience intime. Tout le reste, il ne le connaît que médiatement, et il en juge d'après cette donnée première et par une analogie qu'il pousse plus ou moins loin, selon sa puissance de réflexion. C'est là même, en dernière analyse, une conséquence de ce qu'il n'existe, à vrai dire, qu'une seule chose : l'illusion de la pluralité (Maïa) issue des formes de la compréhension objective, externe, ne pouvait pas pénétrer jusque dans la conscience intérieL et simple ; aussi celle-ci ne trouve-t-elle jamais devant soi qu'un seul être. Contemplons dans les oeuvres de la nature cette perfection qu'on n'admire jamais assez, cette perfection qui se poursuit jusque dans les derniers et les moindres organismes, par exemple les organes de fécondation des plantes, ou la structure intime des insectes, et cela avec un soin aussi extrême, un zèle aussi infatigable que si l'être en question était l'oeuvre unique de la nature, l'oeuvre à laquelle elle aurait pu consacrer tout son art et tout son pouvoir. Cependant nous en trouvons la répétition à l'infini, dans chacun des innombrables représentants de chaque espèce, sans que le soin et la perfection soient en rien moindres chez celui dont le séjour est le coin du monde le plus solitaire et le plus délaissé. Suivons maintenant aussi loin que possible la composition des parties de tout organisme, et jamais nous ne nous heurtons à un élément entièrement simple et dernier, bien moins encore à un élément inorganique. Perdons-nous enfin dans le calcul de cette appropriation de toutes les parties organiques au maintien du tout, qui fait de chaque être vivant, en soi et pour soi, une créature achevée et parfaite ; considérons en outre que chacun de ces chefs-d'oeuvre, fussent-ils de courte durée, a été déjà reproduit un nombre de fois infini et que pourtant chaque exemplaire de l'espèce, chaque insecte, chaque feuille, chaque fleur, paraît façonné avec une attention aussi scrupuleuse que l'était le premier, et qu'ainsi la nature, loin de commencer, par fatigue, à faire de la mauvaise besogne, achève le dernier travail de main de maître et aussi patiemment que le premier : nous nous apercevrons alors, en premier lieu, qu'entre tout art humain et les créations de la nature, il y a des différences totales tant de degré que de genre, et, de plus, que la force primitive agissante, la natura naturans, est immédiatement présente, entière et indivise en chacune de ses oeuvres innombrables, dans la plus petite comme dans la plus grande, dans la dernière comme dans la première : d'où résulte qu'à ce titre et en soi elle ne connaît ni le temps ni l'espace. Poussons maintenant plus loin nos réflexions, comprenons que la production de ces oeuvres d'art inouïes coûte pourtant si peu à la nature qu'avec une prodigalité inconcevable elle crée des millions d'organismes destinés à n'arriver jamais à maturité, qu'elle expose sans merci tout être vivant à mille sortes d'accidents, mais que d'autre part aussi, favorisée par le hasard, ou dirigée selon les intentions de l'homme, elle n'a pas de peine à produire des millions de spécimens d'une espèce, où il n'y en avait qu'un jusque-là, et qu'ainsi des millions d'êtres ne lui coûtent rien de plus qu'un seul : toutes ces considérations ne nous amènent-elles pas à l'idée que la multiplicité des choses a sa racine dans le mode de connaissance du sujet, sans appartenir à la chose en soi, c'est-à-dire à la force primitive intime qui s'y manifeste ; qu'ainsi l'espace et le temps, sur lesquels repose la possibilité de toute pluralité, sont de simples formes de notre intuition, et que même enfin cette prodigieuse habileté artistique dans la structure, unie à la profusion la plus aveugle dans les oeuvres auxquelles elle l'applique, a aussi pour seul fondement dernier notre façon de concevoir les choses ? Quand, en effet, la tendance originelle, simple et indivisible de la volonté en tant que chose en soi, se présente comme objet dans notre connais- sance cérébrale, elle doit sembler un enchaînement artistique de parties séparées et ordonnées dans le rapport de moyen à fin avec une perfection infinie. L'unité signalée ici de cette volonté, dans laquelle nous avons reconnu l'essence intime du monde phénoménal, est située au delà des phénomènes, c'est une unité métaphysique ; la connaissance qu'on en peut avoir est donc transcendante, c'est-à-dire qu'elle ne repose pas sur les fonctions de notre intellect et qu'ainsi ces fonctions ne peuvent, à la vérité, servir à la saisir. De là résulte qu'elle ouvre à notre pensée un abîme, dont la profondeur interdit une vue d'ensemble complète et claire ; il ne nous est donné d'y jeter que des regards isolés, propres à nous faire connaître cette unité dans telle ou telle condition des choses, tantôt du côté objectif, tantôt du côté subjectif : tout cela donne naissance à de nouveaux problèmes, que je ne me fais pas fort de résoudre ; loin de là, je m'en réfère bien plutôt au mot d'Horace : « est quadam prodire tenus « plus soucieux de n'avancer rien de faux, rien d'arbitrairement inventé, que de vouloir toujours rendre compte de tout, même au risque de ne fournir ici qu'une exposition fragmentaire. (Monde, III, 134-6.) C) LES DEGRÉS DE L'OBJECTIVATION ET LES IDÉES DE PLATON On a essayé de diverses manières de faire comprendre à l'intelligence de chacun l'immensité du monde, et l'on y a vu un prétexte à considérations édifiantes, comme, par exemple, sur la petitesse relative de la terre et de l'homme, et, d'autre part, sur la grandeur de l'intelligence de ce même homme si faible et si misérable qui peut connaître, saisir et mesurer même cette immensité du monde ; et d'autres réflexions de ce genre. Tout cela est fort bien ; mais, pour moi qui considère la grandeur du monde, l'important de tout cela, c'est que l'Être en soi dont le monde est le phénomène, — quel qu'il puisse être, — ne peut s'être divisé, morcelé ainsi dans l'espace illimité, mais que toute cette étendue infinie n'appartient qu'à son phénomène, et qu'id est lui-même présent tout entier dans chaque objet de la

Liens utiles