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vouloir bien-faire

Publié le 14/03/2011

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. Vouloir bien-faire .

 

«Et pourtant j'ai voulu bien faire» pouvons nous entendre fréquemment dans notre vie quotidienne ou avons nous pu dire parfois quand nos actes, nos agissements se sont révélés ratés, quand nous n'avons pas pu aider correctement une personne par exemple, alors que nous avons eu profondément l'envie, le désir, la volonté de bien faire, d'être utile et d'aider. Un enfant qui essaie de mettre le couvert pour aider ses parents et qui fait tomber malencontreusement la vaisselle par terre, qui se casse, a eu cette envie de bien faire, d'être utile, mais malheureusement à fait plus de tort à ses parents qui doivent maintenant ramasser les morceaux de verre... Aussi dans ce cas précis, ma volonté de bien faire suffit-elle réellement à faire le bien ? Pourquoi souhaitons alors faire ce bien puisqu'on encours toujours un risque, le risque de faire plus de mal que de bien ? Plusieurs réponses s'offrent à nous. En reprenant l'exemple de cet enfant qui a voulu mettre le couvert, nous pouvons nous demander pourquoi ce dernier l'a-t-il fait. Peut-être pour avoir la reconnaissance de ses parents, recevoir ce sourire ou ce «bravo» qui le rendra fier de son acte, ou peut-être a-t-il agit ainsi pour se sentir utile, par devoir d'enfant bien élevé qui aide ses parents. Mais alors, dans ce cas, l'envie de bien faire provient-elle de ma propre volonté, qui serait alors gratuite, ou est-elle mue par une définition commune aux hommes du «bien faire» m'entrainant à m'approcher au plus près de cette détermination afin de m'intégrer dans une société ? Afin d'apporter des réponses plus claires à ces interrogations, il nous sera nécessaire d'analyser dans un premier temps ce qu'est réellement la volonté de bien faire c'est à dire si ma volonté m'est fondamentalement intérieure et propre ou bien si elle n'est pas régie par une morale sociale. Dans une seconde partie, nous nous demanderons alors pourquoi vouloir bien faire si ce n'est pas ma volonté propre qui est en jeu. Enfin dans une dernière approche, nous aborderons la question fondamentale de savoir si vouloir bien faire suffit à faire le bien en soi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans l'expression «vouloir bien-faire», le terme vouloir semble être une décision prise par un sujet, une idée précise, qui a priori provient de lui, une sorte de préméditation à l'acte qu'il souhaite entreprendre, dans un but qui lui est propre et qu'il s'est fixé lui-même. Aller plus loin consisterait à dire que même si cet acte échoue, ou fait le contraire de ce qui était souhaité, ma volonté était vraiment de faire cet acte que je viens d'accomplir, les conséquences n'étant peut-être pas à la hauteur de mes espérances. Vouloir, c'est déjà agir, penser à faire quelque chose, assumer par voie de conséquence des convictions. C'est aussi se donner des fins, un but précis. Aussi, nous pouvons remarquer que ma volonté de bien faire se révèle à priori libre de toute contrainte extérieure. C'est dans cette perspective d'ailleurs que Kant dans son ouvrage Critique de la raison pure illustre cette réelle liberté et ce devoir d'assumer ses actions commises en se demandant «Que dois-je faire?». En voulant bien-faire, je réfléchis sur ce que je veux ou ce que je vais entreprendre, je ne suis pas des règles qui me seraient données par avance et qui me guideraient dans la voie du Bien ou du Mal. Je me donne ici mes propres règles de conduite.

En disant, «je veux bien faire» ou «je ne veux pas bien-faire» voire «je veux mal-faire», je fonde moi-même mon propre jugement du bien et du mal et par conséquent je suis libre d'agir selon mes préceptes, ma conscience. Et c'est pourquoi Nietzsche dans son Gai savoir nous enseigne «Que dis ta conscience ? Tu dois devenir l'homme que tu es» et nous explique par là que c'est à travers ma propre conscience que je peux faire ce que moi même je nommerai «bien».

Néanmoins, il serait naïf de penser que vouloir serait toujours mû que par une décision propre au sujet, à l'homme. Ce dernier est-il à même de définir ce qu'est à proprement parler le «bien-faire» ? Et d'ailleurs, en voulant bien faire, est-ce réellement notre propre volonté, notre définition personnelle du «bien-faire» qui est en jeu ? Chaque époque est régie par ce que l'on appelle des moeurs, des us et coutumes, traditions, une culture commune aux hommes qui ne peuvent s'en extraire réellement sans risquer d'être exclus de la société, de la communauté.

C'est ce que nous explique Pierre Bourdieu de notre monde actuel. Dans son article la Domination du journalisme, le sociologue annonce qu'aujourd'hui, les médias, à savoir principalement la télévision et la presse, ont un pouvoir sur l'homme; celui de manipuler son opinion, tout en se prétendant objectif et informatif. À son insu, les médias, imposent à l'individu des règles de penser, de conduite, de comportement à avoir. Elles dirigent plus ou moins inconsciemment alors les jugements moraux de l'homme, altèrent sa vision du bien-faire. Le sujet se conforme alors à un mode de pensée commun à tous les hommes.

C'est pourquoi, nous ne pouvons dire que ma volonté est toujours mienne, car je n'ai plus toujours conscience de ce qui distingue mon plein-grès de la morale, qu'on peut dire ici sociale, puisque la collectivité semble me prescrire un comportement à suivre. Cette non conscience d'accomplir des actes en fonction de ce qu'une communauté m'impose, Spinoza le dénonce dans Ethique, I en déclarant «les hommes se croient libres parce qu'ils ont conscience de leurs désirs et de leurs actions mais ignorent les causes qui les déterminent».

Mais, malgré cela, l'homme continue quand même à vouloir bien-faire, même s'il est possible que cette volonté ne provienne pas toujours de lui. Nous pourrons alors nous demander pourquoi vouloir bien-faire ? Que gagne l'homme à faire du bien autour de lui ?

     

 

 

 

Si, comme nous l'avons vu précédemment, vouloir bien faire c'est avant tout suivre une morale que l'on me donne, alors qu'est-ce qui me pousse à chercher quand même toujours à faire une bonne action, un acte moralement bon ?

De prime-abord, remarquons combien vouloir bien-faire, c'est entrer dans la définition commune du bien faire, permettant à celui qui agit bien d'être reconnu parmi ses pairs et de se sentir utile à la société. En effet, chaque humain à besoin d'être intégré dans une collectivité pour se construire socialement. Pour cela, il doit respecter les principes de cette collectivité, comme le fait remarquer Hegel dans son ouvrage Phénoménologie de l'esprit, lorsqu'il nous explique que «toute conscience humaine a besoin de reconnaissance pour exister en tant que telle».

Puisque toute société définit ce qui est bien et ce qui est mal, ne pas adhérer à cette définition du bien revient à s'en exclure automatiquement. Par exemple, dans la communauté religieuse catholique, un des dix commandements déclare à l'homme «tu ne tueras point» définissant ainsi le mal, qui est de tuer son prochain. C'est pourquoi, vouloir bien faire, c'est vouloir faire quelque chose en rapport avec ce que la société attend de moi, ce que la morale sociale souhaite des hommes ici en l'occurrence, tout mettre en oeuvre pour ne jamais tuer, ne jamais passer cet acte considéré comme répréhensible. Et c'est parce que j'ai besoin de reconnaissance parmi les miens que j'adhère aux normes et que je cherche à bien agir ou du moins ne pas mal agir, ce qui m'amènerais à devenir marginal.

Aussi, nous pouvons remarquer que la volonté de bien faire peut alors donner aux hommes l'impression d'être sur un droit chemin, un chemin qui mènerait vers un salut éternel, une reconnaissance, supérieure, divine. Dans de nombreux cultes, les fidèles cherchent une «droiture morale» ou vertu, autrement dit, un respect à la lettre des principes établis par sa religion. Le catholicisme par exemple annonce à ses fidèles «ne sois point sage à tes propres yeux; crains le seigneur et détourne toi du mal», s'il veut pouvoir accéder au paradis, ultime reconnaissance de Dieu.

Une autre approche serait de dire que faire-bien me donne l'impression que j'ai accompli un acte utile, voire indispensable pour autrui. Il me donne bonne-conscience et me rend par voie de conséquence heureux et fier de ce que je viens de faire. Aussi, je peux vouloir bien-faire parce que cela signifie par prolongement que j'aurai la satisfaction d'avoir bien agi, ce bonheur d'avoir accompli un acte dit ''bon''. Par voie de conséquence, faire-bien c'est avoir bonne-conscience, ne rien avoir à se reprocher ou mieux encore, être en paix avec soi-même. C'est pourquoi, on peut vouloir bien agir pour retrouver cette sérénité ou cette image positive que j'ai de moi quand j'ai accompli une bonne action. C'est d'ailleurs ce que nous explique Rousseau dans son ouvrage Emile ou de l'éducation IV : «croyez vous qu'il y ait sur la terre un seul homme assez dépravé pour n'avoir jamais livré son coeur à la tentation de bien faire? Cette tentation est si naturelle et si douce, qu'il est impossible de lui résister toujours et le souvenir du plaisir qu'elle a produit une fois suffit pour la rappeler sans cesse».

Seulement, cette impression de faire le bien, fait-elle véritablement le bien? Et la volonté de bien-faire est-elle suffisante pour réellement bien agir ?

     

 

 

 

 

 

 

 

 

Demandons nous à présent si vouloir bien faire suffit à faire le bien, à bien agir, dans le but d'aider autrui, de rendre mon entourage heureux par exemple. De prime-abord, il semble que pour bien agir, il ne suffit pas toujours d'être de bonne volonté, que vouloir n'est pas forcément suffisant pour faire «le» bien autour de soi.

En effet, il serait a priori trop facile de vouloir bien-faire pour bien-agir. Prenons un exemple. Je veux décorer mon sapin de Noël dans le but de faire une surprise à ma famille. Je me dis que mettre des bougies sous ce sapin pourrait le rendre encore plus éclatant et lumineux, je le fais, mais malheureusement au final, mon sapin, à cause de la flamme des bougies, s'embrase, et la maison avec... Ici, il est évident que je ne désirais pas mal-faire en décorant mon sapin, j'ignorais les conséquences possibles de mon acte, je souhaitais seulement faire une chose que je croyais bonne et qui finalement s'est révélée mauvaise. Je ne pensais pas que décorer un sapin avec des bougies ferait flamber ma maison, je désirais bien faire, mais cela n'a précisément pas suffit.

C'est pourquoi,Platon nous explique que même si mes actions sont mauvaises, ma volonté, elle, ne l'était pas, et que c'est mon ignorance qui est en cause. Nous faisons le mal involontairement et c'est pourquoi dans son ouvrage le Ménon, le philosophe déclare «nul n'est méchant volontairement en toute connaissance de cause».

Cependant, un adage bien connu nous enseigne souvent que «vouloir c'est pouvoir». Aussi quand je veux véritablement bien-faire ma volonté peut avoir une valeur performative, elle agira par conséquent sur mon action qui sera bonne. Vouloir c'est peut être en effet tout d'abord mettre tout en oeuvre pour trouver des moyens qui se révèleront efficaces afin de me permettre d'atteindre un but. Mais nous pouvons remarquer que vouloir faire-bien, c'est savoir alors où est ce bien que je cherche tant à accomplir. Et si nous nous en référons à Spinoza, nous ne pouvons pas distinguer le bien du mal, cet «asile de l'ignorance» que nous sommes incapables de définir, nous les hommes.

Pour finir, remarquons que la volonté de bien-faire n'est pas comparable à une véritable bonté morale. En effet, le terme «bonne volonté» semble parfois un peu naïf, on dit généralement d'une personne qui a du mal à accomplir quelque chose qu'elle est «de bonne volonté». Selon Kant, dans son ouvrage la Métaphysique des moeurs, la volonté bonne, ce n'est pas une envie de bien-faire mais une intention dite «pure», la volonté de faire le bien en soi, le Bien pour ce qu'il est. La volonté bonne possède une valeur «absolue», autrement dit elle ne dépend d'aucune contrainte extérieure et c'est pourquoi le philosophe déclare «De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, il n'est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une volonté bonne».

Il est alors possible de se demander si je peux être sûr de la bonté de ma volonté ? Si nous prenons un exemple, Robin des bois était-il bon ? Pour donner aux pauvres, il volait d'abord les riches. Sa volonté, certes bonne de venir en aide aux plus pauvres l'était-elle pour autant en ce qui concerne les riches ? La volonté bonne est donc difficile à accomplir, car vouloir faire le bien pour le bien d'un côté, c'est souvent aussi faire du mal de l'autre.

Ainsi, si nous ne savons pas où se trouve «le» Bien, ni vraiment comment s'en approcher, encore moins être certain qu'en faisant du bien à quelqu'un , je ne fasse pas de mal à quelqu'un d'autre, «vouloir bien-faire» peut se percevoir comme une simple expression qui cherche à camoufler nos mauvaises actions sous couvert d'une volonté qui serait, elle, bonne. Vouloir bien-faire, alors, ce serait peut-être finalement tout mettre en oeuvre pour faire le plus de bien, d'heureux autour de soi, en faisant toutefois attention à faire le moins de mal possible.

 

 

 

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