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Vous paraît-il nécessaire d'imposer des limites à la recherche sur le vivant ?

Publié le 12/03/2004

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Ici, l'analyse peut porter principalement sur les trois parties de la question. « Imposer des limites « : cela peut prendre la forme d'un décret, d'une loi, d'un appel à la conscience des chercheurs, ou même de sanctions. Il y a des degrés dans l'imposition. Une limite s'impose-t-elle seulement, ou bien doit-elle être consentie ? Dans un cas, elle s'exerce de l'extérieur sur les chercheurs ; dans l'autre, on attend des scientifiques eux-mêmes qu'ils donnent un cadre à leurs recherches. Autre élément de la question : la recherche. Elle représente une quête de connaissance ; mais ses finalités sont moins souvent la connaissance pour elle-même que ses applications (à l'industrie pharmaceutique ou agro-alimentaire par exemple). Ne pas distinguer les deux reviendrait à poser la question des limites en bloc, et à nourrir ainsi la confrontation stérile d'un obscurantisme toujours prompt à juger la connaissance dangereuse, et d'un laisser-faire favorable à la soumission de la recherche scientifique aux seuls intérêts économiques.

Le vivant, enfin : selon qu'il s'agisse de végétaux, d'animaux, ou de l'homme, il est évident que les problèmes soulevés par la recherche et l'expérimentation ne sont pas de même portée.

« Les manipulations sur le vivant sont légitimesDescartes rêvait que l'homme deviennent comme maître et possesseur de la nature.

Ce rêve doit se réaliserpour que l'homme puisse se réaliser et s'épanouir pleinement. Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartesmet au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit depromouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique etde leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseursde la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme,mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne dumonde.Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de laphilosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sacompréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode »,Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des sièclespassés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriationchrétienne de la doctrine d'Aristote.Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à laphilosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une «philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne lascolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir surl'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science uneactivité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendrele monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue commecoupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes,mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie »,d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets deconnaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité deconnaître.La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophiepratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'onjouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé [...] »La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte àl'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, cellede la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peuts'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient unescience appliquée.D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nosartisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pasindifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou ontransforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action del'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair.D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit lanature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement,artificiellement la nature.Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement unenature désenchantée est encore le nôtre.Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur dela nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est icidécrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut enfaire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'actionde l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait lamétaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce qui relèvedu corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux àdes machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes estcelle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les taboustouchant la dissection, à tomber.Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de lanature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophiepratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dansce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouverquelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'estdans la médecine qu'on doit le chercher.

»La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de. »

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