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Le vrai est-il ce qui est vérifié ou vérifiable

Publié le 21/03/2004

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Le « raisonnement expérimental », selon l'heureuse expression de Claude Bernard est à proprement parler une invention sans laquelle il ne pourrait y avoir de découverte, ce L'idée préconçue engendre un raisonnement qui déduit, l'expérience propre à la vérifier. » Mais quand il s'agit de théories modernes comme celle de la Relativité ou de la Mécanique ondulatoire, le recours au critère du succès et à la simple soumission du savant à l'égard de l'expérience ne rendent absolument pas compte de l'essentiel, à savoir de l'immense construction abstraite grâce à laquelle le savant deviendra capable de devancer l'expérience et en quelque sorte de l'inventer, comme ce fut le cas pour la découverte des phénomènes d'interférence et de diffraction et ultérieurement pour la diffraction des électrons ou encore pour le tableau-classification de Mendéleiev.Il apparaît donc que déjà dans le domaine intellectuel la position de James prête à la critique, qu'elle ne correspond pas à l'authentique démarche scientifique. Mais, plus profondément, sa conception de la vérité se révèle inadmissible, à la fois en raison de l'extension illégitime qu'il donne à la notion d'utilité et à l'inversion qu'il institue dans le rapport entre le vrai et l'utile. Le paradoxe qui réduit le vrai à l'utile semble d'abord séduisant si l'on se réfère à la pratique la plus courante. Il n'est pas douteux que dans la vie ordinaire le moyen le plus simple et le plus efficace de connaître la valeur d'une idée, d'une conjecture, est d'en faire Fessai ou l'épreuve. « On va bien voir », dit-on. L'utilité est bien ici ce qui répond à un besoin vital et sur ce plan pratique elle se confond effectivement avec la vérité. Ce n'en serait pas moins restreindre singulièrement la vie humaine que de la limiter à ce domaine. Aussi, poussés par la critique, les pragmatistes ont-ils été entraînés à prendre les mots besoin et utile dans un sens si large qu'ils ne signifient plus rien du tout.

« la valeur.

C'est pourquoi, dit James, avec le pragmatisme une théorie devient un instrument de recherche au lieud'être une réponse à une énigme et la cessation de toute recherche.

La vérité pour le pragmatisme garde donc unsens, quoique ce sens soit tout différent de celui qui lui donnent d'habitude les philosophes.

Les idées vraies sontcelles qui paient, dont les effets pratiques sont avantageux et les conséquences utiles.Toute la science et la psychologie s'éclairent à la lumière de cette conception.

Par exemple, percevoir un objet,c'est préparer les gestes par lesquels on agira sur lui ou simplement on l'explorera par l'un des sens.

Imaginer, c'estagir ou parler comme si l'objet était présent.

Se rappeler, c'est se préparer à faire les gestes déjà faits lors de laperception pour l'objet remémoré, etc.

De même la connaissance scientifique est une technique utilitaire etopératoire.

Les lois scientifiques sont des recettes d'exploitation plus ou moins condensées.

Ainsi la loi de Boyle-Mariotte énonce la pression qu'il faudra exercer pour réduire à un volume déterminé une niasse de gaz occupant unautre volume sous une pression déterminée. *** Mais James, nous l'avons noté, va beaucoup plus loin.

Quand il dit que les idées vraies sont celles qui ont des effetsavantageux et des conséquences utiles, il faut prendre ces expressions dans un sens très large.

Il y a chez l'hommeune foule de besoins, tout autres que celui de manger, de boire ou de se bien porter et on doit appeler utile tout cequi répond à ces besoins divers.

La vérité se définit par la totalité de ses conséquences de tout ordre.Conséquences d'une idée pour la connaissance elle-même, c'est-à-dire cohérence, simplicité, etc.

Conséquencesaffectives et sentimentales, car dans tous les jugements les conditions affectives et intellectuelle sontinextricablement mêlées.

Finalement le vrai c'est ce qui satisfait l'ensemble des besoins humains et tous les besoinsdoivent être mis sur la même ligne, les besoins intellectuels n'étant pas considérés comme primant pour ladétermination de la vérité les besoins sentimentaux ou les besoins pratiques, et même les besoins moraux etreligieux.

« Le vrai, dit James, consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée, de même que le« juste » consiste seulement dans ce qui est avantageux pour notre conduite.

Je veux dire avantageux à peu prèsde n'importe quelle manière.

» Et plus nettement encore : « La vérité d'une idée est déterminée par la satisfactionqu'elle procure.

»James ne recule, en effet, devant aucune conséquence de sa théorie.

L'existence de Dieu, si elle a un sens, estl'existence d'une promesse implicite dans le monde.

Y a-t-il, oui ou non, une promesse dans le monde ? Toute laquestion est là.

« Si la conception de Dieu a un sens, elle doit impliquer certaines choses définies que nous pouvonsfaire et sentir à des moments particuliers de nos vies, choses que nous ne pourrions faire et sentir si Dieu n'étaitprésent et si les affaires de l'univers étaient conduites par des atomes matériels et non par lui.

» Telle est la thèsesoutenue dans son livre sur t'Expérience religieuse.

En opposition à l'intellectualisme qui prétend atteindre lesréalités de la religion par le secours de la raison logique, l'affirmation de l'existence de Dieu se justifie par sesconséquences.

En fait, nous mesurons la valeur d'un état d'âme d'abord au caractère de joie ou de luminosité qu'ilprésente en nous, ensuite à l'élan de bonté qu'il suscite dans notre vie.

Un Dieu réel, un Dieu vrai est un Dieu à quil'on peut attribuer certains phénomènes, tel l'effet bienfaisant de la prière, et un Dieu dont on espère certainsévénements, par exemple le salut du monde.

La vérité de Dieu ne se prouve pas, elle s'éprouve. Cette manière de poser tous les besoins humains comme équivalents aboutit chez James à un irrationalisme délibéré,qui trahit les influences romantiques qui se sont exercées sur lui en même temps que les influences de l'empirisme etde l'utilitarisme anglais pour donner un mélange singulier que René Berthelot a qualifié heureusement de romantismeutilitaire. C'est plutôt à l'agnosticisme et au scepticisme que tend la doctrine de F.C.

Schiller d'Oxford, telle que l'auteur l'aexposée à partir de 1903.

Schiller appartient, de son aveu même, au courant pragmatiste, mais pour marquer sonoriginalité il a tenu à dénommer humanisme sa conception propre.

Il considère d'ailleurs que l'esprit n'en est pasnouveau et il la rattache expressément à la célèbre maxime de Protagoras : ce L'homme est la mesure de touteschoses.

» On pourrait croire, à une lecture rapide, que sa pensée est très proche de celle de James, car sa thèseprincipale est la suivante : une proposition est vraie ou fausse selon que ses conséquences ont ou n'ont pas devaleur pratique.

La vérité ou la fausseté dépendent donc de ce à quoi on tend.

Toute la vie mentale est orientéevers des buts (ail mental life is purposive).

Mais ces buts ne peuvent être que ceux de l'être que nous sommes ;d'où il suit que toute connaissance est subordonnée en définitive à la nature humaine et à ses besoinsfondamentaux.

« L'humanisme est simplement le fait de se rendre compte que le problème philosophique concernedes êtres humains s'efforçant de comprendre un monde d'expérience humaine avec les ressources de l'esprit humain.»Au dire même de l'auteur, son humanisme se distinguerait du pragmatisme américain en ce qu'il est plus large, car ildégage l'esprit directeur de celui-ci pour l'appliquer non seulement à la logique, mais à l'éthique, à l'esthétique, à lamétaphysique, à la théologie, etc.

Il semble que James, parfois au moins, soit presque allé jusque-là.

En revanche,ce qui est bien à Schiller, c'est de tenir compte avant tout, notamment en matière de métaphysique, de la variétédes besoins individuels.

Par suite, il rejette, d'une part, tout absolu métaphysique et de l'autre, il justifie l'existenced'autant de métaphysiques différentes qu'il y a d'individus.

En d'autres termes, la vérité serait une questiond'idiosyncrasie, c'est-à-dire de tempérament individuel, et le titre d'une des plus célèbres pièces de Luigi Pirandello,Chacun sa vérité, constitue une formule qui définirait bien l'humanisme de Schiller.. »

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